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Les différences dans les sanctions en cas de non respect du contrat d’activation entre bénéficiaire d’allocations d’attente et de chômage : discrimination ?

Commentaire de C. trav. Liège, 9 juin 2008, R.G. 35.401/08

Mis en ligne le mardi 16 mars 2010


Cour du travail de Liège, 9 juin 2008, R.G. 35.401/08

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Se prononçant sur la problématique, la Cour du travail de Liège retient, dans un arrêt du 9 juin 2008, le caractère comparable des situations en cause.

Les faits

Madame O. est bénéficiaire d’allocations d’attente est mère de deux enfants, qui sont à sa charge.

Elle est convoquée dans le cadre du contrôle de la recherche active d’emploi. Ses efforts étant jugés insuffisants, elle se voit imposer la signature d’un contrat d’activation en date du 2 février 2006.

Lors de l’entretien d’évaluation, l’agent de l’ONEm considère qu’elle n’a pas respecté les engagements repris au contrat, à savoir l’un de ceux-ci, qui est de faire renouveler tous les trois mois sa carte « Activa ». Lors de l’entretien, le 7 août, elle n’avait pas encore renouvelé ladite carte (ce qui sera fait le lendemain, le 8 août).

Le 22 août 2006, l’ONEm lui notifie sa décision de l’exclure du bénéfice des allocations pendant 4 mois à dater du 28 août (application de l’art. 59quinquies, §§ 5 à 7, A.R. 25.11.1991).

Mme O. introduit alors un recours contre la décision d’exclusion, recours qui sera rejeté par le Tribunal.

La position des parties en appel

Mme O. fit valoir deux arguments à l’encontre du jugement.

D’une part, elle soulignait avoir globalement respecté le contrat, dès lors qu’un seul des engagements n’était pas parfaitement réalisé. Elle était en possession de la carte Activa et avait uniquement omis de la renouveler. Elle faisait par ailleurs valoir que la détention de la carte est sans incidence sur sa réinsertion professionnelle.

D’autre part, elle soulevait une exception d’illégalité, dans la mesure où la sanction imposée serait discriminatoire. Elle pointait la différence de traitement créée par la réglementation entre chômeur ayant charge de famille ou isolé bénéficiant d’allocations d’attente et chômeur, dans les mêmes situations familiales, bénéficiant d’allocations de chômage. Les premiers sont effet exclus du bénéfice de leurs allocations pendant 4 mois (sanction applicable quelle que soit la catégorie) tandis que les seconds bénéficient encore des allocations pendant la même période, mais d’un montant réduit.

La décision de la Cour

Sur le premier moyen d’appel (respect des engagements et/ou absence de pertinence de l’engagement non respecté), la Cour constate la réglementation ne fait pas de différence entre le respect total ou partiel des engagements du contrat ou de l’un d’entre eux. Le texte légal autorise le directeur à appliquer la sanction dès lors qu’il n’y a pas de respect complet d’un des engagements.

La Cour contrôle cependant la pertinence de l’engagement et relève qu’il s’agit d’une des actions concrètes visées par la réglementation, laquelle constitue un facteur participant à la réinsertion. Quant à l’argument selon lequel la carte peut être demandée même après l’engagement, par le travailleur ou l’employeur, la Cour estime qu’avoir une carte en cours de validité est un facteur facilitant l’engagement, de sorte que la décision du facilitateur de l’intégrer dans les actions concrètes est opportune. Vu l’absence de respect de l’un des engagements du contrat, la Cour refuse d’annuler la sanction.

Examinant ensuite le second moyen (illégalité de la sanction), la Cour commence par examiner s’il existe deux catégories comparables de personnes (lesquelles doivent se trouver dans une situation identique ou comparable pour que l’on puisse parler de différence de traitement).

A l’inverse du premier Juge, la Cour estime que les jeunes chômeurs bénéficiaires d’allocations d’attente perçoivent un revenu de remplacement du fait d’une privation involontaire de travail et de rémunération, tout comme les bénéficiaires d’allocations de chômage, et ce même s’ils sont soumis à des règles spécifiques sur certains aspects. Pour la Cour, le test de la comparabilité doit s’établir au regard de la situation des intéressés, étant que, quelle que soit la catégorie, ils n’ont pas respecté les engagements souscrits au contrat d’activation.

Elle retient ensuite qu’il y a une différence de traitement objective entre les deux groupes (la sanction).

Rappelant qu’il faut encore vérifier si la différence de traitement est ou non raisonnablement justifiée au égard aux buts et aux effets de la mesure critiquée, de même qu’au regard des principes applicables (test de proportionnalité), la Cour rouvre les débats, pour permette une discussion entre les parties sur la justification, ainsi que pour recueillir l’avis du Ministère public.

Intérêt de la décision

Nous avons eu l’occasion de commenter deux décisions qui portaient sur la même problématique (Trib. trav. Charleroi, 22 sept. 2006, R.G. 65.973/R et C. trav. Mons, 29 juin 2007, R.G. 20.401 statuant en degré d’appel).

Contrairement à la Cour du travail de Mons, la Cour du travail de Liège admet le caractère comparable des catégories (comme l’avait décidé le Tribunal du travail de Charleroi dans son jugement précité), alimentant ainsi le débat jurisprudentiel sur la question.

Affaire à suivre donc pour connaître la position de la Cour du travail sur le caractère raisonnablement justifié de la différence de traitement ou la proportionnalité de la mesure eu égard à ses objectifs.

Comme l’illustre l’arrêt, la voie de la discrimination est de plus en plus utilisée, surtout lorsqu’elle représente pour les plaideurs la dernière voie de défense. Ceci est assez frappant dans l’espèce commentée, d’autant que l’on ne peut que pointer la sévérité de l’ONEm dans le cas d’espèce (un engagement qui peut être réalisé n’importe quand et dont le non-respect n’infirme pas la recherche active d’emploi mais permet néanmoins une sanction extrêmement lourde étant la privation du revenu de remplacement d’une jeune mère pendant 4 mois).


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