Terralaboris asbl

Charge de la preuve de la situation familiale et pouvoir du juge quant aux sanctions annulées

Commentaire de C. trav. Mons, 14 février 2008, R.G. 19.423

Mis en ligne le mercredi 10 septembre 2008


Cour du travail de Mons, 14 février 2008, R.G. 19.423

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 14 février 2008, la Cour du travail de Mons rappelle que, dès lors que le chômeur a fait une déclaration (C1), il appartient à l’ONEm de prouver l’inexactitude de celle-ci, de sorte que le chômeur devra alors prouver sa situation familiale. L’arrêt se prononce également sur les pouvoirs du Juge lorsque la sanction administrative est annulée (pas de pouvoir de substitution).

Les faits

Monsieur L. sort de détention préventive le 11 octobre 1994. Les conditions de libération lui imposent de se domicilier chez sa fille et d’éviter tout contact avec son épouse.

Il s’inscrit comme demandeur d’emploi le 1er décembre 1994 et sollicite l’octroi des allocations de chômage. Il déclare vivre seul et payer une pension alimentaire. Il obtient ainsi les allocations de chômage au taux « chef de famille ».

Suite à une enquête, l’ONEm estime qu’il vit avec la fille chez laquelle il est domicilié. Il revoit ainsi les conditions d’indemnisation à la date de la demande (l’admettant comme cohabitant), ordonne la récupération et lui inflige une sanction d’exclusion du bénéfice des allocations pour une période de 18 semaines.

L’intéressé introduit un recours à l’encontre de cette décision, arguant qu’il a vécu, dès la fin de son incarcération, à Chimay (la fille chez qui il était domicilié résidant à Beaumont).

La décision du tribunal

Le Tribunal confirme le principe de la récupération. Il annule cependant la sanction contenue dans la décision administrative, et ce vu l’absence de motivation formelle de celle-ci. Le Tribunal réserve à statuer sur la possibilité de se substituer à l’administration pour prendre une nouvelle sanction.

La décision de la Cour

Examinant les éléments du dossier, la Cour constate que les déclarations de l’intéressé sont en contradiction avec celles contenues sur les formulaires C1 complétés.

Elle rappelle que, en cas de contestation de ces déclarations, il appartient à l’ONEm de prouver l’inexactitude des mentions figurant sur le formulaire C1. Dans ce cas, le chômeur doit alors établir que sa situation personnelle lui permet d’obtenir les allocations au taux (code) attribué.

En l’espèce, vu que l’intéressé reconnaissait lui-même l’inexactitude des déclarations reprises au formulaire C1, la Cour examine s’il prouve avoir résidé seul. A l’instar du premier Juge, la Cour estime que cette preuve n’est pas rapportée. Elle se fonde sur les constatations d’une enquête policière de voisinage mais également sur le fait que l’intéressé n’a donné aucune explication sur la sous-location de son logement (2 pièces), de sorte qu’on ne peut vérifier s’il résidait effectivement seul à l’adresse déclarée par lui.

Quant à la sanction, statuant par évocation, la Cour du travail, se fondant sur les arrêts de la Cour de cassation des 12 novembre 2001 et 17 décembre 2001 estime que les juridictions du travail ne peuvent, dès lors que la sanction notifiée est annulée, infliger une nouvelle sanction au chômeur (absence de pouvoir de substitution). La Cour note en effet qu’en décidant d’une nouvelle sanction (celle de l’ONEm, annulée, étant considérée comme inexistante), elle aggraverait la situation du chômeur dans le cadre de l’exercice du recours judiciaire.

Intérêt de la décision

La décision porte sur deux questions de principe.

D’une part, elle fixe les règles en matière de charge de la preuve de la situation familiale du chômeur. Une fois les formulaires C1 signés, c’est à l’ONEm de prouver l’inexactitude des déclarations. Une fois cette preuve rapportée, le chômeur doit prouver la réalité de la situation qu’il avance. Aussi, à défaut pour l’ONEm d’établir que la situation personnelle avancée n’est pas exacte, le chômeur ne peut être sanctionné, sa déclaration faisant toujours « foi ».

D’autre part, l’arrêt tranche la question du pouvoir du Juge quant à la sanction, une fois que celle-ci a été judiciairement annulée. Les juridictions du travail ne peuvent aggraver la situation du chômeur en remplaçant la sanction annulée (et donc inexistante) par une autre.


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