Terralaboris asbl

Activité occasionnelle et allocations de chômage

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 9 novembre 2022, R.G. 2021/AB/313

Mis en ligne le lundi 13 mars 2023


Cour du travail de Bruxelles, 9 novembre 2022, R.G. 2021/AB/313

Terra Laboris

Dans un arrêt du 9 novembre 2022, la Cour du travail de Bruxelles reprend les conditions dans lesquelles l’exercice d’une activité salariée ou indépendante est compatible avec le bénéfice d’allocations de chômage.

Les faits

Une travailleuse salariée sollicite le bénéfice des allocations de chômage en septembre 2019, après avoir travaillé dans le secteur HORECA. Elle signale ne pas exercer d’activité accessoire ou apporter une aide à un indépendant. Elle s’inscrit cependant aussitôt en qualité de travailleur indépendant à titre complémentaire. Elle effectue par la suite des prestations de travail en qualité de commis de cuisine pendant de courtes périodes et, de même, pour ce qui est d’autres prestations, en qualité de travailleur indépendant complémentaire (quelques jours fin 2019-début 2020). Ces journées sont reprises sur ses cartes de contrôle.

L’ONEm lui fait grief d’exercer une activité d’indépendant comme prestataire de services, et ce par courrier du 1er juillet 2020. Il constate qu’elle a omis de l’informer de celle-ci. L’intéressée répond qu’elle ignorait devoir communiquer à l’ONEm l’existence de ce statut d’indépendant complémentaire, tous les jours prestés ayant été repris sur ses cartes de chômage. Elle fait également état du nombre très réduit de prestations (quelques jours), l’établissement pour lequel elle travaillait ayant ensuite été fermé en raison de la pandémie due au COVID-19.

Une première décision est prise le 17 juillet 2020, s’agissant de l’exclusion des allocations à partir du 1er octobre 2019 au motif du non-respect des articles 44, 45 et 71 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Elle s’accompagne d’une récupération ainsi que d’une exclusion pour une période de huit semaines.

L’intéressée introduit un recours contre cette décision, une notification (C31) du 17 juillet 2020 lui ayant été faite en vue de la récupération de 222,5 allocations (période à partir du 1er octobre 2019), soit un montant global de 11.500 euros.

Après la période d’exclusion, l’intéressée s’est réinscrite au chômage, déclarant alors une activité accessoire de créations culinaires et de consultance en cuisine dans le cadre de la mesure « tremplin-indépendants ».

Deux décisions sont alors prises. La première l’exclut à partir du 14 septembre 2020 (non-respect de l’article 48 de l’arrêté royal organique), l’intéressée n’ayant pas cumulé l’exercice de l’activité accessoire avec un travail salarié pendant au moins trois mois avant de faire sa nouvelle demande, et l’activité ayant été exercée dans un secteur non autorisé (HORECA) sans que ne soient précisés ni les horaires ni les jours d’exercice.

Une nouvelle décision, du 28 octobre 2020 également, autorise l’intéressée à exercer son activité dans le cadre de la mesure « tremplin-indépendants » du 14 septembre 2020 au 13 septembre 2021 (article 48, § 1erbis, de l’arrêté royal du 25 novembre 2021) et lui octroie le montant journalier complet de son allocation. Cette troisième décision n’est pas contestée.

Devant le tribunal du travail, l’intéressée demande l’annulation des deux décisions contestées (soit celle du 17 juillet 2020 et la première du 28 octobre 2020). A titre subsidiaire, elle fait valoir sa bonne foi.

L’ONEm a introduit une demande reconventionnelle relative aux montants à récupérer.

La décision du tribunal

Le tribunal a statué par jugement du 10 mars 2021, concluant à la réformation partielle de la décision de l’ONEm. L’exclusion a été limitée à certaines périodes (de même que la récupération), la sanction d’exclusion étant confirmée.

Une réouverture des débats a été ordonnée en ce qui concerne le calcul des montants.

L’intéressée a interjeté appel.

Position des parties devant la cour

L’appelante demande d’annuler la décision du 17 juillet 2020 en totalité et de dire celle du 28 octobre 2020 sans objet. Elle réclame le bénéfice des allocations à partir du 1er octobre 2019. Subsidiairement, elle fait valoir une erreur dans le chef de l’ONEm, au sens de l’article 17, alinéa 2, de la Charte de l’assuré social, ce qui entraînerait une prise de cours de la décision du 17 juillet 2020 au 1er août 2020 et supprimerait tout indu. Plus subsidiairement encore, elle sollicite la limitation de la récupération aux cent-cinquante derniers jours, vu sa bonne foi.

L’ONEm se borne quant à lui à demander à la cour de confirmer le jugement et d’accueillir sa demande reconventionnelle pour le montant des allocations indûment perçues.

La décision de la cour

La cour procède à un premier rappel des dispositions réglementaires, étant les articles 44, 45 et 48 de l’arrêté royal, soulignant également que l’activité accessoire doit être distinguée de l’activité occasionnelle du chômeur. C’est cette question qui va, d’ailleurs, être au centre de son examen.

