Terralaboris asbl

Secteur public - identification du « Trésor public » débiteur des dépens

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 mars 2007, R.G. 48.803

Mis en ligne le vendredi 28 décembre 2007


Cour du travail de Bruxelles, 19 mars 2007, R.G. n° 48.803

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 19 mars 2007, la Cour du travail de Bruxelles a considéré que, dans le secteur public, c’est le Service des pensions qui est débiteur des dépens, et non la Communauté française, car il est débiteur de la rente.

Les faits

Une enseignante d’Athénée, établissement organisé par la Communauté française, fut victime d’un accident du travail en 1997.

Le Service de santé administratif ayant conclu à l’absence d’incapacité permanente, le tribunal du travail de Bruxelles fut saisi des questions relatives à la réparation des séquelles.

Le jugement a quo

Par jugement du 16 février 2006, le tribunal fixa les séquelles de l’accident, sur la base des conclusions du rapport de l’expert judiciaire qu’il avait précédemment désigné et retint un taux d’incapacité permanente de 7%.

La position des parties en appel

La Communauté française interjeta appel, essentiellement sur la rémunération de base, vu qu’il n’avait pas été tenu compte du plafond en vigueur à la date de la consolidation des lésions, étant le 1er septembre 1998, et les dépens, qu’elle entendait mettre à charge du Service des pensions.

Le Service des pensions du secteur public, étant un organisme public, la Communauté française considérait qu’il était le débiteur des rentes d’accident, désigné par l’article 24 de l’arrêté royal du 24 janvier 1999 relatif à la réparation en faveur des membres du personnel du secteur public, des dommages résultant des accidents du travail et des accidents survenus sur le chemin du travail.

Cette partie demandait également de fixer la rémunération de base et la rente annuelle aux montants indiqués par la Communauté française mais s’opposait à cette dernière quant à la prise en charge des dépens.

L’intéressée, quant à elle, se référait à justice sauf en ce qu’elle demandait la condamnation solidaire des deux premières parties à lui payer 2.000 EUR de dommages et intérêts pour attitude procédurale fautive.

La position de la Cour

La Cour trancha rapidement la question de la rémunération de base, appliquant celle en vigueur à la date de la consolidation.

En ce qui concerne la rente, elle rappela que l’article 4, §3 de la loi implique que la rente est réduite de 25% pour les invalidités au moins égales à 5% mais inférieures à 10%, de telle sorte qu’il y avait également lieu à réduction, sur la base du montant de la rémunération de base admis.

Elle débouta la demanderesse originaire de sa demande de dommages et intérêts, au motif de l’extrême complexité des règles applicables, notamment en ce qui concerne les relations entre la Communauté française et l’Etat belge, aujourd’hui Service des pensions. La Cour précisa cependant qu’il était extrêmement souhaitable que les institutions publiques prennent position sur tous les éléments de la décision et du dispositif qu’elles entendaient voir prononcer par les juridictions du travail. Elle stigmatisa au passage l’attitude brouillonne de la Communauté française et de l’Etat belge devant le premier juge mais releva que ce n’était pas celle-ci qui avait rendu l’appel nécessaire.

Sur les dépens, la Cour rappela que la réglementation (article 28, §1er de l’arrêté royal du 24 janvier 1969) prévoit que les dépens de justice autres que les frais de déplacement sont payés à l’intervention du « ministère dont dépend le service auquel l’accident doit être déclaré », c’est-à-dire en l’espèce de la Communauté française. Selon l’article 24 du même arrêté, la Cour relève toutefois que, sauf demande téméraire et vexatoire, les frais de procédure sont à charge du « Trésor public ». Le Service des pensions est désormais le « Trésor public » débiteur des rentes au sens de l’article 24, ainsi qu’il ressort notamment de la loi du 12 janvier 1996 portant création du service des pensions (suivant laquelle tous les biens, droits et obligations légales et contractuelles relatifs aux missions exercées par l’Administration des pensions du ministère des Finances sont transférés au Service désigné par le Roi et que chaque fois qu’une disposition légale ou réglementaire vise l’Administration des pensions ou l’Administration des pensions du Ministère des Finances, il y a lieu de la lire comme mentionnant ou visant « le Service des Pensions du Secteur public »), ainsi que l’arrêté royal du 28 septembre 2006, qui a transféré au Service des pensions les biens, droits et obligations relatifs aux missions exercées par l’administration des pensions du Ministère des Finances, qui contient un texte voisin.

Pour la Cour, par « Trésor public » débiteur des dépens, il faut dès lors entendre le Service des pensions.

Elle poursuit, rappelant que les parties institutionnelles s’accordent sur ce point, que l’article 28 règle l’obligation à la dette des institutions à l’égard de la victime et que l’article 24 règle, lui, la contribution à la dette entre institutions.

La Communauté française est débitrice des dépens à l’égard de la victime (article 28 – obligation à la dette et jurisprudence de la Cour de cassation 29 novembre 1999, Bull., p. 1575), mais ces dépens, ainsi que ceux de la Communauté française, sont à charge du Service des pensions (article 24 – contribution à la dette).

Quant au Service des pensions, il doit quant à lui supporter ses propres dépens, en l’espèce, parce qu’il est intervenu volontairement exclusivement pour s’entendre dire le jugement commun.

La Cour va également statuer sur le montant des indemnités de procédure et conclure que c’est l’indemnité simple, visée à l’article 2 de l’arrêté royal du 30 novembre 1970 pris en exécution de l’article 1022 du Code judiciaire qui est due. Elle précise en effet que l’intéressée demande la réparation des conséquences de l’accident du travail contre la Communauté française exclusivement. Or, celle-ci n’est pas le débiteur des indemnités d’accident du travail. La demande n’a donc pas pour objet le paiement d’une somme d’argent, mais bien la reconnaissance d’un droit.

Intérêt de la décision

C’est essentiellement sur les rôles respectifs de la Communauté française et du Service des pensions que l’arrêt est intéressant, puisqu’il replace les obligations de chacune de ces institutions dans leur contexte respectif.

Il présente un intérêt à un second titre, relatif au montant de l’indemnité de procédure. Si le demandeur avait sollicité le paiement d’une somme d’argent en respectant les dispositions du Code judiciaire à cet égard, il semble se dégager de l’arrêt que l’indemnité double serait due.


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