Terralaboris asbl

Perception d’une indemnité compensatoire de préavis et d’un pécule de vacances de sortie : début du droit aux allocations de chômage

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 mai 2009, R.G. 50.866

Mis en ligne le mardi 10 novembre 2009


Cour du travail de Bruxelles, 28 mai 2009, R.G. n° 50.866

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 28 mai 2009, la Cour du travail de Bruxelles suit la jurisprudence récente qui considère que la période couverte par l’indemnité de rupture doit être suspendue fictivement par la période couverte par le pécule de vacances.

Les faits

Une employée est licenciée le 30 juin 2005 avec paiement d’une indemnité compensatoire de préavis couvrant la période du 1er juillet 2005 au 28 février 2007. Elle reçoit également son pécule de sortie. A l’issue de la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis, elle sollicite le bénéfice des allocations de chômage, et ce en date du 1er mars 2007.

Une décision de l’ONEm est prise le 16 avril 2007, concluant à l’absence de droit aux allocations pour la période du 1er mars au 10 mars, le directeur du bureau régional considérant que, avant que l’intéressée ne puisse prétendre aux allocations de chômage, elle doit prendre le solde des jours de congé correspondant au pécule de vacances alloué lors de la rupture.

L’intéressée introduit un recours pour contrer cette décision.

La position du tribunal

Par jugement du 17 mars 2008, le tribunal du travail accueille la requête de l’intéressée et annule la décision administrative. Il considère qu’il n’y a aucune base légale permettant de considérer que la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis doit être prolongée fictivement des jours de vacances que le travailleur n’a pas pu prendre, vu son licenciement.

La position des parties en appel

L’ONEm considère qu’il s’agit d’appliquer l’article 20 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991, selon lequel le chômeur doit épuiser les jours couverts par un pécule de vacances au plus tard dans le courant du mois de décembre de l’année qui suit l’exercice de vacances. Les jours couverts par un pécule de vacances ne peuvent être épuisés au cours des périodes de chômage complet qui ne sont pas indemnisables en vertu de l’article 46 de l’arrêté royal à cause de la perception d’une indemnité du fait de la cessation d’un contrat de travail. Pour l’ONEm, les dispositions en question doivent être interprétées en ce sens que, en cas d’octroi d’une indemnité de rupture et d’un pécule de sortie, la période couverte par l’indemnité de rupture doit fictivement être suspendue pendant la période relative aux jours de vacances couverts par le pécule. L’ONEm se réfère à diverses décisions de jurisprudence (C. trav. Anvers, 13 septembre 2007, J.T.T., 2008, p. 88 ; C. trav. Gand, 20 février 2003, RG n° 2001/35 ; C. trav. Gand, 2 mars 2000, R.G. n° 98/285 ; C. trav. Bruxelles, 10 avril 2008, RG n° 49.871). Il fait valoir que décider autrement serait source de discrimination entre le travailleur qui doit prester son préavis et qui voit celui-ci suspendu pendant la durée de ses vacances et le travailleur qui perçoit une indemnité compensatoire.

La position de la Cour

La Cour du travail rappelle les dispositions applicables, étant les articles 44 et 46 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. En vertu de l’article 46, est considéré comme rémunération … le pécule de vacances (3°) … l’indemnité à laquelle le travailleur peut prétendre du fait de la rupture du contrat de travail, à l’exception de l’indemnité pour dommage moral et de l’indemnité qui est octroyée en complément de l’allocation de chômage (5°).

Le même article prévoit que le Ministre peut déterminer, après avis du Comité de gestion le moment où le chômeur doit épuiser les jours couverts par le pécule de vacances ainsi que la manière de calculer le nombre de jours couverts par cette rémunération (art. 46, alinéa 2, 1°).

En exécution de cette disposition, l’article 20 de l’Arrêté Ministériel du 26 novembre 1991 prévoit que le chômeur doit épuiser les jours couverts par un pécule de vacances au plus tard dans le courant du mois de mois de décembre qui suit l’exercice de vacances et que les jours couverts par un pécule de vacances ne peuvent être épuisés au cours des périodes de chômage complet qui ne sont pas indemnisables en vertu de l’article 46 à cause de la perception d’une indemnité du fait de la cessation du contrat de travail.

Il en découle, pour la Cour, qu’aussi bien le pécule de vacances que l’indemnité de rupture constituent de la rémunération au sens de l’article 64 de l’arrêté royal, à telle enseigne que le chômeur ne peut pas bénéficier d’allocations de chômage pour les périodes couvertes par ceux-ci.

Si l’arrêté royal donne compétence au Ministre pour déterminer le moment où le chômeur doit prendre les jours couverts par un pécule de vacances, il n’en découle pas qu’il est fait exception à la règle de base selon laquelle aucune allocation de chômage n’est due pour la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis ou le pécule.

Conformément à l’article 39 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, une indemnité est due lors de la rupture du contrat de travail en cas de non respect du préavis et en dehors d’un motif grave. Si cette indemnité est due immédiatement à la rupture du contrat de travail, il n’en découle pas que le paiement, à défaut d’autre fondement légal, couvre nécessairement la période qui suit directement ladite période de rupture.

En application de l’interdiction de cumul, instaurée par l’article 46 de l’arrêté royal, lorsque pour la période qui est normalement couverte par l’indemnité de rupture, un pécule de vacances est dû (qui ne peut pas être cumulé avec l’allocation de chômage et qui ne peut pas par ailleurs être comptabilisé dans la période couverte par l’indemnité de rupture mais doit l’être en tout état de cause avant le 31 décembre de l’année calendrier), l’indemnité de rupture doit être considérée comme couvrant une période comptant à la fois l’indemnité elle-même et le pécule de vacances.

La Cour confirme, en conséquence, la position de l’ONEm.

Intérêt de la décision

Deux arrêts de la Cour du travail ont été rendus le même jour sur la question (R.G. n° 50.866 ci-dessus et R.G. n° 49.747 disponible sur www.terralaboris.be).

L’autre décision a été rendue sur appel d’un chômeur, contre un jugement du tribunal du travail du 20 mars 2007, qui avait confirmé, dans une espèce similaire, la décision du directeur régional. La Cour y tient le même raisonnement et y rejette les arguments avancés par le chômeur selon lesquels il y aurait violation des articles 66 et 67 de l’arrêté royal du 30 mars 1967 déterminant les modalités d’exécution des lois relatives aux vacances annuelles des travailleurs. Le chômeur y faisait valoir que les vacances devaient être prises dans un délai de douze mois après la fin de l’exercice de vacances (année de référence) et considérait qu’il était impossible que le pécule de vacances, qui avait dans son cas trait aux prestations de l’année 2004 puisse être pris en compte dans l’année 2006. L’ONEm avait adopté la même position et la Cour du travail y confirme sa conclusion, conforme à la jurisprudence récente à laquelle elle-même renvoie, sur cette question.


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