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Rôle du MEDEX dans le cadre de l’arrêté royal du 13 juillet 1970 applicable aux services et établissements publics du secteur local

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 17 mai 2022, R.G. 2017/AL/285

Mis en ligne le mardi 28 mars 2023


Cour du travail de Liège (division Liège), 17 mai 2022, R.G. 2017/AL/285

Terra Laboris

Dans un arrêt du 17 mai 2022, la Cour du travail de Liège (division Liège) se penche sur le rôle du MEDEX dans le cadre de l’arrêté royal du 13 juillet 1970, s’agissant d’une demande de remboursement de soins de kinésithérapie.

Les faits

Une employée de la Régie des Bâtiments fut victime d’un accident du travail en octobre 2001. Elle sollicita, pour la période post-consolidation, la prise en charge de séances de kinésithérapie et de physiothérapie, et ce auprès de l’Etat belge. Celui-ci refusa d’intervenir au motif de l’absence d’efficacité thérapeutique vu le long délai depuis l’accident. La décision mentionne qu’elle émane du MEDEX.

Un recours fut introduit devant le tribunal du travail contre l’Etat belge – SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement.

La procédure

Le tribunal du travail désigna, par jugement du 21 décembre 2011, un expert judiciaire, précisant à destination de celui-ci que l’accident avait été consolidé en octobre 2003 avec un accord pour soixante séances de kinésithérapie cervicales par an. Suite au dépôt du rapport d’expertise, qui conclut que les séances étaient nécessaires et en lien avec l’accident, les parties conclurent et l’Etat belge souleva à ce moment un problème de recevabilité, considérant qu’il n’est pas l’employeur mais qu’il intervient dans l’administration de l’expertise via le MEDEX. Une requête en intervention forcée fut alors déposée à l’encontre de la Régie des Bâtiments, employeur. Les parties convinrent de considérer que le rôle de l’Etat belge était limité à l’administration de l’expertise médicale.

En conséquence, le jugement déclara la demande non fondée à l’égard de l’Etat belge. Il considéra également que la citation en intervention forcée et garantie à l’encontre de la Régie des Bâtiments était irrecevable, ayant été introduite tardivement.

Appel fut interjeté.

Les arrêts de la cour du travail

La cour a rendu deux arrêts.

L’arrêt du 19 novembre 2019

La cour rend un arrêt interlocutoire, réservant à statuer sur la demande de l’Etat belge-MEDEX d’entendre déclarer les demandes irrecevables. Pour la cour, il s’agissait d’un appel principal contre le jugement avant dire droit et d’un appel incident contre le jugement définitif, celui-ci n’étant pas revenu sur la question de la recevabilité tranchée dans le premier jugement. Il a également réservé à statuer sur la recevabilité de la demande contre l’Etat belge-MEDEX et son fondement ainsi que sur la prescription de l’action en paiement d’indemnités à l’égard de la Régie des Bâtiments.

La cour rappelle que l’employeur est un parastatal de catégorie A et que lui sont applicables l’arrêté royal du 12 juin 1970 ainsi que celui du 24 janvier 1969 pour ce qui est des frais médicaux, chirurgicaux et assimilés, payés par l’administration de l’expertise médicale et, ainsi, à charge du Trésor public.

La cour reprend le régime d’indemnisation fixé à l’article 4, 2°, de l’arrêté royal du 12 juin 1970 avant sa modification par l’arrêté royal du 8 mai 2014. Le MEDEX était alors compétent pour fixer le pourcentage de l’incapacité permanente de travail résultant des lésions physiologiques occasionnées par l’accident. Il n’était cependant pas compétent pour statuer sur le lien de causalité entre l’événement soudain et les lésions.

La cour renvoie à l’arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 2016 (Cass., 7 mars 2016, n° S.15.0053.N) ainsi qu’à la doctrine (M. BOLLAND, « Approche juridique de la procédure d’octroi des rentes pour invalidité permanente en matière d’accidents du travail », J.T.T., 1991, p. 345 et S. REMOUCHAMPS, « Le rôle du MEDEX », in Les accidents du travail dans le secteur public, Anthémis, 2015, p. 262), qui précisent que le service médical n’était pas compétent pour se prononcer sur la durée de l’incapacité temporaire et sur les frais nécessités par l’accident. La question se pose dès lors de savoir s’il appartenait au MEDEX de se prononcer pour ce qui est de la prise en charge des frais médicaux et sur celle des frais de déplacement.

