Terralaboris asbl

Comment prouver le contenu d’un envoi recommandé ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 6 février 2008, R.G. 48.251

Mis en ligne le vendredi 19 septembre 2008


Cour du travail de Bruxelles, 6 février 2008, R.G. 48.251

TERRA LABORIS ASBL – Pascal Hubain

Dans un arrêt du 6 février 2008, la Cour du travail de Bruxelles considère que prouver qu’une enveloppe contient bien tel document plutôt que tel autre est une preuve impossible à établir, des présomptions concordantes suffisant alors à établir le contenu de l’envoi.

Les faits

Monsieur V. a été reconnu incapable de travailler du 11 septembre 1995 au 26 avril 1998 et a perçu pendant cette période des indemnités d’incapacité de travail.

Il ne s’est cependant présenté au contrôle médical du conseil médical de l’invalidité de l’INAMI qu’en date du 17 avril 1998 alors que la convocation qui lui a été adressée indiquait qu’il devait se présenter le 16 mars 1998.

Sa mutuelle considère donc que toutes les indemnités perçues entre le 16 mars et le 16 avril 1998 inclus sont indues et lui réclame le remboursement de la somme correspondante.

Le tribunal du travail de Bruxelles a fait droit à la demande de la mutuelle et a accordé à Monsieur V. des termes et délais pour apurer sa dette.

Monsieur V. a interjeté appel du jugement.

La position des parties en appel

Monsieur V. fait valoir qu’il n’a jamais reçu la convocation du 23 février 1998 l’invitant à se présenter au conseil médical de l’invalidité le 16 mars 1998. Devant le premier juge, la mutuelle a produit un document donnant ordre d’envoi à la poste de pièces non autrement identifiées avec un cachet postal du 23 février 1998. La mutuelle n’établit donc pas qu’il s’agirait d’une convocation pour une visite de contrôle. La mutuelle a également versé aux débats la copie d’une enveloppe sans adresse particulière avec pour seule mention un billet de la poste indiquant « absent 24/2 »

Il déclare ne jamais avoir reçu la moindre invitation de la poste à se présenter pour retirer un pli recommandé, raison pour laquelle il n’a pas été avisé de la convocation pour le 16 mars 1998.

Enfin, la lettre par laquelle la mutuelle a notifié à Monsieur V. le montant de l’indu est datée du 16 mars 1998 mais ne lui est parvenue que beaucoup plus tard. Dès qu’il a été avisé de la suppression de ses indemnités, Monsieur V. a pris contact avec l’INAMI et s’est rendu à la visite de contrôle du 17 avril 1998.
Aucun manquement ne peut lui être reproché et il s’agit en fait d’un cas de force majeure.

C’est à la mutuelle à prouver aussi bien l’envoi que la réception du courrier litigieux alors qu’elle n’apporte pas cette preuve.
De son côté, la mutuelle s’est bornée à se référer au jugement en demandant sa confirmation. Elle soutient qu’elle rapporte bien la preuve de l’envoi recommandé du 23 février 1998 et de l’avis de passage de la poste du 24 février 1998.

La position de la Cour du travail

La Cour rappelle que figurent au dossier une lettre du conseil médical de l’invalidité datée du 23 février 1998 invitant Monsieur V. à se présenter à un examen médical le 16 mars 1998, la photocopie du réquisitoire postal adressée par le service des indemnités de l’INAMI, également le 23 février 1998 au receveur de la poste de Bruxelles avec la mention de l’adresse de Monsieur V. et la photocopie d’une enveloppe avec entête du service des indemnités de l’INAMI, portant le cachet de la poste avec la date du 23 février 1998. Sur cette enveloppe, une petite étiquette de la poste mentionnant l’avis de passage avec la mention : « absent le 24/02 ». Toujours sur cette enveloppe, une annotation manuscrite : « retour 1150 Bruxelles » (il s’agit du code postal de la commune dans laquelle l’INAMI a son siège).

La Cour, tout en considérant qu’il est impossible de prouver qu’une enveloppe contient bien tel document plutôt que tel autre, juge cependant que l’ensemble des pièces figurant au dossier constitue suffisamment d’éléments établissant que l’INAMI a bien envoyé le courrier recommandé à Monsieur V. le 23 février 1998.

Elle considère en effet qu’il existe suffisamment de présomptions concordantes permettant d’établir que, dans cet envoi recommandé, se trouve bien la convocation pour le 16 mars 1998.

La Cour considère également que la mutuelle ne doit pas prouver que Monsieur V. a effectivement reçu le courrier qui lui était destiné, s’agissant d’une condition « qui va trop loin » (sic). La mutuelle ne peut en effet prouver l’avis de passage en produisant le document laissé dans la boite aux lettres du destinataire puisque la poste conserve ce document lorsque le pli recommandé est rentré en ses bureaux.

La Cour du travail rappelle que la notification d’un acte administratif s’entend par l’envoi de celui-ci. Toutefois, s’agissant d’une lettre recommandée, elle admet que la notification suppose que le destinataire ait soit reçu le pli recommandé, soit été mis en demeure de le réclamer après présentation infructueuse par le facteur par le biais d’un avis de celui-ci, signalant la possibilité de retirer le pli au bureau des postes désigné (la Cour cite : Cour du Trav. de Liège, section de Neufchâteau, 8e ch., 11/10/99, Chron. Dr. Soc., 1990, p.266 et note M. Dumont).

Enfin, la Cour relève que Monsieur V. affirme que le deuxième courrier du 16 mars 1998 l’informant de la suppression de ses indemnités lui est parvenu beaucoup plus tard mais qu’il ne rapporte pas la preuve de la date de réception de ce courrier, dont il ne conteste au demeurant pas la réception.

La Cour du travail confirme dès lors le jugement dont appel mais admet les termes et délais demandés à titre subsidiaire par Monsieur V.

L’intérêt de la décision

Prouver l’envoi d’une lettre, par la voie recommandée, ne prouve pas encore le contenu du courrier.

Ceci explique d’ailleurs la pratique encore courante consistant à envoyer le courrier lui-même par recommandé, sans enveloppe, en le pliant de manière plus ou moins artistique pour y indiquer l’adresse et y coller les timbres…

La Cour du travail de Bruxelles considère, en l’espèce, de manière réaliste que la preuve du contenu d’une enveloppe peut être fait au moyen de présomptions concordantes.

Bien évidemment, tout est cas d’espèce car on connaît également la pratique qui consiste à envoyer un courrier recommandé dont l’enveloppe est vide de tout document.


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