Terralaboris asbl

La victime peut choisir entre action en indemnisation ou action en aggravation

Commentaire de C. trav. Mons, 16 juin 2009, R.G. 21.130

Mis en ligne le jeudi 28 janvier 2010


Cour du travail de Mons, 16 juin 2009, R.G. n° 21.130

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 16 juin 2009, la Cour du travail de Mons rappelle que la victime à qui est notifiée une décision de guérison sans séquelle peut choisir entre introduire une action en indemnisation (invoquant l’existence d’une incapacité permanente de travail) ou une action en revision fondée sur la modification de son état. L’article 72 ne limite pas le choix de la victime.

Les faits

Monsieur B., joueur de football, est victime d’un accident du travail en date du 4 octobre 2005, accident reconnu.

À la faveur d’une nouvelle période d’incapacité de travail, refusée par l’entreprise d’assurances, celle-ci lui notifie un certificat médical de guérison sans séquelle établi le 25 février 2007 (notifié par lettre du 1er mars 2007). Le certificat fait état d’un examen en date du 19 juillet 2006 et fixe la consolidation au 6 novembre 2005.

Le médecin suivant la victime estimant qu’il persistait des séquelles, celle-ci introduit une action, par citation du 10 août 2007 afin que ces séquelles soient reconnues. Elle sollicite par ailleurs, à titre subsidiaire, la désignation d’un médecin expert, et libelle la mission selon les termes d’une action en indemnisation (fixation de l’incapacité permanente de travail).

Position des parties et du tribunal

Devant le tribunal du travail, l’entreprise d’assurances soutient qu’en vertu de l’article 72 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, la victime, à qui une décision de guérison sans séquelle a été notifiée, ne peut qu’intenter une action en revision, fondée sur des éléments nouveaux survenus postérieurement à la décision. Le tribunal du travail rejette cette argumentation, considérant que l’action introduite est une action en indemnisation et non en revision.

L’entreprise d’assurances interjette appel de cette décision faisant valoir la même argumentation devant la Cour du travail.

La position de la Cour

La Cour rejette également l’argumentation développée par l’entreprise d’assurances, rappelant que l’article 72 de la loi du 10 avril 1971 ouvre deux actions à la victime étant soit de contester la décision de guérison (et dès lors d’invoquer l’existence d’une incapacité permanente de travail) soit d’introduire une action en revision, fondée sur une modification de son état, résultant d’éléments survenus postérieurement à la décision.

La Cour confirme par ailleurs que la position défendue par l’entreprise d’assurances ne trouve nullement appui dans l’arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 2002 (J.T.T., 2002, p. 359). Elle rappelle que, dans cet arrêt, la Cour de cassation s’est limitée à préciser la nature du délai de trois ans.

La Cour du travail de Mons estime en conséquence que la victime peut agir en vue de faire fixer l’indemnisation relative à l’accident, contestant ainsi la décision de guérison sans séquelle. Elle disposera encore, à l’issue de la procédure judiciaire statuant sur sa contestation, d’une possibilité de revision, prenant cours à la date où la décision judiciaire sera devenue définitive.

Constatant encore que, en l’espèce, la qualification de l’action introduite par la victime ne fait pas de doute, elle confirme le jugement.

Intérêt de la décision

La décision rappelle un principe bien admis, quoiqu’encore contesté comme le démontre la décision : la victime qui se voit notifier une décision de guérison sans séquelle peut contester celle-ci en introduisant une action en indemnisation. Son droit n’est donc pas limité à une action en revision, laquelle est d’ailleurs beaucoup plus contraignante sur le plan de la preuve.

Rappelant encore, en ce qui concerne la nature du délai visé par l’article 72, l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 18 juin 2008 (102/2009). L’on sait que la Cour de cassation avait qualifié le délai visé à l’article 72 de délai préfix, interdisant ainsi toute interruption ou suspension de son cours. Selon la Cour constitutionnelle, le fait de soumettre l’action en contestation d’une décision de guérison sans séquelle à un délai qui ne peut être ni interrompu ni suspendu n’est pas justifié. Elle considère ainsi que l’interprétation selon laquelle le délai est un délai préfix viole les articles 10 et 11 de la constitution.


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