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Le conjoint chômeur d’un travailleur indépendant dont l’activité est déficitaire ne peut prétendre au taux « chef de ménage »

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 février 2008, R.G. 48.502

Mis en ligne le mercredi 10 septembre 2008


Cour du travail de Bruxelles, 28 février 2008, R.G. 48.502

TERRA LABORIS ASBL - Sophie REMOUCHAMPS

Dans un arrêt du 28 février 2008, la Cour du travail de Bruxelles statue sur le taux des allocations de chômage d’un conjoint dont l’épouse, libraire, a le statut de travailleur indépendant mais dont l’activité ne génère pas de bénéfice. Pour la Cour, dès lors qu’il y a revenu (même si pas de revenu net), le taux cohabitant s’impose. Elle considère par ailleurs que la non prise en compte d’une rémunération minimale (réservée au membre du ménage salarié) n’est pas discriminatoire.

Les faits

Monsieur B. sollicite le bénéfice d’allocations de chômage en date du 3 avril 2003. Son épouse, libraire, est indépendante. La librairie est déficitaire. Statuant sur le montant des allocations de chômage, l’ONEm accorde les allocations au taux « cohabitant ».

Monsieur B. introduit un recours à l’encontre de cette décision, dont le Tribunal du travail de Nivelles le déboute.

Il interjette alors appel.

La position des parties en appel

Monsieur B. soutient que, vu que l’activité de la librairie est déficitaire (les charges dépassant le bénéfice brut), son conjoint ne dispose pas de revenu professionnel. En conséquence, il peut prétendre au taux « chef de famille ». A titre subsidiaire, il demande le bénéfice de l’article 60 de l’A.M. du 26 novembre 1991, faisant cependant valoir que la condition relative à l’exercice d’une activité professionnelle salariée est discriminatoire et doit être écartée en application de l’article 159 de la Constitution.

L’ONEm soutient pour sa part que, lorsque le conjoint est indépendant, le simple exercice de l’activité suffit pour refuser le taux « chef de famille », et ce indépendamment de l’absence de revenu net, l’activité indépendante étant susceptible de procurer des revenus.

La décision de la Cour

La Cour relève que les dispositions applicables sont les articles 100 de l’A.R. du 25 novembre 1991 et 60 de l’A.M. du 26 novembre 1991.

Elle examine tout d’abord si le conjoint indépendant peut être qualifié de conjoint ne disposant pas de revenu. Relevant que les revenus professionnels visés sont ceux dont une personne bénéfice en raison de l’exercice de sa profession, la Cour constate que l’activité de libraire procure un revenu, peu importe que les charges le dépassent. Relevant en outre que l’intéressé ne dépose de document que pour l’année antérieure à la demande d’allocations, la Cour estime que l’épouse ne peut être considérée comme étant sans revenu.

La Cour examine ensuite si Monsieur B. peut revendiquer l’application de l’article 60 de l’A.M. (qui dispose que les revenus du conjoint ne sont pas considérés comme des revenus professionnels dès lors que les conditions visées sont cumulativement réunies, étant une déclaration des revenus au moment de la demande d’allocations, que les revenus proviennent d’une activité salariée et enfin qu’ils ne dépassent pas un certain montant).

Saisie sur le caractère discriminatoire de la 2e condition au préjudice des indépendants, la Cour écarte l’argument, estimant que la différence de traitement entre conjoint d’un travailleur indépendant et d’un travailleur salarié sur le plan du montant de l’allocation n’est pas objectivement déraisonnable, dès lors qu’il s’agit de catégories distinctes de travailleurs, relevant de régimes différents de protection sociale.

Vu que la 2e condition n’est pas remplie, la Cour refuse le bénéfice de l’exception contenue à l’article 60 et confirme ainsi le jugement.

Intérêt de la décision

Il résulte de l’arrêt que le chômeur conjoint d’un travailleur indépendant dont l’activité génère un revenu mais non un bénéfice ne peut prétendre au taux « chef de famille ». La Cour relève cependant que l’intéressé n’établit pas l’absence de revenu dans le chef de l’épouse. On peut dès lors s’interroger sur la solution qui aurait été donnée au litige si la preuve (notamment par le biais d’avertissement extrait de rôle) de l’absence de revenu taxable avait été apportée.

Dans cet arrêt, la Cour considère que l’article 60, qui limite l’exception à la notion de revenu professionnel aux seuls revenus découlant d’une activité salariée, n’établit pas de discrimination prohibée entre indépendant et salarié.


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