Terralaboris asbl

Cohabitation : charge de la preuve

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 3 juin 2009, R.G. 46.287W et 46.288W (+ C. trav. Bruxelles, 3 juin 2009, R.G. 46.637)

Mis en ligne le mardi 10 novembre 2009


Cour du travail de Bruxelles, 3 juin 2009, R.G. n° 46.287W – 46.288W

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 3 juin 2009, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les principes en matière de répartition de la preuve, sur cette question, dans laquelle la Cour de cassation est intervenue à diverses reprises.

Les faits

Une mère de famille est admise aux allocations de chômage au taux ménage, ayant déclaré sur le formulaire C1 cohabiter avec son fils écolier. Il apparaît ultérieurement, suite à une enquête de l’ONEm, qu’elle cohabite avec un tiers, à une autre adresse et qu’elle travaillerait pour son compte (restaurant). En conséquence, l’ONEm prend deux décisions, l’une relative à la cohabitation et l’autre concernant une occupation de la chômeuse pour compte de son ami, occupation exercée sans déclaration préalable et sans avoir biffé les cases correspondantes de sa carte de chômage.

La position du tribunal

Le premier juge retient que la cohabitation n’est pas établie, sur la base des éléments de fait qui lui sont produits.

La position de la Cour

Sur l’appel de l’ONEm, la Cour du travail rappelle qu’il y a lieu, sur ces questions, de garder à l’esprit l’enseignement de la Cour de cassation.

Dans son arrêt du 15 janvier 2007 (R.G. S.06.0062.F), la Cour de cassation s’était prononcée sur la répartition de la charge de la preuve en matière de cohabitation : la charge de la preuve de la qualité de travailleur isolé ou ayant charge de famille repose sur le chômeur.

Dans un arrêt précédent du 14 septembre 1998 (R.G. S.97.0161.F) elle avait appliqué ce principe à la question du partage des questions ménagères, le juge du fond ne pouvant considérer que l’ONEm doit rapporter la preuve non seulement qu’il y a vie sous le même toit mais également que les questions ménagères sont réglées principalement en commun. Ce faisant, il méconnaîtrait la règle qui met à charge du chômeur la preuve de sa qualité de travailleur isolé.

Ce raisonnement se retrouve dans l’arrêt du 15 janvier 2007 où la Cour suprême considère que le juge du fond ne peut décider, en vue de l’octroi de la qualité de travailleur ayant charge de famille pendant une période déterminée, qu’il n’y aurait pas cohabitation, parce que l’ONEm n’établit pas que le couple aurait résidé sous le même toit pendant la période litigieuse.

Pour la Cour du travail, c’est donc à l’intéressée d’établir, si elle souhaite conserver la qualité de travailleuse ayant charge de famille, qu’elle ne vivait pas sous le même toit que son compagnon et qu’elle ne réglait pas principalement en commun les question ménagères avec lui.

La Cour va, sur la base de ces principes et en reprenant l’ensemble des déclarations au dossier, apprécier s’il y a ou non cohabitation. Elle retient encore que, dès lors que l’ONEm établit la résidence commune et régulière de la chômeuse avec une tierce personne, il appartient à celle-ci d’apporter la preuve de l’absence d’une participation aux charges et donc d’un ménage commun. Pour la Cour c’est l’enseignement d’un arrêt de la Cour du travail de Liège du 17 mars 1992 (R.G. 98187/91). Il revient donc à la chômeuse d’établir qu’elle se trouve dans une situation lui permettant de prétendre à une majoration du montant de base de ses allocations dès lors que l’ONEm établit la résidence commune et régulière avec une personne dont la présence sous le même toit n’a pas été déclarée (voir Cass., 14 septembre 1998 ci-dessus et un autre arrêt de la même date (S.97.8132/F).

En l’occurrence, l’ONEm a démontré que l’intéressée vivait sous le même toit que son compagnon, ce qui ressort des déclarations non équivoques des deux personnes.

Pour la Cour, si elle a également conservé son domicile propre et a continué à payer ses charges dans cet appartement, ceci ne suffit nullement à prouver l’absence de cohabitation. Dès lors qu’elle souhaitait en effet conserver un domicile officiel ailleurs, il était normal d’en acquitter les loyers et charges.

La Cour retient cependant qu’il ne faut pas confondre domicile et résidence, celle-ci correspondant à l’endroit où se trouve le centre de vie réel de la personne.

Tout en payant ses charges dans son domicile, l’intéressée pouvait également participer aux frais du ménage avec con compagnon et prendre avec lui les décisions concernant la gestion de ce ménage commun.

Pour la Cour, la chômeuse doit établir l’absence de ménage commun, ce que, en l’espèce, elle reste résolument en défaut de faire.

La Cour va également rappeler, sur la question de la cohabitation, que cette notion a deux sens dans la réglementation, étant la notion ci-dessus (article 110 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991) et celle visée à l’article 50, qui vise la cohabitation avec un travailleur indépendant. Par cette seconde notion, il faut entendre le fait pour plusieurs personnes de vivre sous le même toit. La Cour rappelle ici un arrêt de la Cour du travail de Liège du 6 janvier 1999 (R.G. 23.291/95). Cette notion n’implique pas la mise en commun des ressources ou d’une partie de celles-ci (Cass., 6 décembre 1993, Bull. 1993, n° 501), contrairement à ce qui est prévu pour la fixation du taux des allocations de chômage. Dans l’examen de la cohabitation avec un travailleur indépendant, le critère étudié est l’aide apportée, étant la réalité d’un travail effectué pour ce travailleur indépendant. Par contre, dans la fixation du taux des allocations de chômage, sont prises en compte les ressources du chômeur et celles de son ménage éventuel.

Intérêt de la décision

Cette décision est intéressante à double titre, étant que

  • d’une part elle fait un rappel dès règles imposées par la Cour de cassation en ce qui concerne les obligations de preuve dans le chef du chômeur en cas de cohabitation ;
  • elle rappelle encore la distinction entre la notion de cohabitation au sens de l’aide apportée à un travailleur indépendant et de la définition retenue aux fins de fixer le taux des allocations.

Relevons en outre que dans un autre arrêt du 3 juin 2009 (R.G. 46.637 disponible sur www.terralaboris.be ) la Cour du travail rappelle de manière détaillée les notions de vie sous le même toit et de gestion en commun des questions ménagères. Elle y retient e, l’espèce que le chômeur n’apporte pas la preuve qu’il ne vit pas sous le même toit que sa famille et qu’il lui appartient également d’apporter la preuve de sa situation d’isolé. La gestion en commun des questions ménagères n’est pas, ainsi que le rappelle la Cour - et ce qui est confirmé dans une jurisprudence constante - une gestion totale. Elle est présumée lorsque le chômeur vit sous le même toit que d’autres personnes et qu’il n’existe pas « véritablement de ménages distincts ».


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be