Terralaboris asbl

Droit au revenu d’intégration sociale dans le chef d’un citoyen non européen dont un membre de la famille est citoyen de l’Union

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 septembre 2009, R.G. 50.529

Mis en ligne le mardi 26 janvier 2010


Cour du travail de Bruxelles, 2 septembre 2009, R.G. n° 50.529

TERRA LABORIS ASBL – Cala Sandra

Dans un arrêt du 2 septembre 2009, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions du droit au séjour et à l’établissement, dans le cadre d’un regroupement familial, et celles relatives à l’octroi du revenu d’intégration sociale.

Les faits

Une citoyenne dominicaine arrive en Belgique en 2003 dans le cadre d’un regroupement familial permis par sa belle-fille, de nationalité belge.

Elle est inscrite au registre des étrangers et ensuite au registre de la population.

Deux ans plus tard, elle quitte le ménage de son fils et de sa belle-fille et sollicite l’octroi du revenu d’intégration sociale au taux isolé, demande qui est refusée, au motif que la belle-fille est son garant.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail de Bruxelles.

La position du tribunal

Par jugement du 19 novembre 2007, le tribunal du travail réforme la décision du CPAS et, faisant droit à la demande, accorde l’exécution provisoire. Le CPAS n’en tiendra pas compte et interjettera appel.

L’intéressée introduit alors une nouvelle demande et celle-ci connaît le même sort, le CPAS prenant une décision de refus. Suite à un nouveau recours de l’intéressée, le tribunal du travail se prononce une seconde fois et rappelle l’autorité de la chose jugée s’attachant au jugement du 19 novembre 2007. Il fait encore droit à la demande et accorde le revenu d’intégration à partir du 11 avril 2008. Ce jugement n’est apparemment pas frappé d’appel.

L’appel

L’appel du CPAS porte donc sur la période antérieure, étant celle entre la date de la demande (27 juin 2007) et la veille de l’octroi du revenu d’intégration par le second jugement (10 avril 2008).

Thèse des parties

Le CPAS fait grief au premier juge d’avoir confondu la notion d’engagement de prise en charge par un garant (condition permettant l’accès au territoire pour un court séjour) et la condition de demeurer à charge de ce garant dans le cadre de l’établissement, obligation résidant dans l’article 40 de la loi du 15 décembre 1980. Pour le CPAS, l’article 40, § 3, 3° de la loi du 15 décembre 1980 implique que l’on accepte qu’un ascendant vienne rejoindre le regroupant à la condition qu’il soit pris en charge par celui-ci et non par la collectivité.

Il fait également valoir que l’article 4 de la loi du 26 mai 2002 qui énumère les débiteurs d’aliments n’a pas un caractère exhaustif et qu’il renvoie à l’article 206 du Code civil, celui-ci visant également les beaux-enfants en tant que débiteurs.

La demanderesse fait valoir pour sa part que les articles 40 et suivants de la loi du 15 décembre 1980 règlent le droit d’entrée et d’établissement des étrangers ressortissants d’un Etat membres des Communautés européennes (ou assimilés). En vertu de l’article 40, §§ 3 et 4 ces étrangers sont assimilés à un citoyen européen, et ce quelle que soit leur nationalité, à la condition qu’ils viennent s’installer avec le membre de la famille et qu’ils soient à leur charge. Le fait d’être à charge est une question qui doit permettre d’assimiler l’étranger (ou non) à un citoyen de l’Union Européenne, et ce quelle que soit sa nationalité. Ce critère doit dès lors intervenir au moment de la venue en Belgique.

En ce qui concerne la demande d’établissement, l’étranger (assimilé à un citoyen de l’Union Européenne) se voit reconnaître un droit au séjour dans les conditions et pour la durée déterminées par le Roi, décision devant être prise au plus tard dans les six mois de la demande. Les motifs de refus de l’entrée et du séjour en ce qui concerne ces étrangers sont repris à l’article 43 : il s’agit de motifs d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

Elle fait valoir qu’elle s’est vue accorder un droit d’établissement à un moment où elle était à charge de sa famille, vu qu’elle était l’ascendante du conjoint d’une belge. La poursuite de ce droit au séjour n’est, pour elle, nullement liée au maintien de cette prise en charge.

Elle ajoute que, quand une personne arrive sur la base d’un visa de regroupement familial, la durée de l’engagement pris quant à la prise en charge n’excède pas deux ans. Or, en l’occurrence, elle est restée quatre ans à charge de sa famille et n’a pas sollicité l’intervention du CPAS pendant cette période.

Enfin, elle relève que, dans les faits, il n’y a pas eu d’engagement de prise en charge.

Sur la deuxième question, contrairement à ce que soutient le CPAS, elle rappelle que la loi du 26 mai 2002 définit limitativement les débiteurs d’aliments, étant le conjoint, l’ex-conjoint, l’ascendant et le descendant du premier degré.

La position de l’Avocat Général

M. l’Avocat Général rappelle que, en ce qui concerne le regroupement familial, de nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er juin 2008, qui distinguent les membres de la famille eux-mêmes citoyens de l’Union Européenne ou les membres de la famille hors Union.

Pour la période avant le 1er juin 2008, il faut effectivement se référer à l’article 40 de la loi du 15 décembre 1980. Pour M. l’Avocat Général, il faut et il suffit dans ce cas d’être inscrit au registre de la population, ce qui était le cas de l’intéressée. Que l’étranger soit venu sur la base d’un regroupement familial est une circonstance indifférente. Rappelant un jugement du tribunal du travail d’Anvers (Trib. Trav. Anvers, 19 juin 2006, R.G. 386.068), M. l’Avocat Général relève que la loi ne prévoit pas d’exception pour cette catégorie d’étrangers et qu’il n’appartient pas au juge de le faire.

Il confirme enfin, le caractère limitatif des ayants-droit dont référence à l’article 4, § 1er de la loi du 26 mai 2002 et rappelle ici un autre jugement, celui-ci du tribunal du travail de Bruxelles (Trib. Trav. Bruxelles, 31 mars 2006, RG 1350/2006), selon lequel en matière de revenu d’intégration, les beaux-enfants ne sont pas des débiteurs d’aliments.

Position de la Cour du travail

La Cour se rallie entièrement à l’avis de M. l’Avocat Général et à la décision du tribunal : le droit au séjour et à l’inscription au registre de la population ne sont pas liés, pour ce type d’étrangers, à l’existence d’un quelconque garant.

En ce qui concerne les faits, la Cour rappelle en outre que le regroupement familial est intervenu sans que personne n’ait signé un engagement de prise en charge et que le CPAS ne pouvait exiger le respect de cette condition, puisqu’il n’y avait jamais eu de garant.

La Cour confirme également la position de la demanderesse, ainsi que l’avis du Ministère Public, selon lequel en matière de CPAS, le renvoi vers les débiteurs d’aliments ne peut se faire que dans le cadre de l’article 4, § 1er et non sur la base des catégories existant au sens de l’article 206 du Code civil.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles fait le point sur une catégorie particulière d’étrangers, pouvant bénéficier du revenu d’intégration sociale. Il rappelle, même s’il s’agit ici de statuer pour une période antérieure au 1er juin 2008, qu’actuellement les membres de la famille d’un citoyen de l’Union Européenne peuvent séjourner en Belgique pendant une période de trois ans, pendant laquelle il peut être mis fin au séjour et, ensuite, pendant une période indéterminée, le séjour étant devenu permanent.


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