Terralaboris asbl

Droit au R.I.S. pour les sans-abri radiés des registres de la population et adresse de référence

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 mai 2009, R.G. 51.581

Mis en ligne le mercredi 28 octobre 2009


Cour du travail de Bruxelles, 28 mai 2009, R.G. n° 51.581

TERRA LABORIS ASBL – Sandra Cala

Dans un arrêt du 28 mai 2009, la Cour du travail de Bruxelles confirme la définition « élargie » de la notion de sans-abri. Elle invite par ailleurs le CPAS à recourir à une adresse de référence afin de lui permettre de bénéficier du R.I.S. qu’il a supprimé suite à cette radiation.

Les faits

Un bénéficiaire d’un logement social se voit expulsé de son logement. La procédure s’est déroulée par défaut, l’intéressé soutenant ultérieurement ne pas avoir été informé.

Il est, ensuite radié des registres communaux. Par la suite, il est hébergé chez différentes personnes de sa connaissance.

Le CPAS de sa commune, étant le CPAS d’Evere, reste pour sa part dans l’attente d’une visite de l’ayant-droit et suspend les paiements.

Se considérant comme sans-abri, l’intéressé fait très rapidement une demande de logement d’urgence. Deux mois plus tard, comme il ne s’est toujours pas présenté, le CPAS prend une décision de suppression du revenu d’intégration, rétroactive (5 mois).

L’intéressé introduit un recours devant le tribunal du travail, qui va confirmer la décision du CPAS tout en corrigeant légèrement le point de départ de ses effets.

La position des parties en appel

L’appelant expose, pièces à l’appui, qu’après sa radiation d’office de la commune d’Evere, il est malgré tout resté sur ce territoire. Il en conclut que le CPAS d’Evere est compétent pour l’octroi du revenu d’intégration.

Quant au CPAS, il considère que, une fois la radiation intervenue, il devenait impossible de déterminer s’il restait compétent. Il fait valoir des éléments de fait, aux fins d’établir que l’intéressé aurait été introuvable, qu’il a attendu avant de réagir suite à la suppression du R.I.S. et que, en fin de compte, il est permis de s’interroger sur la véracité des faits repris dans les attestations qui sont déposées.

La position de la Cour

Tout en déplorant la gravité des conséquences liées à l’expulsion (dont la cause est, pour la Cour, anodine étant le refus manifesté par le locataire de permettre l’accès à son appartement en vue de l’installation de détecteurs de fumée), la Cour relève cependant les retards et lenteurs à la régularisation du dossier, celles-ci étant essentiellement dues à l’inertie de l’ayant-droit. La Cour rappelle qu’il était loisible à ce dernier de demander une adresse de référence sur le territoire de la commune, aussi longtemps qu’il n’aurait pas trouvé de logement. Cette adresse lui aurait permis de bénéficier du revenu d’intégration sociale (dès lors que les autres conditions semblaient réunies).

La Cour en conclut qu’elle ne peut que confirmer le jugement du tribunal.

Elle se voit toutefois saisie, à l’audience, d’une demande formulée par l’intéressé – présent -, qui demande ce qu’il doit faire pour la suite.

La Cour considère, sur cette question, que l’hypothèse qui lui est soumise est celle où il s’indique de faire une nouvelle demande d’adresse de référence.

Reprenant la doctrine et la jurisprudence (dont C. trav. Liège, Sect. Namur, 3 mars 2009, RG 8.666/2008), elle retient que la personne sans abri ne fait pas l’objet d’une définition légale. Il faut considérer comme telle celle qui n’a pas de résidence habitable, qui ne peut, par ses propres moyens disposer d’une telle résidence et qui se trouve dès lors sans résidence ou dans une résidence collective où elle séjourne de manière transitoire en attendant de disposer d’une résidence personnelle (définition selon les travaux préparatoires). Elle souligne que l’arrêt de la Cour du travail de Liège qu’elle cite a relevé que cette définition dans les travaux préparatoires est incomplète : il ne vise en effet pas la personne hébergée temporairement chez une personne physique et non dans une résidence collective.

Deux circulaires ministérielles sont intervenues, ainsi que rappelé (27 avril 1995 et 15 mai 1995) considérant que la notion de personne sans abri s’applique à un tel cas, étant celui d’une personne hébergée provisoirement par un particulier, en vue de lui porter secours, à la condition que cet hébergement soit transitoire et passager et qu’il s’inscrive dans la perspective de l’attente d’un logement. L’intéressé peut dès lors en principe être considéré comme sans-abri.

La Cour retient que cette hypothèse lui permet en outre de bénéficier le cas échéant de la prime d’installation.

Par ailleurs, l’adresse de référence doit pouvoir être envisagée sur la commune d’Evere. En vertu de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d’identité, la résidence principale est en effet le lieu où vivent habituellement les membres d’un ménage composé de plusieurs personnes, unis ou non par des liens de parenté ou le lieu où vit habituellement une personne isolée.

L’arrêté royal d’exécution du 16 juillet 1992 prévoit que la détermination de la résidence principale se fonde sur une situation de fait, étant la constatation d’un séjour effectif dans une commune pendant la plus grande partie de l’année.

Quant aux conditions de détermination de l’adresse de référence, la loi du 19 juillet 1991 prévoit (art. 1er, § 2) que les personnes dont question ci-dessus sont inscrites, à leur demande, à une adresse de référence par la commune où elles sont habituellement présentes, et ce lorsqu’elles séjournent dans une demeure mobile ou lorsque pour des raisons professionnelles ou par suite de manque de ressources suffisantes elles n’ont pas ou plus de résidence.

Les personnes qui, du fait d’un manque de ressources suffisantes n’ont pas ou plus de résidence et qui se voient privées du bénéfice de l’aide sociale d’un CPAS ou de tout autre avantage social sont inscrites à l’adresse du CPAS de la commune où elles sont habituellement présentes. Entrent en considération pour ces critères les personnes qui, n’ayant pas ou plus de résidence, sollicitent l’aide sociale ou le revenu d’intégration sociale (la Cour citant ici un jugement du 28 mars 2008 du tribunal du travail de Nivelles). La Cour invite, dès lors, le CPAS à octroyer le revenu d’intégration sociale (sous déduction de ce qui aurait été versé).

Intérêt de la décision

La décision reprend, d’abord, la définition du sans-abri, celui-ci pouvant être une personne hébergée provisoirement dans une collectivité ou par un particulier, à la condition que cet hébergement ait un caractère transitoire et passager, et qu’il s’inscrive dans le cadre d’une recherche d’un logement. La chose mérite d’être rappelée, vu la définition incomplète des travaux préparatoires.

Par ailleurs, statuant le 28 mai 2009, à propos du droit au revenu d’intégration pour une période débutant le 1er mars 2008, la Cour aboutit à une conclusion de bon sens, qui eut dû être trouvée plus tôt, étant de comprendre que le manque (ou le peu) de collaboration de l’intéressé doit s’expliquer par sa fragilisation sociale. La Cour l’invite à davantage de collaboration et invite, par ailleurs, le CPAS à la régularisation rétroactive par le recours à l’adresse de référence.


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