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L’ancienneté pour la fixation du délai de préavis : une période de travail effectuée sous le couvert d’un détachement peut être prise en compte

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 16 février 2009, R.G. 1.539/08

Mis en ligne le mercredi 27 janvier 2010


Tribunal du travail de Bruxelles, 16 février 2009, R.G. 1.539/08

TERRA LABORIS ASBL – Sandra CALA

Dans un jugement du 16 février 2009, le Tribunal du travail de Bruxelles confirme que, dès lors qu’il y a eu des prestations de travail sous autorité, il importe peu, pour l’évaluation de l’ancienneté, qu’elles se soient réalisées dans le cadre d’un accord de détachement et non dans un lien contractuel direct.

Les faits

Monsieur K. est engagé en 1993 par une organisation syndicale allemande, pour effectuer des prestations pour son compte, au siège allemand. Le 1er octobre 1999, il est convenu qu’il est détaché auprès d’une organisation européenne, ayant son siège à Bruxelles. Ce détachement est opéré pour une durée déterminée et est renouvelé plusieurs fois.

Quoique les prestations aient été effectuées pour le compte de l’organisation basée à Bruxelles et que le contrat avec l’organisation allemande ait été suspendu, c’est cette dernière qui a payé la rémunération de l’intéressé. Il était par ailleurs assujetti au système de sécurité sociale allemand.

Cette situation perdure jusqu’en octobre 2005, moment où est signé un contrat de travail avec l’organisation européenne basée en Belgique, contrat conclu pour une durée indéterminée. Parallèlement, l’intéressé et son employeur allemand concluent une convention de suspension des prestations, actant la suspension du contrat et prévoyant un droit à réintégrer ses fonctions antérieures, selon certaines modalités.

En novembre 2006, l’intéressé adresse un courrier à l’organisation allemande, faisant usage de son « droit de retour ». Copie de ce courrier est envoyé à l’employeur belge. Celui-ci interprète cette demande comme une marque de défiance et un manque de loyauté.

Malgré les différentes discussions menées entre les parties, l’employeur maintient son point de vue et licencie en janvier 2007 l’intéressé moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de 3 mois.

Parallèlement, l’intéressé fait l’objet d’une mesure de licenciement par l’organisation allemande. Une procédure en Allemagne est introduite, aboutissant in fine à un accord prévoyant la rupture du contrat allemand au 30 avril 2008.

Estimant l’indemnité compensatoire de préavis versée insuffisante et le licenciement abusif, le travailleur introduit une procédure devant le Tribunal du travail de Bruxelles, aux fins d’obtenir la condamnation de l’employeur belge au paiement d’un complément d’indemnité de rupture (9 mois complémentaires) et des dommages et intérêts pour abus de droit de licencier.

Seul le premier aspect du litige est abordé dans le présent commentaire.

La position des parties

L’intéressé faisait valoir que l’indemnité versée ne prend pas en compte son ancienneté réelle, qui remonte au 1er octobre 1999 et non au 1er octobre 2005 (date de la signature du contrat de travail à durée indéterminée). Il précisait avoir accompli des prestations pour le compte exclusif de l’employeur belge et sous l’autorité de celui-ci depuis octobre 1999. Depuis cette date, plus aucune prestation n’a été réalisée pour l’employeur allemand. Il invoquait également que le mécanisme du détachement est une construction artificielle, qui ne peut prévaloir sur la réalité. Enfin, il précisait que les données de l’espèce devaient conduire à retenir un préavis de 11 mois et qu’il était en outre confronté à des difficultés particulières, justifiant la fixation du délai à 12 mois.

L’employeur soutenait pour sa part que, dès lors que, pendant l’époque 1999-2005, l’intéressé est resté sous contrat allemand et qu’il a été assujetti à la sécurité sociale allemande, cette période de travail ne peut être retenue. Il soutenait que le travailleur ne prouvait pas l’existence d’un lien contractuel pour cette période.

La décision du tribunal

Vu que la période de travail contestée l’a été auprès de la même entité que la période admise, le Tribunal estime que la question à résoudre est de déterminer si elle peut être prise en considération malgré l’absence de lien contractuel.

A cet égard, le Tribunal retient la réalité de prestations de travail effectuées pour le compte de l’employeur belge dès octobre 1999 tandis qu’aucune preuve n’est rapportée de ce que ce travail aurait été effectué sous la direction de l’employeur allemand.

Le fait que cette occupation s’est réalisée, dans un premier temps, dans le cadre d’une part d’une convention de détachement entre les deux employeurs et d’autre part d’un accord entre le travailleur et son employeur allemand est, pour le Tribunal, indifférent. Le Tribunal estime en effet que l’ancienneté ne doit pas nécessairement s’inscrire dans le cadre d’un contrat de travail.

Il retient en conséquence l’ancienneté pour le calcul de la durée du préavis au 1er octobre 1999.

Quant à l’évaluation de la durée convenable, le Tribunal la fixe à 8 mois, au regard du fait qu’au moment de la notification du congé (moment auquel il convient de se placer) l’intéressé pouvait revendiquer des droits à l’égard de l’employeur allemand, le contrat liant ces parties n’étant pas encore rompu.

Intérêt de la décision

Cette décision se prononce sur la détermination de l’ancienneté au sens de l’article 82 de la loi du 3 juillet 1978. Dans le cadre d’un détachement, l’on peut retenir une ancienneté auprès de l’entreprise utilisatrice dès lors que des prestations de travail ont été fournies pour son compte. C’est en définitive la fidélité à l’entreprise qui est retenue comme critère déterminant et non l’existence ou non d’un lien contractuel.


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