Terralaboris asbl

Monter sur un échafaudage constitue-t-il un événement soudain ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 janvier 2007, R.G. 47.098

Mis en ligne le vendredi 28 décembre 2007


Cour du travail de Bruxelles, 22 janvier 2007, R.G. 47.098

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

C’est par l’affirmative que répond la Cour du travail de Bruxelles dans un arrêt du 22 janvier 2007, rejetant l’argumentation de l’entreprise d’assurance selon lequel le geste qualifié de banal est exclu de la notion d’événement soudain.

Les faits

Le travailleur est victime d’un accident du travail, alors qu’il preste en qualité de plafonneur sur un des chantiers de son employeur. Il est mis en incapacité de travail le jour même.

La description qui est faite de cet accident, dans la déclaration patronale d’accident du travail, est la suivante : « En voulant monter sur un échafaudage d’une hauteur de 50 cm mon genou a lâché et je suis tombé par terre ». Au détective privé mandaté par l’entreprise d’assurance, il précise que son genou droit a lâché lorsqu’il a posé son pied gauche sur la planche, en prenant appui sur sa jambe droite.

L’accident est refusé par l’entreprise d’assurances, aux motifs de l’absence d’événement soudain et de cause extérieure.

Le travailleur la cite en conséquence devant le Tribunal du travail de Nivelles, qui déclare les faits constitutifs d’accident du travail.

La position des parties en appel

Dans le cadre de son appel, l’entreprise d’assurances a soulevé les éléments suivants

  • quant à la description des faits, il y a lieu d’écarter les attestations déposées par le travailleur, contraires à ses déclarations auprès de l’inspecteur ;
  • l’existence d’une lésion traumatique n’est pas établie, vu notamment l’état antérieur présenté par la victime ;
  • une douleur ne peut constituer l’événement soudain ;
  • le fait de poser le pied gauche sur un échafaudage est un geste banal de la vie courante, excluant la qualification d’événement soudain.

La décision de la Cour

La Cour commence par circonscrire les faits établis au dossier et constate qu’il n’est pas contesté que le travailleur a, le jour de l’accident à un moment précis de la journée, voulu monter sur un échafaudage en prenant appui sur la jambe droite et est tombé, son genou droit ayant « lâché ». Quant aux circonstances complémentaires avancées par la victime, au travers des pièces déposées, la Cour estime qu’il y a lieu de s’en tenir aux faits décrits dans la déclaration patronale d’accident du travail ainsi que dans la déclaration de la victime à l’inspecteur de l’assurance.

Elle examine ensuite la question de l’existence d’une lésion et constate que, quoiqu’il puisse exister un état antérieur, la lésion résulte du certificat médical de 1er constat (faisant état d’une entorse du genou), de l’incapacité de travail, des soins dispensés (dont béquille, attelle et kinésithérapie) et des constatations des médecins consultés. Elle relève par ailleurs que la seule existence d’un état antérieur, au demeurant asymptomatique, ne suffit pas à écarter l’existence de la lésion.

Quant à la qualification des faits (existence d’un événement soudain), après avoir relevé les propos de l’avocat général Leclercq, dans son avis précédant l’arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2004 et les considérations de la Cour à l’occasion de cet arrêt, elle précise partager ces opinions.

La Cour du travail rappelle ainsi que constitue une condition supplémentaire à celles prévues dans la loi l’exigence d’un élément particulier, non banal, dans le geste effectué par la victime.

Elle considère, quant aux faits, que se hisser sur un échafaudage en prenant appui sur la jambe droite est un élément particulier dans l’exercice habituel et normal de la tâche journalière, ayant pu provoquer la lésion, de sorte que l’événement soudain est établi.

Intérêt de la décision

L’arrêt commenté présente un premier intérêt, quant à la question de la preuve de la lésion : elle n’est pas exclue par l’existence d’un état antérieur et peut être rapportée par la voie de présomptions, au nombre desquelles figurent, outre les constatations médicales, les soins dispensés et l’existence d’une incapacité de travail.

Quant à l’événement soudain, la cour est confrontée à une argumentation type de la part des entreprises d’assurance : le geste banal ne constitue pas un événement soudain. La cour rejette, à bon droit, cet argument, le mouvement effectué par la victime (et identifié par elle comme l’événement soudain) constituant un élément particulier (identifié) dans l’exercice habituel de la tâche journalière. La cour se fondant sur les conclusions de l’avocat général Leclercq, il semble qu’elle admette la distinction faite par ce dernier entre geste banal de la vie professionnelle (qui constitue un événement soudain) et geste banal de la vie courante, tel que se lever ou s’asseoir sur une chaise, qui ne constituerait pas un événement soudain.


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