Terralaboris asbl

De l’intérêt à contester, en cas de reprise du travail, la décision de suspension pour chômage de longue durée

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 3 septembre 2008, R.G. 47.352

Mis en ligne le mardi 6 janvier 2009


Cour du travail de Bruxelles, 3 septembre 2008, R.G. n° 47.352

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 3 septembre 2008, la Cour du travail de Bruxelles considère que le chômeur, qui vient de reprendre le travail au moment où il reçoit l’avertissement pour chômage de longue durée et qui ne conteste pas la décision de suspension prise ne peut faire valoir, pour sa réadmission aux allocations de chômage, les journées de travail précédant la décision de suspension du bénéfice des allocations.

Les faits

Monsieur D. reçoit, en date du 4 août 2003, un courrier de l’ONEm l’avertissant qu’au 18 août 2003 son chômage sera considéré comme étant de longue durée et que son droit aux allocations pourrait être suspendu pour ce motif. Il s’agit de l’avertissement visé par le régime ’chômage longue durée’ organisé par les articles 80 et suivants de l’A.R. du 25 novembre 1991.

Monsieur D. a, à ce moment, repris le travail, étant engagé depuis le 1er août 2003 dans un contrat de travail « plan Rosetta ».

En date du 21 janvier 2004, il reçoit une décision de l’ONEm lui signalant la suspension du bénéfice des allocations de chômage à partir du 24 janvier 2004. Monsieur D., qui prestait toujours dans le cadre du contrat de travail, n’a pas introduit de recours à l’encontre de cette décision dans le délai légal (3 mois).

Le contrat de travail prend fin le 31 juillet 2004 et Monsieur D. sollicite le bénéfice des allocations de chômage le 2 août 2004.

Par décision du 3 septembre 2004, l’ONEm refuse de l’admettre au bénéfice des allocations de chômage, dès lors qu’il ne justifierait pas de 312 journées de travail au cours de la période de référence (18 mois précédant sa demande du 2 août 2004). L’ONEm n’admet en effet que 163 jours de travail, ne tenant ainsi pas compte des journées prestées avant la décision de suspension du bénéfice des allocations de chômage.

Monsieur D. introduit alors, en octobre 2004, une demande de revision de la décision de suspension du 21 janvier 2004 ainsi que la régularisation de son dossier d’indemnisation.

L’ONEm refuse de donner suite à la demande de revision de sorte que Monsieur D. introduit, par requête déposée le 2 décembre 2004, une procédure devant le tribunal du travail, sollicitant à la fois l’annulation de la décision du 21 janvier 2004 (suspension du droit aux allocations de chômage) et de celle du 3 septembre 2004 lui refusant le bénéfice des allocations. Son recours vise également la décision du 27 octobre 2004, rejetant la demande de revision.

La décision du tribunal

Le tribunal rejette le recours introduit.

La position des parties en appel

Monsieur D. fait valoir devant la Cour du travail qu’il est admissible aux allocations de chômage vu la prestation de 312 journées de travail. Il invoque à cet égard avoir signalé à son organisme de paiement la reprise du travail à la suite de la réception de l’avertissement en août 2003 et de la décision de suspension en janvier 2004. Par ailleurs, il invoque une discrimination étant que les travailleurs qui sollicitent pour la première fois les allocations de chômage voient prendre en considération l’intégralité des journées de travail prestées pendant la période de référence et non les chômeurs ’de longue durée’ qui ne peuvent invoquer les journées précédant la décision de suspension.

Il attaque par ailleurs la décision de suspension elle-même alléguant que, vu la reprise du travail lors de la réception de l’avertissement en date du 4 août 2003, la procédure d’exclusion pour chômage de longue durée ne pouvait être appliquée. Il critique ainsi un arrêt rendu le 27 avril 1998 par la Cour de cassation qui avait estimé que, en utilisant les mots ’pouvoir prétendre’, la réglementation visait les conditions d’admissibilité et non d’octroi. Il critique l’arrêt précisant que celui-ci ajouterait des conditions à la loi. Il invoque par ailleurs son parcours professionnel, alléguant démontrer l’existence d’efforts exceptionnels et continus.

