Terralaboris asbl

Prescription des cotisations à charge des sociétés : délai et validité de l’interruption de la prescription

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 mai 2007, R.G. 49.022

Mis en ligne le jeudi 27 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 11 mai 2007, R.G. n° 49.022

TERRA LABORIS ASBL – Pascal HUBAIN

Dans un arrêt du 11 mai 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé les conditions dans lesquelles une lettre peut valablement interrompre une prescription.

Les faits

La demande de la Caisse d’assurances sociales portait sur le paiement d’environ 4.000 EUR au titre de cotisations à charge d’une société, pour les années 1997 à 2005.

En application de l’article 95 § 2 de la loi du 30 décembre 1992, le délai de prescription des cotisations à charge de sociétés prend cours à partir du 1er janvier de l’année qui suit celle pour laquelle elles sont dues. La prescription est interrompue de la manière prévue à l’article 2244 du Code civil et par une lettre recommandée dans laquelle l’organisme chargé du recouvrement réclame la cotisation due. Quant au délai de prescription, il est de cinq ans.
La Caisse soutenait avoir interrompu la prescription par une lettre recommandée du 9 décembre 2002.

Pour la caisse, par conséquent, la prescription avait valablement été interrompue.

La position du tribunal

Par jugement du 17 août 2006, le tribunal du travail condamna la société à payer les cotisations et majorations pour les années en cause.

La société interjeta appel.

La position des parties en appel

La caisse maintenait sa position antérieure, étant la validité de l’interruption de la prescription par lettre recommandée du 9 décembre 2002.

Quant à la société, elle considérait que la lettre n’avait pas pu interrompre cette prescription, dès lors que la caisse ne prouvait pas que cette lettre était signée.

La position de la Cour

La Cour relève d’abord que la caisse établit avoir envoyé un courrier recommandé le 17 décembre 2002. Ce pli n’avait pas été réclamé.

La copie de la lettre déposée fait toutefois apparaître qu’elle ne contient aucune forme ou trace de signature de son expéditeur. Aucune place n’y apparaît réservée à la signature de son auteur dont ni le nom ni la qualité ne sont repris.

La Cour retiendra que cette lettre ne peut pas être considérée comme ayant valablement interrompu la prescription. En effet, pour avoir cet effet, le courrier adressé doit manifester au débiteur la volonté dans le chef du créancier de reprendre l’exercice de son droit. Cet acte juridique n’a d’efficacité que s’il est valablement notifié. Pour la Cour, cette volonté, pour être conforme aux conditions de l’article 95 de la loi du 30 décembre 1992, doit être exprimée par une lettre et cette lettre doit être envoyée par recommandé. La Cour s’attache alors à définir ce qu’il y a lieu d’entendre par « lettre », étant qu’il s’agit d’une communication écrite et signée, faite par une personne à une autre personne. La signature de l’auteur constitue l’élément essentiel le plus important de l’acte sous seing privé.

Reprenant la doctrine (MOUGENOT, La preuve, Larcier, p. 151 et réf. citées, ainsi que de la jurisprudence), la Cour rappelle que la signature a pour but de permettre l’identification de l’auteur de la lettre et de manifester l’adhésion du signataire au contenu de l’acte. En l’absence de toute forme ou trace de signature, un écrit ne peut constituer une lettre.

De même, la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 22 septembre 2003 (J.T.T. 2004, p. 7) que la lettre recommandée visée par l’article 11 §1er de l’arrêté royal n° 464 du 25 septembre 1986 ne peut interrompre la prescription que si elle est signée par la personne compétente au nom de l’organisme ou de l’institut, sans avoir égard au fait qu’il apparaît que l’organisme ou l’institut en est l’expéditeur. Cette règle découle, selon la Cour, de la notion de lettre et est applicable quelle que soit la nature juridique du créancier, qu’il soit un organisme de droit public ou une asbl, notamment.

En conséquence, les cotisations réclamées sont prescrites.

Intérêt de la décision

Il n’est pas rare de voir que des administrations s’en tiennent, pour des décisions administratives – pourtant importantes – à un libellé général et qu’elles omettent d’apposer au bas du courrier adressé à l’assuré social la signature de l’auteur de la décision. La Cour du travail rappelle ici qu’il s’agit d’une formalité essentielle. A défaut, le courrier en cause – même adressé par voie recommandée – ne peut pas sortir d’effets juridiques, en tout cas, selon l’arrêt, sur le plan de la prescription.


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