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Mentions obligatoires sur le certificat médical

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 avril 2022, R.G. 2018/AB/643

Mis en ligne le vendredi 9 décembre 2022


Cour du travail de Bruxelles, 21 avril 2022, R.G. 2018/AB/643

Terra Laboris

Dans un arrêt du 21 avril 2022, la Cour du travail de Bruxelles reprend les exigences de l’article 31 L.C.T., rappelant que l’exigence de l’apposition par le médecin-traitant de son cachet sur le certificat médical n’est pas prévue par la loi, non plus que l’envoi du certificat en original.

Les faits

Un travailleur occupé par une société de gardiennage demande, en cours de contrat, à pouvoir quitter d’urgence son emploi afin de s’occuper de son épouse enceinte, celle-ci ayant besoin d’une assistance imprévue pour raison médicale.

Il est autorisé à ce faire, sa hiérarchie sollicitant cependant la remise d’une attestation du médecin de l’épouse, précisant que la présence de l’intéressé était nécessaire. Le certificat médical en cause est transmis. Des précisions lui sont cependant demandées quant à l’incident en cause l’ayant obligé à quitter dans l’urgence son poste de travail.

Etant lui-même tombé en incapacité de travail, l’intéressé justifie de son absence. Il enverra également un certificat médical de prolongation, celui-ci étant signé mais dépourvu de cachet. Ce certificat précise que l’incapacité est due à une maladie (prolongation) avec sorties autorisées.

L’employeur considère que ce certificat n’est pas lisible et met le travailleur en demeure de lui faire parvenir un certificat « officiel », sous peine de voir la période concernée considérée comme absence injustifiée. Des précisions sont encore demandées, l’employeur doutant de la sincérité du certificat médical.

Le travailleur soumet un nouveau certificat.

L’employeur prend alors contact avec le médecin en cause, faisant état de doutes quant à l’authenticité des documents et lui demandant une confirmation par écrit que ceux-ci émanent bien de lui et qu’ils sont corrects.

Le médecin ne donne pas suite à cette demande.

La société décide alors de licencier le travailleur pour motif grave. Parmi les fautes reprochées, figurent l’envoi d’un certificat médical illisible sans cachet d’un médecin et sans qu’il ne soit précisé sur celui-ci si le travailleur devait rester à domicile ou non, ainsi que l’envoi du même certificat non original sur lequel le cachet du médecin est apparu et où la mention « prolongation » ne serait plus entourée. Est encore reprochée la non-transmission de l’original du certificat médical et du nom du médecin, demande formulée en début d’incident.

Suite au licenciement, le travailleur a introduit une procédure devant le Tribunal du travail francophone de Bruxelles.

Le jugement du tribunal

Par jugement du 18 février 2018, le tribunal a conclu au non-respect du délai de trois jours visé à l’article 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. Il fait également droit à une demande d’indemnité prévue par la C.C.T. n° 109, celle-ci étant fixée à six semaines pour licenciement manifestement déraisonnable, mais non à une demande d’indemnité de protection (congé parental).

La société a interjeté appel.

Position des parties devant la cour

La société appelante sollicite la réformation du jugement, tant sur la condamnation à une indemnité compensatoire de préavis que sur les autres postes, étant l’indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable ainsi que la rémunération de jours fériés postérieurs à la rupture.

Le travailleur demande pour sa part la réformation du jugement en ce qu’il l’a débouté d’une demande d’indemnité de protection sur pied de l’article 15 de la C.C.T. n° 64 (congé parental). Il sollicite que l’indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable soit portée à dix-sept semaines.

L’arrêt de la cour

La cour confirme le jugement en ce qu’il a conclu à la tardiveté du licenciement, constatant que la société avait acquis la connaissance suffisante des faits bien avant le délai de trois jours précédant la rupture.

Elle précise également que les démarches effectuées par l’employeur auprès du médecin étaient illégitimes, un employeur n’ayant pas à s’immiscer dans la relation entre un patient – fût-il également un travailleur – et son médecin. Si elle doutait de l’incapacité de travail de l’intéressé, la société devait procéder à un contrôle médical, ce qu’elle n’a pas fait. La cour souligne encore que les démarches auprès du médecin ne visaient pas acquérir la connaissance d’un fait mais à se procurer une preuve. Le fait lui-même, étant d’avoir « rendu impossible la vérification de l’authenticité des certificats médicaux qui donnent l’impression de ne pas être fiables », était connu de la société depuis bien avant le délai de trois jours.

Elle va par ailleurs faire droit à la demande d’indemnité pour congé parental, rappelant, sur le plan des principes, qu’il ne suffit pas pour écarter la protection de vérifier que le motif qui a déterminé l’employeur à licencier est étranger à celui-ci, mais qu’il faut en outre que ce motif ait été reconnu suffisant par le juge. La cour doit dès lors examiner si les faits invoqués sont établis et s’ils constituent un motif de licenciement suffisant et étranger au congé parental.

