Terralaboris asbl

L’accident survenu sur le trajet normal pour se rendre au travail mais au départ d’un endroit autre que la résidence n’est pas un accident sur le chemin du travail

Commentaire de Trib. trav. Charleroi, 24 septembre 2008, R.G. 06/179.355/A

Mis en ligne le vendredi 2 janvier 2009


Tribunal du travail de Charleroi, 24 septembre 2008, R.G. 06/179.355/A

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Tel est le constat fait par le Tribunal du travail de Charleroi dans un jugement du 24 septembre 2008, concernant une jeune fille ayant passé la nuit chez une connaissance. Quoique l’accident soit survenu sur le trajet habituel et normal entre la résidence et le lieu du travail et que le lieu de départ se soit trouvé lui-même sur ledit trajet, le Tribunal rejette la demande, aux motifs que le lieu de départ n’est pas la résidence habituelle.

Les faits

Mlle D. est occupée par un home, sis à Binche. Elle réside chez sa mère, à Trivières.

Le 7 septembre 2002, elle passe la soirée à Binche. En fin de nuit, elle passe quelques heures avec un ami (rencontré par hasard le soir même), dans un local inoccupé situé au-dessus d’une boucherie (local mis à la disposition de l’ami par la famille de celui-ci). Le local en question est situé sur le trajet normal que Mlle D. parcourt pour se rendre de sa résidence habituelle à son lieu de travail

Le lendemain matin, elle est victime d’un accident de roulage mortel sur le trajet séparant la boucherie du lieu du travail.

La déclaration d’accident du travail est rédigée le 22 septembre 2002. Par courrier du 27 janvier 2004, l’entreprise d’assurances de l’employeur refuse son intervention, estimant que l’accident n’est pas un accident sur le chemin du travail, notamment parce qu’il n’est pas établi que la victime soit partie de son lieu de résidence habituel.

Après réception du procès-verbal d’enquête du Fonds des Accidents du Travail, l’entreprise d’assurances maintient sa position.

Sa mère, ayant droit, introduit alors une procédure, aux fins d’obtenir la condamnation de l’entreprise d’assurances à verser les indemnités légales. L’assureur s’oppose à la demande, invoquant que le trajet n’a pas pour point de départ la résidence du travailleur.

La décision du tribunal

Sur le plan des principes, le Tribunal rappelle que le chemin du travail au sens légal est défini à partir de trois notions : la résidence du travailleur, le lieu d’exécution du contrat de travail et le trajet normal parcouru entre ces deux localisations.

Quant à la résidence, le Tribunal, se fondant sur l’enseignement de la Cour de cassation (notamment Cass., 29 juin 1998, J.T.T., 1998, p. 475), précise que le travailleur peut en avoir plusieurs (par exemple en semaine et le week-end) mais que la pluralité de résidences ne peut se réaliser simultanément. Pour que l’on puisse parler de seconde résidence, il est nécessaire que le travailleur ait eu l’intention, avant d’entamer le trajet, d’y fixer même temporairement son habitation.

Examinant ensuite les données de l’espèce, le Tribunal constate que Mlle D. a, lors de sa sortie à Binche la veille, rencontré par hasard l’ami, dans l’appartement de la famille duquel elle a passé une partie de la nuit. Vu le caractère imprévu de la rencontre, le Tribunal estime qu’elle n’a pas eu l’intention de fixer son habitation dans le local en question, d’autant que les intéressés n’y ont passé que quelques heures et qu’aucun autre élément du dossier ne permet de penser le contraire.

Quant à l’argument soulevé par la maman, selon lequel l’accident est survenu sur le trajet (théorique) normal entre la résidence habituelle (chez la maman) et lieu du travail (l’intéressée passant devant la boucherie pour se rendre au travail), le Tribunal l’écarte, rappelant que le départ de la résidence fait partie des éléments constitutifs de la notion d’accident sur le chemin du travail. Il se fonde notamment sur l’arrêt du 13 octobre 2003 de la Cour de cassation (R.G. S020038F, Juridat).

L’accident étant survenu sur un trajet dont le point de départ n’est pas la résidence de la victime, le Tribunal considère qu’il ne s’agit pas d’un accident sur le chemin du travail et déboute en conséquence la mère de sa demande.

Intérêt de la décision

Cette décision est conforme aux principes dégagés par la Cour de cassation.

Elle illustre une particularité de la réglementation : Si le travailleur est victime de l’accident sur une partie du trajet normal résidence/lieu du travail, c’est-à-dire que, même au départ de sa résidence, il se serait trouvé à l’endroit de l’accident au même moment (aucune aggravation ou modification du risque ne pouvant être constatée), l’accident ne pourra être considéré comme un accident de trajet. La raison en est que le point de départ du trajet n’est pas la résidence mais un autre lieu qui ne peut recevoir cette qualification.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be