L’ONEm estime de son côté que les conditions prévues par la réglementation pour suspendre l’intéressé du bénéfice des allocations de chômage étaient réunies à la date de l’avertissement puisqu’il n’avait pas repris le travail sans interruption depuis six mois au moins au moment de l’envoi de celui-ci. L’ONEm rappelle ainsi que la circonstance qu’il ait repris le travail quelques jours avant l’envoi de l’avertissement est indifférent et n’est pas susceptible de modifier la décision de suspension, de même que la décision de refus d’admissibilité aux allocations de chômage.

La position de la Cour

Sur le plan des dispositions applicables, la Cour rappelle le prescrit des articles 80, 81, alinéa 2, 1° et 85 de l’arrêt royal du 25 novembre 1991 déterminant les conditions dans lesquelles l’exclusion pour chômage de longue durée peut intervenir.

Elle rappelle ainsi qu’une des conditions est qu’à la date de l’avertissement le chômeur n’ait pas repris le travail sans interruption depuis six mois au moins comme travailleur à temps plein, la réglementation prévoyant que l’avertissement reste valable si le chômeur n’a pas bénéficié d’allocations ou demandé celles-ci pour le jour de la réception de l’avertissement (art. 81, al. 2, 1°).

Le chômeur ne retrouve le droit aux allocations que s’il remplit à nouveau les conditions d’admissibilité ou a accompli un stage (cas applicable à l’intéressé) de 312 jours de travail au cours des 18 mois précédant sa demande d’allocations comme travailleur à temps plein. La réglementation prévoit d’ailleurs spécifiquement qu’il n’est pas tenu compte, pour le calcul de ces journées de travail, des journées antérieures à la réception de la décision de suspension.

La Cour en conclut dès lors qu’est sans incidence sur la validité de l’avertissement le fait que l’intéressé ait repris le travail le 1er août 2003.

Elle relève ainsi que la thèse de l’intéressé est contraire au texte de la réglementation. Elle rappelle, en ce qui concerne la recevabilité du recours, que celui formé contre la décision de suspension a été introduit plus de trois mois après la notification de sorte qu’il est tardif. La Cour souligne par ailleurs que la contestation du refus de revision ne permet pas d’ouvrir un nouveau délai pour contester la décision initiale d’autant que la circonstance (fait nouveau) invoquée par l’intéressé n’était en tout état de cause pas susceptible de modifier la décision de suspension. Rappelons en effet que l’intéressé soulevait ici la reprise du travail au 1er août 2003. Pour la Cour, ceci n’affecte pas la décision de suspension d’autant que le fait d’avoir repris le travail est une circonstance relative aux conditions d’octroi (les allocations n’étant pas octroyées parce que la personne n’est plus privée de travail ou de rémunération) et non une condition d’admissibilité. Or, c’est eu égard à la réunion des conditions d’admissibilité que les décisions d’exclusion sur la base des articles 80 et suivants de la réglementation peuvent être prises.

La Cour ajoute par ailleurs, de manière surabondante, que les efforts invoqués par l’intéressé sont normaux et constituent ce que l’on est en droit d’attendre de tout chômeur.

Enfin, sur la question du caractère discriminatoire de la non prise en compte des journées précédant la décision de suspension des allocations, la Cour rejette l’argument. Elle considère en effet que le chômeur qui demande pour la première fois les allocations de chômage et le chômeur de longue durée ne sont pas deux catégories de personnes comparables, ces catégories pouvant être différenciées sur une base objective et raisonnable. La Cour considère dès lors que la décision de refus d’admission aux allocations de chômage est justifiée, l’intéressé ne pouvant faire valoir 312 journées de travail à temps plein, la Cour avalisant ainsi l’exclusion des périodes de travail antérieures à la décision de suspension.

Intérêt de la décision

Cette décision met en lumière toute l’importance qu’il y a à contester les avertissements et décisions d’exclusion pour chômage de longue durée lorsque le travailleur a repris le travail pour une durée inférieure à six mois. En effet, dans ce cas de figure, les journées de travail antérieures à la décision de suspension ne seront pas prises en considération pour le calcul du nouveau stage à accomplir. Un rappel utile donc.


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