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Une demande de réparation introduite à la fois dans le cadre de la liste et en dehors de celle-ci est-elle recevable ?

Commentaire de C. trav. Liège, 4 février 2008, R.G. 34.479/06

Mis en ligne le jeudi 31 juillet 2008


Cour du travail de Liège, 4 février 2008, R.G. n° 34.479/06

TERRA LABORIS ASBL – Sandra Cala

Dans un arrêt du 4 février 2008, la Cour du travail de Liège a admis la recevabilité d’une demande introduite en visant à la fois un code ainsi qu’une affection hors liste.

Les faits

Un travailleur manuel a introduit, en novembre 2003, une demande de réparation dans un contexte d’arthrose. Le formulaire 503 F est, apparemment, mal rempli, les réponses étant contradictoires et celles-ci visant à la fois plusieurs codes de la liste ainsi que l’existence d’une maladie hors liste. Vu ces contradictions, le FMP instruit le dossier sur la base d’un seul code, qu’il choisit.

La décision aboutit au rejet de la demande, au motif qu’il n’apparaît pas que les conditions de réparation sont réunies.

La position du tribunal

Le tribunal constata que l’intéressé a assigné en demande d’indemnisation suite à une arthrose consécutive à l’utilisation d’engins vibratoires et qu’il a modifié sa demande par voie de conclusions, sollicitant la réparation d’une lombarthrose trouvant sa cause déterminante et directe dans l’exercice de sa profession de coffreur-ferrailleur et résultant d’importantes sollicitations mécaniques du rachis lombaire.

En conséquence, le tribunal considéra qu’il était saisi d’une demande introduite sur pied de l’article 807 du Code judiciaire et qu’aucune demande administrative n’avait été introduite en ce sens, vu qu’au départ l’objet de la demande visait une maladie de la liste. Le tribunal débouta, ainsi, l’intéressé.

La position des parties en appel

Le demandeur originaire contesta le jugement en tous ses motifs. À titre principal, il invitait la Cour à recevoir sa demande d’indemnisation dans le système hors liste, étant la réparation d’une lombarthrose et sollicitait la désignation d’un expert. A titre subsidiaire, il invitait la Cour à recevoir la demande visée dans la liste pour arthrose et sollicitait également une mesure d’instruction sur cette question.

La position de la Cour

La Cour fut, par conséquent, saisie de la question de la recevabilité de la modification de la demande, s’agissant, pour le demandeur, de solliciter la réparation d’une arthrose hors liste. Elle rappela les règles de preuve contenues dans les articles 30 et 30bis des lois coordonnées le 3 juin 1970 et constata la modification de la demande judiciaire initiale (reposant sur l’article 30) puisque était ensuite demandée une indemnisation dans le cadre d’une maladie non visée par la liste (article 30bis).

Cette première constatation amena la Cour à examiner l’application de l’article 807 du Code judiciaire ainsi que le respect du préalable administratif.

Sur la recevabilité d’une demande nouvelle, la Cour rappela que celle-ci, consécutive à une modification ou à une extension de la demande primitive, doit être introduite par conclusions à un moment où la procédure est contradictoire, de manière à ce qu’il ne soit dérogé au principe de l’immutabilité de la demande que dans le respect des droits de défense, exigence rencontrée en l’espèce.
Cette demande doit également être fondée sur un fait ou un acte invoqué dans la citation, tout en sachant qu’elle peut en même temps être fondée sur d’autres faits et sur d’autres actes. En l’espèce, la citation vise l’arthrose et, pour la Cour, c’est bien de la même affection qu’il s’agit dans la demande originaire et dans la demande nouvelle.
La modification consiste en l’espèce dans l’imputation de l’affection, étant, dans la citation, à l’utilisation d’engins vibrants et, dans les conclusions, à des contraintes importantes. Cette modification a entraîné que, initialement la maladie était rattachée à la liste et ultérieurement, elle a dû être considérée comme étant hors liste.

La Cour en conclut que la modification à la demande initiale est légale.

Sur la question du respect du préalable administratif, la Cour rappelle qu’il s’agit d’un effet du principe général de la séparation des pouvoirs et que, en maladie professionnelle, c’est l’article 52 des lois coordonnées qui rappelle cette exigence de l’instruction des demandes par le Fonds. Cette règle n’empêche pas la modification de la demande originaire conformément à l’article 807 du Code judiciaire, la Cour rappelant le principe selon lequel il n’y a pas dans cette disposition des lois coordonnées une exception à l’article 807 du Code judiciaire.

En l’espèce, la demande de réparation des dommages résultant de la lombarthrose a été formulée devant le Fonds, même si elle a été qualifiée de lombosciatalgie.

Par ailleurs, la Cour rejette l’argument du Fonds (qui avait été admis par le premier juge étant que pour être recevable, la demande de lombarthrose imputée à la manipulation de lourdes charges (soit la qualification de la maladie ainsi que sa source) doit être introduite telle quelle auprès du Fonds. Pour la Cour, cette exigence est excessive. En outre, elle est inappropriée en l’espèce, vu les renseignements apportés sur le document 503 F. La Cour conclut de la manière dont celui-ci a été rempli que le demandeur originaire a demandé davantage les indemnités légales pour l’arthrose relevant de l’article 30bis que pour celle visée à l’article 30. Le Fonds devait, en conséquence, instruire les deux demandes et conformément aux procédures propres à chacune d’elles.

La Cour ajoutera également qu’il ne ressort pas de l’article 2 de l’arrêté royal du 26 septembre 1996 déterminant la manière dont sont introduites et instruites les demandes de réparation et de revision des indemnités acquises que dans le cas où deux demandes sont formulées par rapport à une même affection et qu’elles sont basées respectivement sur l’un ou l’autre des deux systèmes, l’une des deux – voire les deux – serait irrecevable. Elle fait aussi grief au FMP d’avoir retenu arbitrairement un code, et ce en contradiction avec l’article 11 de l’arrêté royal ci-dessus, qui l’habilite à prendre toutes les mesures nécessaires et notamment à solliciter tous les renseignements complémentaires requis par l’introduction de la demande.

La Cour fait dès lors droit à la demande en son principe et rouvre les débats aux fins de permettre à l’intéressé de constituer un début de dossier permettant de mieux comprendre sa situation.

Intérêt de la décision

Ce genre de problématique n’est pas rare, où les deux systèmes de réparation sont visés lors de l’introduction de la demande. L’enseignement de la Cour est double :
1) il ne ressort d’aucune disposition légale que l’introduction de deux demandes en même temps rendrait l’une de celle-ci – voire les deux – irrecevable ;
2) en cas de demande mal formulée, le Fonds a l’obligation de s’informer davantage auprès de l’assuré social.


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