La cour pose également la question de la prescription, étant de savoir si l’article 20 de la loi du 3 juillet 1967, en vertu duquel le délai de prescription court à partir de la notification de l’acte juridique administratif concerné, inclut, dans cette notion, la proposition du service médical qui sortirait de ses attributions. Renvoi est ici fait à l’arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2017 (Cass., 4 juin 2007, n° S.06.0082.F), selon lequel l’acte juridique administratif en cause n’est pas uniquement la décision de l’autorité au sens de l’article 10 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970, mais peut, lorsque la demande en paiement est introduite avant que cette décision n’ait été prise, consister en la proposition du service médical visée au même arrêté en ses articles 8 et 9.

La cour précise encore que, actuellement, l’arrêté du 13 juillet 1970 – contrairement à celui du 12 juin 1970 ci-dessus, qui renvoie à celui du 24 janvier 1969 – donne attribution au MEDEX pour se prononcer sur le lien de causalité et le pourcentage d’incapacité permanente.

Elle s’interroge ensuite sur la question des mentions devant figurer dans la notification de la décision, au sujet des délais et des voies de recours éventuelles. Par rapport à la Charte de l’assuré social ou la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration, l’absence de celles-ci n’empêche pas la prise de cours du délai de prescription (avec renvoi à Cass., 10 mai 2010, n° S.08.0140.F, ainsi qu’à S. REMOUCHAMPS, ibid). Par contre, s’agissant d’un acte juridique administratif, il y a obligation de motivation formelle.

La cour pose alors la question du rapport qui devrait être entretenu entre le service médical administratif et l’employeur qui l’a désigné, ce dernier ne s’étant en l’espèce pas vu transférer la proposition médicale du MEDEX.

Enfin, pour ce qui est du délai de prescription, celui-ci ne peut pas prendre cours avant la naissance du droit à la réparation et elle rappelle que, pour les frais, c’est le moment où ils ont été exposés qui constitue le point de départ.

La cour ordonne dès lors la réouverture des débats, étant acquis que la Régie des Bâtiments a la qualité d’employeur et a reconnu l’accident, transmettant la déclaration au MEDEX. Dans le règlement des séquelles, une incapacité permanente partielle a été retenue et, pour ce qui est des frais post-consolidation, il a été prévu qu’une autorisation préalable pour les séances de kinésithérapie devait être obtenue, prise en charge qui a été sollicitée par l’intéressée pour les années 2006 à 2009 et a in fine été refusée.

La cour demande en conséquence à la victime d’établir la recevabilité et le fondement de sa demande de condamnation de l’Etat belge-MEDEX en dehors de la loi du 3 juillet 1967 et de son arrêté royal d’application, vu que le recours contre l’Etat belge-MEDEX est irrecevable pour ce qui est du paiement des indemnités. Cependant, il peut être recevable s’il s’agissait de mettre en cause la responsabilité du MEDEX, ce qui a été soutenu en première instance, vu la faute ayant consisté à ne pas transmettre la demande vers l’institution compétente.

La cour souhaite également que les parties s’expliquent sur la portée de la notion d’acte juridique administratif contesté de l’article 20 de la loi du 3 juillet 1967 au cas où une proposition médicale a été prise en dehors de toute attribution déterminée par l’arrêté royal du 12 juin 1970.

L’arrêt du 17 mai 2022

La cour admet la recevabilité des appels de l’Etat belge (appel principal contre le jugement avant dire droit et appel incident formé dans les premières conclusions d’appel, et ce conformément à l’article 1054 du Code judiciaire).

Pour ce qui est de la demande de la victime en tant que dirigée contre l’Etat belge, la cour constate que celle-ci ne développe pas celle-ci sur la base du droit commun de la responsabilité, constatant encore que rien ne l’empêchait d’agir en paiement contre son employeur, nonobstant l’absence de communication de l’avis médical entre le MEDEX et celui-ci.

