Terralaboris asbl

Mise à charge des dépens en cas de citations successives et non respect de ses obligations par la caisse

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 août 2007, R.G. 44.203

Mis en ligne le jeudi 27 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 21 août 2007, R.G. 44.203

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 21 août 2007, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que la caisse qui recourt à plusieurs actes introductifs d’instance alors que cela n’était pas nécessaire commet une faute. Vu cette circonstance, couplée au non respect de l’article 8, al. 2, de l’A.R. du 19/12/1967, les dépens sont mis à charge de la caisse sociale.

Rétroactes

M. B., occupé comme chauffeur par une entreprise X, s’affilie auprès d’une caisse sociale, comme travailleur indépendant à dater du 1er octobre 1998. Il cesse cette activité le 30 septembre 1999, étant engagé à partir de cette date dans le cadre d’un contrat de travail.

Le 22 août 2001, l’ONSS informe M. B. de son assujettissement d’office au statut social des travailleurs salariés pour la période prestée sous le statut d’indépendant.

Le 28 novembre 2001, la caisse sociale signale avoir appris la fin d’activité et demande à M. B. de fournir la preuve de cette cessation. Cette preuve est transmise par l’intéressé en juillet 2002. En réponse, la caisse lui fait savoir qu’il reste débiteur des cotisations afférentes au 4e trimestre 1999.

Entre-temps, et sans notification d’aucun avertissement préalable, la caisse l’assigne, par exploit du 6 juin 2002, en paiement des cotisations pour les années 1999 à 2001. Cette affaire est renvoyé au rôle et ne fera l’objet d’aucun examen par le Tribunal.

Le 15 janvier 2003, la caisse lui réclame la régularisation des cotisations payées en 1998 et 1999. Concomitamment, elle demande à l’INASTI d’examiner le dossier de l’intéressé. Elle assigne ensuite une nouvelle fois l’intéressé en paiement des cotisations de régularisation le 27 février 2003. Lors de l’audience d’introduction, l’intéressé dépose au Tribunal les documents établissant son assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés pendant la période couverte par la demande. Il invoque également avoir versé deux montants dans le cadre des régularisations, dont il demande le remboursement.

Par jugement du 7 avril 2003, le Tribunal statue sur les pièces déposées à l’audience (en refusant d’ailleurs la remise au conseil de la caisse) et déclare non fondée la demande de la caisse. Il la condamne par ailleurs au remboursement des deux montants versés par M. B.

La caisse interjette appel du jugement en mai 2003.

Ultérieurement, en septembre 2003, l’INASTI répond à la caisse, lui demandant de radier l’affiliation de M. B. ab initio. La caisse fait alors valoir, vis-à-vis de l’intéressé, que les montants réclamés par voie judiciaire ne sont plus dus. Elle réclame cependant la prise en charge des dépens des deux procédures, faisant valoir que c’est le défaut d’information de la part de M. B. qui est responsable des frais de celles-ci.

Opérant une compensation entre les sommes payées en 1999 par M. B. (et dont le remboursement avait été ordonné par le Tribunal) et celles des dépens, la caisse reverse à l’intéressé la différence en mai 2005.

La position des parties devant la Cour du travail

La caisse reproche au premier Juge d’avoir statué sur des pièces non communiqués avant l’audience ainsi que d’avoir admis l’existence d’une demande reconventionnelle, formulée verbalement. Elle maintient sa demande de condamnation de M. B. aux dépens des deux procédures, arguant qu’ils ont été rendus nécessaire par l’attitude négligente de l’intéressé, qui n’a fait valoir la décision d’assujettissement de l’ONSS que postérieurement à la seconde citation. Elle demande la compensation entre les dépens et les sommes revenant à M. B.

M. B. estime que la caisse n’a pas respecté ses obligations légales, dont celle de lui adresser un dernier avertissement avant les citations, de même que celle contenue à l’article 8 de l’A.R. du 19/12/1967, n’ayant pas vérifié, après avoir reçu l’information de cessation d’activité, s’il n’était pas soumis à un autre régime de sécurité sociale.

La décision de la Cour

La Cour, qui n’est saisie que de la deuxième procédure, commence par rappeler que chaque partie doit, en application du principe de bonne foi, veiller à limiter les coûts de la procédure, de sorte que constitue une faute au sens de l’article 1382 C.C. le fait de faire procéder à plusieurs citations lorsqu’une seule aurait pu suffire. Elle retient que tel était le cas en l’espèce puisque la caisse aurait pu étendre la demande introduite par la première citation au lieu de réciter.

Quant au respect des obligations légales de la caisse, la Cour écarte une violation de l’article 46 de l’A.R. du 19/11/1967 (qui impose à la caisse de procéder à un dernier rappel par voie recommandée avant tout recouvrement judiciaire – mesure qui, comme le rappelle l’arrêt, sert à éviter les frais de justice par un paiement volontaire), un recommandé ayant été en l’espèce adressé à l’intéressé avant la seconde citation. Par contre, la Cour reconnaît la violation de l’article 8, alinéa 2, du même arrêté royal, la caisse ne s’étant pas renseignée sur l’éventuel assujettissement de l’intéressé à un autre régime de sécurité sociale. Or, note la Cour, le respect de cette obligation aurait permis à la caisse de constater l’assujettissement d’office décidé par l’ONSS pour la période sur laquelle porte la régularisation et dès lors le non fondement de la demande introduite par la seconde citation.

En conséquence, la Cour met à charge de la caisse les dépens des deux instances (2e procédure) et ordonne le remboursement des sommes payées par M. B. en 1999.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail rappelle que les dépens peuvent être mis à charge de la caisse sociale (même si elle gagne) dès lors que cette dernière a (1) soit, fait procéder à plusieurs citations alors qu’une seule aurait suffit (permettant la mise à charge des frais des citations complémentaires), (2) soit, assigné alors qu’aucun dernier avertissement par recommandé n’a été adressé (violation de l’article 46 de l’A.R.) ou encore (3) soit, violé les obligations contenues à l’article 8, alinéa 2.

Cet arrêt pourrait aussi être évoqué à l’encontre de l’ONSS, dont la pratique est généralement de citer l’employeur en défaut de paiement pour chacun des trimestres non honorés …


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