Pour ce qui est de la distinction entre les deux, elle rappelle que l’activité occasionnelle n’est pas définie par la réglementation mais qu’elle doit être considérée comme une modalité d’application des articles 44 et 45 de l’arrêté royal. Elle renvoie à la doctrine de M. SIMON (M. SIMON, « Privation de travail – activités du chômeur », in Chômage, répertoire pratique de droit belge, Larcier, 2021, pp. 132 et s.). Elle donne les principales distinctions entre les deux types d’activité, l’activité occasionnelle permettant de travailler pendant de courtes périodes sans devoir introduire un nouveau formulaire C1 et sans devoir déclarer celle-ci au préalable (non plus a fortiori demander l’autorisation de l’exercer). Celle-ci n’a pas vocation à être exercée de manière régulière et durable. Contrairement à l’activité accessoire, il n’y a pas de restriction temporelle quant à sa nature, ni encore de condition d’exercice préalable de celle-ci : le chômeur a l’obligation de biffer sa carte de contrôle, ne percevant pas d’allocations pour la journée en cause. Si elle est exercée en tant que salariée, elle ne peut dépasser quatre semaines, soit vingt-huit jours (et ce en application combinée des articles 133, § 1er, 1°, de l’arrêté royal organique et de l’article 91 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991), et ne peut être exercée à temps partiel (renvoyant ici à Cass., 20 mai 2019, n° S.17.0004.F).

La cour précise encore que, si cette activité est exercée en qualité d’indépendant, elle doit répondre à certaines règles en termes d’heures de travail et de revenus, étant que ceux-ci (heures et revenus) doivent être inférieurs aux limites de l’article 48, § 3, de l’arrêté royal concernant l’activité accessoire.

Elle rappelle également la position de l’ONEm dans ses informations RIODOC (n° 060805/19 – 3 mai 2022 – accessible sur www.onem.be), celles-ci reprenant les conditions de cette activité, qui se situe dès lors en dehors de l’article 48 de l’arrêté royal du 25 décembre 1991. Ces précisions concernent à la fois le travail occasionnel salarié et le travail occasionnel indépendant.

Il en découle que l’activité de l’intéressée rentre dans cette catégorie, ayant presté quatre jours en qualité de travailleur salarié et quatre jours en qualité de travailleur indépendant pendant une période de plus de six mois. Il s’agit d’une moyenne d’à peine plus d’une prestation par mois. Cette activité n’était pas incompatible avec un autre travail et le montant perçu est peu important (526,90 € HTVA en 2019 et 176 € HTVA en 2020).

Pour ce qui est des éléments lui ayant permis d’aboutir à cette conclusion, la cour retient les fiches de paie pour les prestations en tant que salarié ainsi que les factures pour celles de travailleur indépendant, la déclaration TVA pour les trimestres concernés, le listing clients et les avertissements-extraits de rôle.

La cour souligne encore que les revenus sont à ce point modestes qu’ils répondent en eux-mêmes à la notion d’activité occasionnelle. L’intéressée ayant satisfait à toutes ses obligations (carte de contrôle et non-perception d’allocations de chômage), elle n’a dès lors pas commis d’infraction à la réglementation et est autorisée à conserver le bénéfice des allocations pendant toute la période litigieuse.

La cour annule dès lors la sanction et déboute l’ONEm de sa demande reconventionnelle.

Intérêt de la décision

C’est, bien évidemment, l’instruction du 3 mai 2022 RIODOC n° 060805/19 qui constitue le point d’intérêt majeur de cet arrêt. Elle permet de baliser une question qui n’est pas systématiquement visée par les textes, s’agissant des conditions d’existence et d’exercice de l’activité occasionnelle. L’intérêt de cette instruction est d’en baliser les contours, tant en ce qui concerne l’activité salariée que celle d’indépendant.

Rappelons brièvement que, s’il s’agit d’un travail exercé en qualité d’indépendant, les allocations de chômage ne seront pas perdues pour les jours d’exercice de celle-ci à la condition que la carte de contrôle soit complétée lorsque l’activité est exercée en moyenne une à cinq fois par mois ou qu’elle se serait exercée durant de courtes périodes sporadiquement au cours de l’année (l’ONEm donnant l’exemple d’une semaine quatre fois par an). Une telle activité est admise comme ayant un caractère occasionnel. Par ailleurs, le montant des revenus est celui de l’article 130, § 2, de l’arrêté royal. S’il est supérieur, le maintien des allocations pour les autres jours doit, selon l’ONEm, en principe être refusé.

Enfin, la nature de l’activité permet le maintien des allocations pour les autres jours de la semaine lorsque l’activité occasionnelle n’entraîne pas d’autres activités les autres jours, les exemples étant donnés de la collecte d’objets, de travail administratif, etc., n’étant ainsi pas compatibles avec un autre travail à temps plein.


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