Terralaboris asbl

Le fait de consulter pendant l’exécution du contrat des images de nus est constitutif de faute mais pas nécessairement d’un motif grave

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 8 mai 2007, R.G. 36.178/02

Mis en ligne le jeudi 27 mars 2008


Tribunal du travail de Bruxelles, 8 mai 2007, R.G. 36.178/02

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un jugement du 8 mai 2007, le Tribunal du travail de Bruxelles retient l’existence d’une faute dans le chef d’un informaticien, qui, détaché auprès d’un client de son employeur, a été surpris, consultant des images contraires aux bonnes mœurs. Il rejette cependant le motif grave, faute d’impossibilité de poursuite des relations contractuelles avec l’employeur lui-même. Par ailleurs, le Tribunal statue sur la recevabilité de l’action eu égard à la législation sur l’emploi des langues.

Les faits

Monsieur G. est engagé depuis mai 1999 par la société X, dont le siège social est à Bruxelles mais dont le siège d’exploitation est à Zaventem.

Il preste depuis juillet 2000 pour le compte d’un client de celle-ci en qualité d’informaticien (helpdesk), dans les locaux de cette société cliente, sise en Wallonie.

Le 29 mars 2002, alors qu’il effectuait une opération sur l’ordinateur d’un employé de la société cliente, il est surpris par celui-ci en train de visionner des images de nus, provenant d’un e-mail reçu sur sa messagerie professionnelle.

Les faits sont immédiatement dénoncés et la société cliente signale demander le départ immédiat de Monsieur G. Le jour même il est licencié pour motif grave par son employeur.

La décision du tribunal

A. Sur la recevabilité (emploi des langues en matière judiciaire)

La société avait conclu à l’irrecevabilité de la citation, vu que le siège d’exploitation est sis à Zaventem et que c’est eu égard à celui-ci que le Tribunal de Bruxelles a été saisi. En application de l’article 4, alinéa 2 de la loi du 15 juin 1935 (qui prévoit que doivent être introduites en néerlandais les demandes portées devant le Tribunal du travail de Bruxelles lorsqu’il est saisi en raison d’une compétence territoriale déterminée par un lieu situé dans l’une des communes flamandes, sises en dehors de l’agglomération bruxelloise), elle estimait que la procédure, introduite en français, est irrecevable.

Le Tribunal retient cependant que la compétence du Tribunal doit s’apprécier eu égard à l’endroit où le travailleur exerce son activité et que ce dernier peut porter sa contestation devant le Tribunal du travail de l’un des arrondissements judiciaires dans lequel il exerce celle-ci.

Relevant qu’au moment du licenciement, Monsieur G. prestait en Wallonie, le Tribunal écarte la règle invoquée par la société et, relevant que la compétence territoriale n’a pas été contestée, il déclare la demande recevable.

B. Sur l’existence d’un motif grave

Le Tribunal estime la faute (consultation d’images contraires aux bonnes mœurs sur l’ordinateur d’un employé d’un client de l’employeur) établie. Il relève à cet égard qu’elle est susceptible de porter atteinte à la réputation et à l’honorabilité de l’employeur et qu’en outre, le comportement adopté est contraire au règlement de travail.

Il considère également que la faute porte en l’espèce, non sur une utilisation du matériel à des fins privées, mais sur le contenu des images consultées.

Examinant ensuite si cette faute est d’une gravité telle qu’elle empêche la poursuite des relations contractuelles, le Tribunal relève que, certes, elle a rendu impossible le maintien de Monsieur G. au sein de la société cliente (le responsable ayant demandé son remplacement). Il estime cependant que cette faute n’avait pas de telle conséquence sur les relations entre le travailleur et la société employeur elle-même.

Il se fonde à cet égard sur le caractère temporaire de l’affectation auprès du client et estime que la faute n’était pas d’une gravité telle qu’elle aurait empêché une affectation ultérieure auprès d’un autre client.

Le Tribunal précise également se fonder sur le caractère ponctuel des faits et l’absence d’avertissement préalable à la mesure de licenciement pour motif grave.

Il reconnaît ainsi le droit à l’indemnité compensatoire de préavis.

Intérêt de la décision

Sur la question du motif grave, le jugement est exemplaire : la faute n’est pas assimilable au motif grave, cette dernière notion supposant une faute d’une gravité telle qu’elle ne peut déboucher que sur le constat d’une impossibilité de poursuite des relations contractuelles.

Le Tribunal évite également toute confusion sur ce point dans l’hypothèse d’un détachement du travailleur au sein d’une société cliente : c’est dans les rapports entre la société employeur et le travailleur que doit s’apprécier l’impossibilité de poursuite des relations contractuelles.


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