Terralaboris asbl

Pompier volontaire : compétence des juridictions du travail en cas d’accident du travail

Commentaire de C. trav. Liège, 4 septembre 2009, R.G. 35.974/08

Mis en ligne le jeudi 10 décembre 2009


Cour du travail de Liège, 4 septembre 2009, R.G. 35.974/08

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 4 septembre 2009, la Cour du travail de Liège rappelle que les juridictions du travail sont compétentes pour connaître d’un d’accident du travail survenant à un pompier volontaire dans l’exercice de ses fonctions.

Les faits

Monsieur C. est victime de trois accidents du travail, le premier alors qu’il est occupé en qualité de sapeur-pompier volontaire pour la Ville de Stavelot et les deux autres alors qu’il prestait en qualité d’agent communal.

Contestant les décisions intervenues en ce qui concerne le règlement de ces trois accidents, l’intéressé saisit le tribunal du travail, qui déclare l’action recevable et désigne un expert judiciaire.

La Ville de Stavelot conteste la compétence du tribunal du travail pour le premier accident, survenu dans le cadre de l’activité de pompier volontaire. Pour elle, c’est le tribunal de première instance qui devrait être saisi, le demandeur ne pouvant bénéficier de la législation en matière de réparation des dommages consécutifs à un accident du travail. La Ville ne conteste pas la recevabilité de l’action en ce qui concerne les deux accidents ultérieurs.

Position de la Cour

La Cour rappelle qu’elle a, dans un précédent arrêt du 5 juin 2009, rappelé les questions essentielles qui se posent à l’occasion de ce litige, étant notamment la détermination de la compétence d’attribution des juridictions du travail telle que prévue par l’article 579, 1° du Code judiciaire. Celui-ci dispose en effet que le tribunal du travail connaît (…) des demandes relatives à la réparation des dommages résultant des accidents du travail (…).

La question qui se pose est dès lors de savoir si la loi du 3 juillet 1967 relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles dans le secteur public peut s’appliquer aux sapeurs-pompiers volontaires.

Citant J. JACQMAIN (J. JACQMAIN, « Risques professionnels dans le secteur public : révision de la loi du 3 juillet 1967 et de ses arrêtés d’exécution », Chr. D.S., 2007, p. 515), la Cour rappelle que la récente réforme législative n’a pas attribué l’ensemble du contentieux des risques professionnels dans le secteur public aux juridictions du travail. Elle relève également la situation particulière des sapeurs-pompiers volontaires, qui peuvent se trouver dans des situations diverses. Ils perçoivent une allocation horaire forfaitaire calculée au prorata du nombre d’heures d’intervention, sur la base minimale de la moyenne horaire du traitement prévu pour le personnel professionnel du même grade. Les autorités administratives qui emploient des sapeurs-pompiers doivent souscrire une assurance couvrant les accidents du travail pouvant survenir en cours de service et une assurance décès. La Cour relève que le pompier volontaire doit bénéficier d’une rémunération déterminée par trimestre pour pouvoir être assujetti à la loi du 27 juin 1969 (785,95€ - indexé) et que, en deçà de ce montant, il y a lieu pour les autorités de souscrire une police d’assurance de droit commun garantissant une couverture au moins équivalente à celle prévue pour les victimes d’accidents du travail. La question de l’inégalité de traitement des pompiers volontaires fait, par ailleurs, ainsi que le relève la Cour, l’objet de plusieurs questions parlementaires vu, comme en l’espèce, l’absence de couverture en matière d’accident du travail dans le cadre de la loi du 3 juillet 1967.

La Cour examine alors la compétence des juridictions du travail telle que fixée par l’article 579 du Code judiciaire dans la jurisprudence de la Cour de cassation. Son arrêt du 19 décembre 1988 (Cass., 19 déc. 1988, Chr. D.S., 1990, p. 124) a considéré que la compétence des juridictions du travail ne résultait pas, au sens de cette disposition du Code judiciaire, du constat de l’obligation de contracter une police d’assurance de droit commun prévoyant une réparation au moins équivalente à celle prévue par la législation en matière d’accidents du travail. La Cour y avait considéré que les juridictions du travail n’étaient pas compétentes pour connaître de tels litiges.

Dans un arrêt du 5 novembre 2001 (Cass., 5 nov. 2001, J.T.T., 2003, p. 77), elle réaffirma que le tribunal du travail n’est pas compétent pour connaître d’une demande fondée sur une police d’assurance de droit commun couvrant un risque d’accident, même si cette police accorde les mêmes avantages que ceux qui découlent de la législation en matière d’accident du travail.

Cependant, dans un arrêt ultérieur du 26 juin 2008 (Cass., 26 juin 2008, R.G. n° S.04.0134.N), la Cour de cassation a posé à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle, portant sur l’article 579, 1° du Code judiciaire : celui-ci viole-t-il les principes d’égalité et de non-discrimination garantis par la Constitution coordonnée en ses articles 10 et 11 s’il est interprété en ce sens que les juridictions du travail peuvent uniquement connaître des demandes relatives à la réparation des dommages résultant des accidents du travail et des accidents sur le chemin du travail en application de la législation sur les accidents du travail et ne peuvent donc connaître des litiges en matière d’application d’une assurance contre les accidents qui doit être conclue avec un assureur en vertu de la loi et doit offrir le mêmes garanties que celles qui sont prévues par la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail ? Il s’agissait en l’espèce de la situation d’un stagiaire en formation. Dans un arrêt du 4 juin 2009 (n° 94/2009), la Cour constitutionnelle a répondu qu’il y avait violation desdits articles, dans l’interprétation selon laquelle les juridictions du travail n’étaient pas compétentes.

La Cour du travail relève encore que l’article 579 a été modifié, par l’inclusion d’un 5°, visant la demande en réparation de dommages résultant d’un fait décrit au 1° (accident du travail, accident sur le chemin du travail ou maladie professionnelle) fondée sur une police d’assurance de droit commun conclue avec l’Office national de l’emploi au profit des stagiaires en formation professionnelle. Cette modification du Code judiciaire, introduite par la loi du 13 décembre 2005 (Loi modifiant les articles 81, 104, 569, 578, 580, 583 et 1395 du Code judiciaire, M.B. 21 déc. 2005) ne vise que les stagiaires en formation professionnelle qui bénéficient d’une’ assurance de droit commun conclue avec l’ONEm.

La Cour du travail fait dès lors sienne la conclusion de la Cour constitutionnelle et, rappelant les effets de sa jurisprudence tels que dégagés par la Cour de Cassation (Cass. 22 févr. 2005, P.04.1345.N., Pas., p. 430) rejette l’argument selon lequel les juridictions du travail ne seraient pas compétentes.

Intérêt de la décision

La Cour du travail relève dans son arrêt qu’elle n’est pas saisie du statut des pompiers volontaires, en particulier pour ce qui concerne la couverture des risques professionnels mais uniquement de la compétence des juridictions du travail pour les accidents survenant à ceux-ci, compétence tirée de l’article 579, 1° du Code judiciaire. Elle applique la jurisprudence de la Cour constitutionnelle dégagée en matière de stagiaires en formation professionnelle.

L’on peut également préciser que l’arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 2008 visait un stagiaire participant à une formation professionnelle individuelle organisée dans le cadre de l’arrêté de l’Exécutif flamand du 21 décembre 1988 portant organisation de l’Office flamand de l’emploi et de la formation professionnelle.


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