Elle passe dès lors en revue les griefs formulés par l’employeur, considérant qu’ils ne sont pour la plupart pas établis (comportement irrespectueux, refus de se présenter à une convocation, etc.). Elle s’attache par ailleurs plus longuement à la question du certificat médical.

Si l’écriture du médecin est de « piètre qualité », celle-ci permettait malgré tout la lecture et était en tout état de cause tout à fait similaire à celle du premier certificat qui avait été adressé. Le fait que le médecin ait omis d’y apposer son cachet ne peut être reproché au patient et la cour souligne que, même en l’absence de cachet, l’auteur du certificat était identifiable par sa signature et par comparaison avec le certificat précédent, qui émanait du même médecin et qui avait été accepté.

Sur le plan des principes, la cour rappelle qu’aucune règle juridique n’impose l’apposition d’un cachet du médecin sur un certificat médical et que les mentions requises par la loi sont l’incapacité de travail, la durée probable de celle-ci et la possibilité pour le travailleur de se déplacer en vue d’un contrôle. Ces données figuraient en l’espèce sur le certificat contesté. En outre, la cour corrige une appréciation de l’employeur, étant que la question des sorties (autorisées ou non) figurait sur le certificat en cause.

Quant à l’envoi d’un autre certificat sur lequel le cachet du médecin était apparu mais qui ne mentionnait pas une « prolongation », elle retient que, si cet envoi était intervenu, c’est à la demande de l’employeur et que l’absence de mention de la « prolongation » est une omission du médecin et est sans aucune conséquence.

Enfin, sur la question de la non-transmission de l’original du certificat, la société ne produit pas le règlement de travail qui imposerait cette formalité, la cour soulignant également que la société connaissait le nom du médecin, puisqu’elle l’a contacté.

Elle va encore confirmer le caractère illégitime des sollicitations du médecin-traitant, celui-ci n’ayant, en conséquence, pas à y répondre. A fortiori, le travailleur ne pouvait-il être tenu responsable des actes ou omissions de son médecin.

La cour rejette dès lors qu’il y ait un motif suffisant de licenciement.

Enfin, elle réforme la condamnation prononcée par le tribunal à une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable, celle-ci ayant été formulée à titre subsidiaire. Vu la réformation du jugement sur la question de l’indemnité spéciale de protection, cette condamnation ne se justifie dès lors plus.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Bruxelles reprend les exigences relatives au certificat médical remis par le travailleur aux fins de justifier de son absence pour raison d’incapacité de travail, obligation examinée dans le cadre de la loi du 3 juillet 1978.

La cour a rappelé les exigences de l’article 31, § 2, alinéa 2, de la loi, étant que, si une convention collective de travail ou le règlement de travail le prescrit ou, à défaut d’une telle prescription, si l’employeur l’y invite, le travailleur produit à ce dernier un certificat médical, qui mentionne l’incapacité de travail ainsi que la durée probable de celle-ci et si, en vue d’un contrôle, le travailleur peut se rendre éventuellement à un autre endroit. Ces mentions figuraient en l’espèce et ont été portées à la connaissance de l’employeur. La cour rappelle que la loi n’impose pas au médecin d’apposer son cachet, dans la mesure où l’identité de l’auteur du certificat est identifiable par sa signature. Par ailleurs, la cour fustige l’intervention de la société auprès du médecin-traitant, soulignant que l’employeur n’a pas à intervenir auprès de ce dernier, comme en l’occurrence aux fins de se procurer une preuve.

La question de la validité d’un certificat médical est régulièrement débattue et quelques principes peuvent être repris.

Dans un arrêt du 17 mars 2020, la Cour du travail de Mons (R.G. 2019/AM/72) a statué sur la question de l’absence d’obligation d’envoyer un certificat médical en original. Elle a considéré à cet égard qu’un employeur en défaut de démontrer que la « procédure maladie » qu’il évoque a été adoptée dans le respect des articles 11 et suivants de la loi du 8 avril 1965 ne peut sanctionner par la perte de son droit au salaire garanti un travailleur qui transmet son certificat par fax et non en original, ce même si ladite procédure a été communiquée avec le règlement de travail et devait être considérée comme s’y substituant quant à la justification de l’incapacité de travail. L’obligation d’effectuer l’envoi du certificat en original déroge au prescrit de l’article 31, § 2, L.C.T., qui ne le requiert nullement et n’est pas imposée par le règlement de travail.

Cette jurisprudence est constante, la Cour du travail de Bruxelles ayant déjà, dans un arrêt du 6 décembre 2004 (R.G. 44.741), considéré qu’il ne ressort pas de l’article 31 L.C.T. que le travailleur doit remettre l’original de son certificat médical. La preuve de l’incapacité de travail peut être apportée par un fax du certificat original, cette méthode, généralement admise étant plus rapide que la poste et constituant, en outre, une technique de reproduction contenant une présomption d’authenticité relativement importante.


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