Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 juin 2009, R.G. 50.994
Mis en ligne le mardi 8 septembre 2009
Cour du Travail de Bruxelles, 12 juin 2009, R.G. n° 50.994
TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan
Dans un arrêt du 12 juin 2009, la Cour du travail de Bruxelles s’interroge sur la notion de « pharmacien » reprise aux articles 3quater et 121 de la loi du 3 juillet 1978 au regard de l’arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants.
Les faits
Monsieur K., réfugié, a terminé des études de pharmacien à l’Université catholique de Louvain. Son diplôme est délivré à titre scientifique. Dans le cadre de la procédure il exposera que ceci est lié à son statut de réfugié et qu’il a dû faire de nombreuses démarches pour en obtenir la légalisation.
Après avoir repris des études de pharmacie d’industrie, il est dans un premier temps secouru par le CPAS, avec sa famille (son épouse et leurs deux filles).
Après la fin de l’intervention du CPAS, il effectue divers remplacements dans des officines de Bruxelles.
Dans le cadre de l’enquête menée par l’INASTI, il fait plusieurs déclarations différentes, quant aux périodes et au nombre d’heures. La pharmacienne pour qui il a presté a en effet délivré une fiche fiscale 281.50 (profession libérale, charges, office et autre occupation).
Il a, ultérieurement, deux autres activités salariées, non contestées, celles-ci faisant l’objet de rémunérations et pécules de vacances.
Il fait plus tard l’objet d’une taxation d’office concernant les montants repris sur la fiche 281.50, qualifiés par le fisc de « recettes et honoraires ». Il n’introduit pas de recours contre cette décision.
Après une nouvelle enquête de l’INASTI, qui est transmise à l’ONSS, celui-ci est amené à prendre position sur le caractère salarié ou non de l’activité exercée dans l’officine.
Pour l’INASTI, il y a activité de travailleur indépendant. L’enquête de l’ONSS (dont le rapport n’est pas communiqué) conclut au non-assujettissement dans le régime des travailleurs salariés.
En conséquence, l’INASTI met l’intéressé en demeure de payer des cotisations sociales et majorations pour la période en cause.
La position du tribunal
Sur recours de l’intéressé, le tribunal du travail le condamne à payer des cotisations sociales de travailleur indépendant, mais celles-ci sont limitées à trois trimestres (au lieu de quatre réclamés).
Il interjette appel.
La position de la Cour
La Cour est ainsi saisie de la question de savoir si le pharmacien, dans les conditions ci-dessus, a presté comme salarié ou comme indépendant.
Cette question est en effet primordiale et issue de la réglementation elle-même, puisque
A cette problématique, il faut ajouter la présomption de l’article 3quater de la loi du 3 juillet 1978, selon laquelle tout pharmacien exerçant une activité professionnelle dans une officine ouverte au public est réputé se trouver – sauf preuve du contraire – dans les liens d’un contrat de travail d’employé.
La question est dès lors complexe, les deux régimes (salarié et indépendant) contenant des présomptions légales.
Afin de dégager la règle applicable, la Cour écarte, tout d’abord, le critère de l’âge (plus de 25 ans), celui-ci étant indifférent dans les deux régimes.
L’article 37 § 1er , b) de l’arrêté royal d’exécution de l’arrêté royal n° 38 (arrêté royal du 19 décembre 1967) ne s’appliquant qu’aux étudiants assujettis au statut social des travailleurs indépendants, la Cour s’attache dès lors à examiner les conditions de l’article 121 de la loi sur les contrats de travail. La réponse aux questions posées viendra des éléments de fait permettant d’être fixé sur la durée des prestations en cause.
A cette fin, la Cour ordonne la réouverture des débats, aux fins, notamment, de fixer le nombre de jours de travail, ainsi que la période, le cumul éventuel de prestations pour compte de deux officines et l’existence d’une convention entre parties.
La Cour considère en effet devoir être éclairée sur l’ensemble de ces points, en fait. Elle exige également communication des conclusions de l’enquête de l’ONSS ainsi qu’une déclaration de la propriétaire de l’officine en cause.
Pour répondre à la deuxième présomption de la loi du 3 juillet 1978, étant celle de l’article 3quater, la Cour ordonne également une réouverture des débats, demandant aux parties de s’expliquer sur cette notion et particulièrement sur la situation du titulaire d’un diplôme de pharmacien délivré au grade scientifique et qui preste en officine ouverte au public.
Intérêt de la décision
La Cour du travail ne tranche pas encore l’espèce. Elle choisit, cependant, d’ores et déjà de déterminer le statut de salarié ou d’indépendant à partir de la présomption de l’article 121 de la loi du 3 juillet 1978.
Quelle que soit la dénomination du contrat et nonobstant toute stipulation expresse, le contrat conclu avec un étudiant est réputé contrat de travail. Il ne pourra en être autrement que si la preuve contraire est rapportée.
Quant à la présomption de l’article 3bis de la même loi, qui couvrirait l’activité du pharmacien non étudiant, la Cour invite les parties à préciser leur position sur la question de savoir si un pharmacien titulaire d’un diplôme conféré à titre scientifique peut être considéré comme exerçant une activité professionnelle.
A suivre, donc.