Elle examine, dès lors, la demande contre l’employeur lui-même. La Régie des Bâtiments plaidant que l’avis du MEDEX sur les frais médicaux relève de l’usage, soit du mandat qu’elle lui a donné en dehors du champ réglementaire, et qu’il n’est pas contraignant, et que l’intéressée pouvait attendre sa décision (décision de son employeur), qui seule ferait courir le délai de prescription.

Pour la cour du travail, l’arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2007, qui définit la notion d’acte juridique administratif contesté et considère qu’il peut également consister en la proposition du service médical, vise les propositions médicales de la compétence de celui-ci, conformément à l’arrêté d’exécution applicable. Or, en l’espèce, l’employeur n’a pas pris de décision refusant le droit aux frais en cause. Il en découle que la demande dirigée contre l’employeur n’est pas prescrite. La victime est en conséquence autorisée à poursuivre son action contre son employeur, qui est le seul compétent pour statuer sur la demande formulée et est seul débiteur des frais.

Est encore discutée la question de l’autorisation préalable. La cour constate que cette exigence a été posée par le MEDEX, qui n’a aucune compétence pour ce faire. La seule condition requise est la preuve que les frais médicaux ont été nécessités par l’accident.

Par ailleurs, pour ce qui est de l’expertise, la cour confirme qu’elle n’est pas opposable à l’employeur, dans la mesure où son intervention dans la procédure est postérieure au dépôt des conclusions de celle-ci. Enfin, la cour considère les attestations produites non probantes et insuffisantes sur la condition de nécessité des soins. Elle conclut au non-fondement de la demande.

Intérêt de la décision

C’est le rôle du MEDEX qui est au centre du débat (ses compétences ont été élargies à partir du 1er juillet 2014 pour ce qui est de l’arrêté royal du 13 juillet 1970). Dans le cadre du régime antérieur, il a été considéré à diverses reprises par la Cour de cassation que la décision du MEDEX n’était contraignante qu’en ce qui concerne le pourcentage de l’incapacité permanente mais non pour la date de consolidation, la période d’incapacité temporaire totale ainsi que le lien causal entre l’accident et les lésions.

La portée du texte actuel est discutée. Il prévoit que le service médical notifie à l’autorité sa décision, qui consiste soit en un pourcentage d’incapacité permanente, soit en une décision de guérison sans séquelles, et qu’en cas d’incapacité permanente, l’autorité vérifie si les conditions d’octroi des indemnités sont réunies. Celle-ci examine les éléments du dommage subi, apprécie s’il y a lieu d’augmenter le pourcentage d’incapacité permanente fixé par le service médical et propose le paiement d’une rente.

Dans un arrêt du 22 mars 2022 (C. trav. Liège, div. Liège, 22 mars 2022, R.G. 2019/AL/338 – précédemment commenté), la Cour du travail de Liège a jugé à ce propos que seule est visée à l’article 9 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970 l’incapacité permanente (dont le pourcentage fixé par le MEDEX ne peut qu’être augmenté par l’employeur public). Si le MEDEX peut actuellement prendre des décisions dans d’autres aspects médicaux (lien de causalité entre l’accident et les lésions, entre l’accident et les périodes d’incapacité de travail, ainsi que date de consolidation et pourcentage de l’aide de tiers), il n’y a de décision contraignante qu’en matière de pourcentage d’incapacité permanente. L’appréciation du MEDEX ne lie pas le juge en ce qui concerne les périodes d’incapacité temporaire. En conclusion, la cour ne se sent pas liée par le caractère contraignant de ces périodes.

Par contre, dans un jugement du 8 février 2022 (Trib. trav. Hainaut, div. Charleroi, 8 février 2022, R.G. 21/1.004/A), le Tribunal du travail du Hainaut a jugé que la décision du service médical MEDEX est contraignante vis-à-vis de l’employeur sur l’ensemble des aspects sur lesquels ce service est chargé de se prononcer, à savoir les lésions qui donnent lieu à la réparation, l’imputabilité de l’incapacité temporaire, la date de consolidation, le pourcentage de l’incapacité permanente et celui de l‘aide de tiers.


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