Terralaboris asbl

Le fait qu’une surveillance soit exercée sur le travailleur constitue un élément inconciliable avec la qualification de travailleur indépendant

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 24 juin 2008, R.G. 8.216/2006

Mis en ligne le mardi 18 novembre 2008


Cour du travail de Liège, section Namur, 24 juin 2008, R.G. 8.216/2006

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 24 juin 2008, la Cour du travail de Liège, section Namur, est amenée à se prononcer sur l’existence d’un lien de subordination dans le cas de « serveuses », occupées dans un établissement supervisé par une gérante salariée (chargée de s’occuper des filles et de l’établissement).

Les faits

Mme H. exploite un bar. Elle ne déclare à l’ONSS qu’une seule personne, Mme W., présentée comme la gérante.

La police opère deux contrôles dans l’établissement, les 18 août et 22 septembre 2000. Le registre du personnel occupé dans les bars (à destination de la police) mentionne l’existence de « serveuses » depuis le début de l’année 1998.

Lors de son audition par les services de police, Mme W. explique qu’elle s’occupe du personnel et de l’établissement.

Se fondant sur la présence permanente d’un salarié dans l’établissement, l’inspection sociale estime que les « serveuses » doivent être considérées comme engagées dans les liens d’un contrat de travail. Le dossier est alors transmis à l’ONSS.

Le 30 juin 2001, Mme H. cesse d’exploiter l’établissement, lequel est cédé à un tiers.

A cette suite, l’ONSS établit un avis rectificatif, aux termes duquel les cotisations de sécurité sociale sont réclamées pour 17 travailleuses, de même que pour Mme W., pour la partie de son occupation non déclarée à l’ONSS. Vu l’absence de paiement, l’ONSS cite Mme H. en paiement des cotisations.

La décision du tribunal

Le Tribunal retient l’existence d’un lien de subordination, se fondant sur la présence permanente de la gérante, ainsi que sur le fait que certaines serveuses disposaient d’un contrat de travail (quoique n’ayant pas été déclarées). Le Tribunal limite cependant les cotisations dues au 1er trimestre 2002, vu la cession de l’établissement au 30 juin 2001.

La position des parties

L’ONSS interjette appel de la décision, exposant que les cotisations réclamées pour le 1er trimestre 2002 sont des cotisations de vacances annuelles afférentes à l’année 2001.

Mme H. en profite pour interjeter appel, arguant que la décision d’assujettissement est nulle, faute d’audition préalable. Elle conteste par ailleurs le fondement de la demande.

La décision de la Cour

Sur la motivation formelle, la Cour reprend les principes applicables (c’est la décision d’assujettissement qui doit être motivée et non l’avis rectificatif, qui ne constitue pas un acte administratif ; en cas de nullité éventuelle de la décision, le juge est néanmoins tenu de statuer sur la demande de condamnation aux cotisations formée). Elle estime cependant que la décision est motivée. Elle souligne d’ailleurs que, même à supposer que la motivation ne soit pas formelle, aucune conséquence ne peut en être tirée sur le plan de la recevabilité de la demande originaire. Quant à l’obligation d’audition préalable, la Cour précise que les principes généraux relatifs aux droits de la défense et du respect du contradictoire (fondement de l’obligation d’audition alléguée) ne sont pas applicables, dès lors que l’ONSS n’agit pas dans un cadre disciplinaire et qu’aucun texte légal ne l’impose par ailleurs.

La Cour confirme ensuite le jugement quant à Mme W., vu qu’elle a été déclarée comme salariée pour la période ultérieure.

Quant aux « serveuses », la Cour commence par déterminer la qualification que les parties ont donnée à leur convention. Elle relève à cet égard que les mentions « ouvriers » sur le registre du personnel police (document qui n’est pas le registre du personnel dont la tenue est imposée par l’A.R. n° 5 du 23 octobre 1978) ne constitue pas la reconnaissance d’une qualité de salarié. Pour la Cour, l’absence de contrat de travail et de retenues de sécurité sociale doit conduire à retenir que la volonté des parties était d’inscrire leur relation dans le cadre d’une collaboration indépendante.

La Cour examine ensuite si l’ONSS prouve l’existence d’éléments inconciliables avec la qualification de collaboration indépendante.

Elle relève que le 1er argument de l’ONSS (l’inscription et la mention salariée dans le registre du personnel « police ») n’est pas pertinent. Quant au second argument (présence d’une gérante salariée, engagée pour « s’occuper » des serveuses), la Cour l’estime par contre déterminant : de la présence permanente d’une personne chargée de s’occuper des intéressées, la Cour considère qu’il y a un contrôle effectif, ou à tout le moins une possibilité de contrôle permanent. Cet élément suffit pour retenir la qualification salariée.

La Cour confirme ainsi le jugement.

Quant à l’appel de l’ONSS, elle y fait droit, dès lors que les cotisations réclamées (et identifiées comme relevant du 1er trimestre 2002) sont effectivement liées aux prestations accomplies en 2001 (cotisations de vacances annuelles).

Intérêt de la décision

La décision contient un rappel complet des principes en matière de motivation des actes d’assujettissement (et de ses conséquences sur la recevabilité d’une demande en paiement des cotisations) ainsi que sur le lien de subordination.

Sur l’existence de celui-ci, il est intéressant de noter que la Cour du travail admet le lien de subordination sur la seule base de l’existence d’un pouvoir de surveillance (présence de la gérante), exercé par une personne sous statut salarié.


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