Terralaboris asbl

L’affiliation à une caisse sociale n’implique pas nécessairement la débition des cotisations : il peut s’agir d’un acte préparatoire

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 avril 2008, R.G. 49.846

Mis en ligne le mercredi 7 janvier 2009


Cour du travail de Bruxelles, 11 avril 2008, R.G. 49.846

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 11 avril 2008, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’à défaut de revenu taxé ou de preuve d’une activité exercée, l’affiliation volontaire ne peut suffire pour justifier la débition des cotisations (statut social des travailleurs indépendants). La Cour se prononce également sur la recevabilité d’une citation signifiée à l’adresse « de contact » indiquée par l’intéressé dans le formulaire d’affiliation.

Les faits

Monsieur D.B., de nationalité brésilienne, réside en Belgique.

Le 10 décembre 2003, il signe un formulaire d’affiliation auprès d’une caisse sociale (statut social des travailleurs indépendants), indiquant une activité d’associé actif dans une société X. Il joint le procès-verbal du conseil d’administration de la société, actant son admission comme coopérateur, ayant souscrit 10 parts sociales. Il n’a cependant jamais libéré ces parts, même suite à une nouvelle décision du conseil d’administration de décembre 2003, prévoyant la libération dans les 10 jours.

Vu le caractère limité de son autorisation de séjour (3 mois), Monsieur D.B. quitte rapidement la Belgique et séjourne à l’étranger, dont en Italie. Il obtient la nationalité italienne en 2004 (délivrance d’une carte d’identité nationale le 15 octobre 2004).

Il revient ensuite en Belgique et s’inscrit au registre de la population de St-Gilles le 4 novembre 2005. Il prend ensuite des parts dans une société Y, fin mars 2006. Concomitamment, il s’affilie de nouveau à la caisse, faisant état d’un début d’activité au 1er avril 2006. Il paie régulièrement ses cotisations.

Se fondant cependant sur l’affiliation de décembre 2003, la caisse sociale décide d’un assujettissement du 4e trimestre 2003 au 4e trimestre 2004 inclus.

Vu l’absence de paiement, elle cite Monsieur D.B. en juin 2005. Cette citation est signifiée à l’adresse de contact reprise sur le formulaire d’affiliation de décembre 2003. L’intéressé n’est pas touché par la citation, de sorte que l’affaire est prise par défaut lors de l’audience d’introduction.

Un jugement est rendu le 7 novembre 2005, le condamnant par défaut. Ce jugement est signifié le 3 avril 2006. Ayant été touché par cette signification, Monsieur B.D. fait opposition.

Le Tribunal, statuant sur l’opposition, confirme cependant le jugement prononcé par défaut au motif que la preuve de l’assujettissement est rapportée par la caisse.

La position des parties en appel

Monsieur B.D. interjette appel de la décision. Il conteste tout d’abord la recevabilité de la citation originaire, vu qu’elle a été signifiée ailleurs qu’à son domicile ou sa résidence, à une adresse de contact (amis brésiliens).
Sur le fond, il conteste l’assujettissement, faisant valoir qu’il n’est resté que peu de temps en Belgique en 2003-2004. Il précise que son admission comme coopérateur de la société X. est restée lettre morte, vu l’absence de libération des parts, ce qui est confirmé par la liste des publications de la société. Il conteste avoir exercé la moindre activité professionnelle, et ce même s’il reconnaît une intention d’exercer une activité (raison de l’affiliation).

La Caisse conclut quant à elle à la régularité de la citation, arguant que l’adresse où a été signifiée la citation était bien celle de la résidence effective de l’intéressé.
Sur le fond, elle s’appuie sur l’affiliation, qui prouverait l’existence d’une activité. Elle précise encore que l’absence de revenu déclaré ne fait pas obstacle à l’assujettissement. Elle rejette par ailleurs la liste des publications légales de la société (reprenant les coopérateurs de X et qui visait la période d’avril 2003 à avril 2004), étant antérieure à l’affiliation.

La décision de la Cour

Quant à la régularité de citation, la Cour rejette l’argument, dès lors que l’intéressé a repris l’adresse où la citation a été signifiée comme étant sa résidence principale et qu’il a omis d’informer la caisse de son départ à l’étranger. La Cour retient également que l’intéressé a été en mesure de faire opposition, sauvegardant ainsi ses droits.

Quant au bien-fondé de l’assujettissement, la Cour retient, quant aux éléments de fait, que les parts sociales dans la société X n’ont jamais été libérées, que l’intéressé n’est pas repris sur les listes des coopérateurs, qu’il a quitté la Belgique début 2004, pour n’y revenir que fin 2005 et, enfin, qu’il n’est fait état d’aucun revenu dans son chef en qualité de travailleur indépendant pendant la période litigieuse.

La Cour estime en conséquence que, d’une part, la caisse ne peut se prévaloir de la présomption fiscale (faute de revenus taxés en qualité de travailleur indépendant) et que, d’autre part, elle ne peut invoquer le critère sociologique.

Concernant ce point, la Cour relève que la preuve de l’exercice d’une activité professionnelle n’est pas rapportée, l’intéressé n’étant d’ailleurs même pas en Belgique pendant l’essentiel de la période. Pour la Cour, l’affiliation ne constitue qu’un acte préparatoire à l’exercice d’une éventuelle activité, n’entraînant pas en soi l’assujettissement et ne constituant pas une preuve de celui-ci.

Elle réforme en conséquence le jugement. Elle rouvre les débats sur la question des dépens, aux fins que les parties s’expliquent sur le montant de l’indemnité de procédure, étant de déterminer si ce sont les montants visés par l’article 2 ou l’article 4 de l’arrêté royal du 26 octobre 2007 (pris en exécution de la loi du 21 avril 2007) qui doivent être retenus. Elle invite les parties à prendre position sur l’emploi du terme « assurés sociaux » dans la nouvelle version de l’article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire.

Intérêt de la décision

Le point principal d’intérêt réside dans les considérations réservées par la Cour du travail sur l’incidence de l’affiliation sur l’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants.

Pour la Cour, la démarche de l’affiliation n’entraîne pas automatiquement celui-ci. Elle ne constitue d’ailleurs pas une preuve suffisante à cet égard. La Cour confirme ainsi la nécessité de l’exercice réel d’une activité pour que l’assujettissement puisse être retenu.


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