Terralaboris asbl

Allocations aux personnes handicapées : détermination des revenus en cas d’erreur dans l’établissement du revenu imposable

Commentaire de C. trav. Liège, 9 novembre 2009, R.G. 36.085/09

Mis en ligne le mercredi 14 avril 2010


Cour du travail de Liège, 9 novembre 2009, R.G. 36.085/09

TERRA LABORIS ASBL – Mireille JOURDAN

Dans un arrêt du 9 novembre 2009, la Cour du travail de Liège rappelle que les revenus à prendre en compte sont ceux figurant sur l’avertissement extrait de rôle.

Les faits

Une demande d’allocations (ARR et AI) a été introduite le 1er octobre 1993, les ressources déductibles étant des allocations de chômage, des indemnités AMI et une rente accident du travail.

L’intéressé communique ses revenus pour l’année 1991 et 1992. Il dépendra du CPAS à partir du 1er août 1993, suite à un litige relatif aux indemnités AMI.

Une décision administrative intervient le 6 juin 1994, reconnaissant le droit pour les deux allocations mais rejetant la demande à la date du 1er novembre 1993, au motif de revenus trop élevés. La demande n’est pas examinée à partir du 1er janvier 1994. Une action en récupération d’indu sera introduite par l’organisme assureur en ce qui concerne les indemnités journalières pour la période de septembre 1992 à juillet 1993, vu la perception d’indemnités plus élevées que celles déclarées dans le secteur des accidents du travail. La même décision sera prise ultérieurement pour la période allant jusqu’au 30 novembre 1995.

Les faits dont la Cour est saisie vont concerner la période allant jusqu’au 30 avril 1999, un jugement du Tribunal du travail de Huy ayant par ailleurs statué pour la période ultérieure.

Le demandeur sera ultérieurement condamné par la Cour du Travail à rembourser à son organisme assureur des montants pour la période de 1992 à 1995.

Position du Tribunal du travail

Le Tribunal du travail va rendre quatre jugements, souhaitant d’abord connaître l’issue du litige opposant l’intéressé à son organisme assureur, la récupération pouvant avoir une incidence sur les revenus vu une possible réduction à concurrence de plus de 20% pour les années 1991, 1992. Dans deux autres jugements, la cause sera reportée dans l’attente de l’arrêt à intervenir (ci-dessus en matière AMI). Enfin, le jugement dont appel, daté du 9 janvier 2009, conclut que les indemnités AMI remboursées ont une incidence sur la hauteur des revenus pour l’année 1992, en telle sorte que les revenus de cette année, réduits, sont de plus de 20% inférieurs à ceux de 1991. Ceci implique un nouveau calcul des allocations.

L’appel

L’appel est interjeté par l’Etat Belge (SPF Affaires sociales, Service des allocations aux personnes handicapées) au motif que l’existence d’un indu est sans incidence sur la hauteur des revenus.

Position de la Cour du travail

La Cour rappelle les dispositions légales permettant de déterminer le revenu déductible des allocations et d’apprécier si une modification ultérieure a une incidence sur le calcul de celles-ci.

Il s’agit en l’espèce d’examiner l’article 7 de la loi du 27 février 1987. Tel que libellé à l’époque, il énonçait que le montant des allocations est diminué du montant du revenu du handicapé (ou de la personne avec laquelle il forme un ménage) et que le Roi détermine ce qu’il faut entendre par « revenu ». L’arrêté royal du 6 juillet 1987 a ainsi précisé (article 8) qu’il y a lieu de procéder à une enquête sur les revenus et par que « revenu », il faut entendre la somme des montants du revenu imposable globalement et du total des revenus imposables distinctement pris en considération pour l’imposition en matière d’impôt des personnes physiques. Ces données figurent sur l’avertissement-extrait de rôle délivré par l’administration des contributions directes. Les données à prendre en considération en matière de revenu sont celles relatives à a 2e année qui précède celle au cours de laquelle la demande d’allocations est introduite. L’arrêté royal précise également dans ce même article 8 (§3) que, pour le demandeur qui n’a pas rentré de déclaration à l’impôt des personnes physiques, le revenu réel pour l’année considérée est établi par le Service lui-même, en remplacement du revenu non communiqué.

Enfin, l’article 9 du même arrêté permet de retenir les revenus de l’année moins 1 au lieu moins 2 lorsque ces revenus ont subi une modification, à la baisse ou à la hausse, de 20% au moins.

Il en résulte pour la Cour que, s’il y a un avertissement-extrait de rôle, il faut s’en tenir au montant imposable ainsi déterminé par l’administration fiscale. Il y a lieu d’avoir égard au revenu réel en absence d’un tel avertissement-extrait de rôle.

Dans l’hypothèse d’une erreur commise par l’administration fiscale dans l’établissement du revenu imposable, même si celle-ci est avérée, elle peut toujours retenir le montant figurant sur cet avertissement-extrait de rôle. L’article 8, §1er, alinéa 2 de l’arrêté royal renvoie en effet expressément à ces revenus et la volonté ainsi clairement exprimée est de se référer à l’imposition fiscale. L’erreur commise est dès lors indifférente. La Cour relève que cette référence à l’avertissement-extrait de rôle et au revenu tel que fixé par l’administration fiscale était déjà la règle avant le 1er juillet 2003. Elle rappelle une nombreuse jurisprudence confirmant la chose, étant que le juge est sans pouvoir pour procéder à une rectification des revenus.

La Cour de cassation est également intervenue sur la question puisque dans un arrêt du 31 janvier 2005 (Cass., 31 janvier 2005, Pas. 2005, p.256) elle a considéré que, l’article 8 n’imposant la prise en compte que des seuls revenus mentionnés sur l’avertissement-extrait de rôle, l’administration ne peut, en sus, retenir des revenus d’origine étrangère qui n’y figurent pas.

En l’espèce, la Cour constate l’inutilité de s’intéresser au sort de la récupération de l’indu, dans la mesure où l’avertissement-extrait de rôle n’a pas été rectifié. Les revenus de base sont dès lors ceux qui y figurent.

La Cour va dès lors procéder à un calcul du montant des allocations et des revenus déductibles, ainsi que des abattements.

Enfin, le demandeur ayant volontairement retardé l’issue du litige, au motif – jugé inutile pour la Cour – d’attendre la solution du litige AMI, la Cour suspend le cours des intérêts judiciaires depuis le 27 octobre 1995 (date de la première demande de remise) jusqu’au 5 juin 2008 (date de l’ordonnance de mise en état).

Intérêt de la décision

La décision commentée ci-dessus rappelle une règle claire en matière de revenus : seul doit être pris en compte le montant des revenus figurant sur l’avertissement-extrait de rôle délivré par l’administration des contributions directes. Toute autre circonstance est indifférente en la matière.


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