Terralaboris asbl

Nature des sanctions administratives (non déclaration et mention incomplète sur la carte de contrôle) : sanctions pénales

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 22 janvier 2008, R.G. 7.968/2005

Mis en ligne le mercredi 10 septembre 2008


Cour du travail de Liège, sect. Namur, 22 janvier 2008, R.G. 7.968/2005

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 22 janvier 2008, la Cour du travail de Liège statue sur le cas d’un chômeur ayant omis de déclarer la deuxième activité accessoire exercée. Si elle confirme que cette omission a entraîné un indu, récupérable, elle n’applique qu’une seule sanction (à la place des deux ordonnées par l’Onem), en application du principe « non bis in idem », sanction qu’elle assortit d’un sursis, confirmant les pouvoirs du Juge social à cet égard.

Les faits

M. G. exerce, depuis 1988, une activité accessoire de traiteur. En 1989, il devient chômeur et sollicite le bénéfice des allocations. A l’occasion de sa demande, il sollicite et obtient l’autorisation d’exercer l’activité accessoire.

Déclarant régulièrement les revenus de cette activité, ses allocations font l’objet, pour certaines années, de recalcul.

En 1995, alors qu’il est à nouveau salarié, il démarre une nouvelle activité accessoire (vente de matériel informatique). En juillet 1998, il perçoit à nouveau des allocations de chômage. La nouvelle activité n’est pas déclarée mais bien les revenus cumulés des deux (la première étant par ailleurs quasiment abandonnée en 2001).

Suite à un contrôle, la deuxième activité est portée à la connaissance de l’ONEm, qui prend alors, le 17 mai 2005, une décision de récupération des allocations perçues (limitée aux 150 derniers jours d’indemnisation, la bonne foi étant admise). Par cette décision, l’ONEm inflige deux sanctions, respectivement d’une et de trois semaines d’exclusion du bénéfice des allocations de chômage pour l’avenir, sur le fondement des articles 153 (omission de déclaration ou déclaration incomplète) et 154 (non respect de l’article 71 – biffage de la carte de la contrôle en cas de travail).

Par cette décision, l’ONEm autorise par ailleurs l’exercice des activités accessoires, pour l’avenir.

Le jugement confirme la décision administrative.

La position des parties en appel

Monsieur G. interjette appel du jugement, faisant valoir sa totale bonne foi : s’il a effectivement omis de déclarer la deuxième activité, les revenus ont été déclarés, excluant ainsi toute volonté de fraude. Sur cette base, il estime que la question doit être limitée aux sanctions, pour lesquelles il demande un sursis, et à la récupération. Sur ce dernier point, faisant valoir l’absence de préjudice dans le chef l’ONEm, il estime qu’il ne peut y avoir de récupération.

La décision de la Cour

La Cour examine en premier lieu la question des sanctions, sous l’angle de la légalité du cumul opéré par l’ONEm.

Examinant le texte des articles 153 et 154 de l’A.R. du 25 novembre 1991, la Cour constate qu’ils visent deux manquements différents (ne pas avoir fait une déclaration complète et ne pas avoir correctement rempli la carte de contrôle).

Elle relève ensuite que les sanctions administratives prévues par ces dispositions ont une nature pénale au sens de l’article 6, 1°, de la Convention européenne des droits de l’homme, et ce parce qu’il s’agit de sanctions qui peuvent être financièrement fort lourdes pour le chômeur et qui poursuivent un but de répression et de prévention.

En conséquence de la nature pénale des sanctions, la Cour rappelle qu’elle dispose d’un pouvoir de pleine juridiction et que les garanties prévues par la Convention précitée en son article 6 doivent être respectées. L’une des conséquences de ces éléments est l’application de l’adage « non bis in idem », c’est-à-dire l’interdiction de prononcer deux sanctions pour le même fait fautif. Pour déterminer si une ou deux sanctions doivent être appliquées, la Cour du travail recherche si les deux manquements procèdent de la même intention, en appliquant les règles du délit collectif (différents faits qui procèdent d’une même intention). Elle retient que les deux manquements (ne pas avoir déclaré son activité et ne pas avoir biffé sa carte de contrôle) procèdent de la même intention (percevoir les allocations), de sorte qu’une seule sanction pouvait être appliquée, celle de trois semaines (prise en application de l’article 154).

Statuant sur la sanction elle-même, la Cour estime que, vu la déclaration spontanée des revenus des deux activités, l’absence de préjudice pour l’ONEm et la bonne foi de l’intéressé, la sanction peut être assortie d’un sursis complet pendant 24 mois. A cet égard, la Cour souligne la compétence du Juge pour accorder la mesure de faveur que constitue le sursis (elle fait référence à Cass., 10 mai 2004, J.L.M.B., 2005 p. 635).

Enfin, elle se prononce sur la récupération. Sur le principe, la Cour rappelle qu’à défaut d’avoir effectué la déclaration requise, l’intéressé a perdu le droit au bénéfice des allocations, la circonstance que ce droit n’aurait pas été affecté en cas de déclaration étant sans incidence. La Cour se fonde à cet égard sur le fait qu’en omettant de déclarer l’activité, il a privé l’ONEm de la possibilité de vérifier sa nature accessoire et sa compatibilité avec les obligations de disponibilité. La Cour du travail reconnaît donc l’existence de l’indu, ainsi que la nécessité de remboursement de celui-ci. La décision ayant déjà admis la bonne foi (limitant ainsi la récupération aux 150 derniers jours), la Cour confirme la décision sur ce point.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle une fois de plus la nécessité de déclarer les activités exercées pendant le chômage au bureau de chômage, puisque, quelle que soit la bonne foi du chômeur, la non déclaration entraîne la récupération.

La décision contient par ailleurs de nombreuses références quant à la qualification des sanctions administratives et l’applicabilité du régime de l’article 6 de la C.E.D.H. De même, elle rappelle que le Juge peut assortir les sanctions d’un sursis.


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