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A.M.I. : procédure de convocation à un examen médical

Commentaire de Trib. trav. fr. Bruxelles, 25 mai 2022, R.G. 21/3.316/A

Mis en ligne le vendredi 14 octobre 2022


Tribunal du travail francophone de Bruxelles, 25 mai 2022, R.G. 21/3.316/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 25 mai 2022, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles rappelle l’obligation pour l’organisme assureur de convoquer l’assuré social par voie recommandée à toute convocation du médecin-conseil ou du Conseil médical de l’invalidité – même pour une visio-consultation

Les faits

Deux décisions sont prises par un organisme assureur à l’égard d’une de ses affiliées. La première est de mettre fin à la reconnaissance d’une incapacité de travail (article 134, § 2, de la loi coordonnée), au motif que l’intéressée, en incapacité de travail depuis le 23 mai 2021, convoquée pour un examen médical le 14 juillet, ne s’y est pas présentée et n’a envoyé aucune justification, de même qu’elle n’a pas répondu à des appels téléphoniques de ce même jour. La seconde décision, prise quelques jours plus tard, est qu’elle n’est plus incapable de travailler (article 100 de la loi), au motif qu’elle ne présente plus 66% au moins d’incapacité de travail au sens de cette disposition. L’organisme assureur considère en effet qu’elle est apte à travailler pour des activités légères, sans port de charges lourdes, etc., des exemples étant donnés (des activités de surveillance, le contrôle de chaînes de production, des prestations d’emballage ou de conditionnement d’objets légers).

Un recours est introduit devant le tribunal du travail, la partie demanderesse sollicitant l’annulation de la première décision et le rétablissement dans ses droits ainsi que l’annulation de la seconde et la reconnaissance de la poursuite de l’incapacité de travail. L’organisme assureur en demande la confirmation.

Le jugement du tribunal

Le tribunal examine la situation de la demanderesse, reconnue en incapacité pour cervico-brachialgies, dorso-lombalgies, etc., ainsi que son passé professionnel. Elle a travaillé, après avoir fait des études jusqu’à l’âge de seize ans, dans divers secteurs (distribution de colis par le passé, nettoyage à mi-temps) et a émargé au chômage depuis 2016.

Sur le plan des faits, le tribunal retient que l’intéressée a contacté son organisme assureur suite au décès de son mari, afin de se rendre à l’étranger (demande d’un formulaire 411) et qu’à l’occasion, elle aurait appris qu’elle était convoquée pour un examen médical le jour même et s’y serait d’ailleurs rendue. Après, elle aurait reçu un courrier la convoquant à un autre examen et l’organisme assureur lui aurait fait savoir par téléphone que celui-ci était fixé anticipativement.

Le tribunal examine, en conséquence, les obligations du titulaire en incapacité de travail en cas de convocation. L’article 134, § 2, de la loi coordonnée prévoit la suppression des indemnités s’il n’est pas satisfait aux obligations de contrôle (imposées par toute personne compétente en vertu de la loi) et l’article 15 du Règlement du 16 avril 1997 portant exécution de l’article 20, § 1er, 5°, de la loi coordonnée, donne des indications précises quant aux obligations du titulaire. Celui-ci est tenu de répondre à toute convocation à un examen de contrôle émanant du médecin-conseil de l’organisme assureur (ou encore du Service d’évaluation et de contrôles médicaux du C.M.I.). S’il ne peut se déplacer, il est tenu de signaler immédiatement cette impossibilité et de se tenir à disposition à l’adresse.

L’organisation du contrôle de l’incapacité de travail est de la compétence du Comité de gestion du Service d’indemnités. Le tribunal retient qu’une Circulaire n° 2015/228 de l’I.N.A.M.I. fixe des dispositions précises en cas d’absence au contrôle médical sans justification valable durant un délai de soixante jours calendrier ainsi que sur les conséquences en ce qui concerne l’incapacité de travail. Il est ainsi prévu que le médecin-conseil ou le Conseil médical de l’invalidité peut mettre fin à la reconnaissance de l’incapacité de travail à deux conditions.

La première est que l’assuré ne s’est pas présenté ou qu’il a refusé de se soumettre sans justification valable à l’examen médical, ce qui déclenche en effet l’application de l’article 134, § 2, de la loi coordonnée (ou de l’article 24 de l’arrêté royal du 20 juillet 1971) pour autant qu’il ait été convoqué par voie recommandée. Il y aura suppression des indemnités d’incapacité de travail.

En outre, cette absence (ou ce refus) doit perdurer sans justification valable durant soixante jours calendrier à compter de la date de l’examen prévu. La Circulaire précise que, dès que l’assuré prend contact avec l’instance qui a appliqué cette disposition et qu’il est disposé à se soumettre à l’examen médical, le délai de soixante jours s’arrête.

Un exemple est donné, étant que, si quelqu’un est convoqué par voie recommandée pour un examen le 16 juin 2015 à 9 heures et qu’il ne s’y présente pas, sans justification valable, la sanction de l’article 134, § 2, lui est appliquée, étant que ses indemnités d’incapacité de travail sont supprimées à partir de cette date – celui-ci restant cependant reconnu en incapacité de travail. Le délai de soixante jours calendrier commence à courir le même jour. Si cette absence perdure sans justification valable pendant soixante jours calendrier, une décision de fin d’incapacité de travail pourra être prise.

Le tribunal examine, à la lumière de cette procédure, les éléments de la cause. Il constate que le rendez-vous était – et bien que les mesures sanitaires aient été levées – une visio-consultation et que c’est par SMS que l’organisme assureur soutient avoir convoqué l’intéressée. Si un relevé de SMS est déposé, le message en lui-même ne l’est pas et son contenu ne peut être vérifié. En outre, l’heure du rendez-vous n’est pas précisée. C’est par le dépôt d’un autre relevé que l’organisme assureur tend à faire admettre l’existence de trois appels sur le GSM de la demanderesse le jour de l’examen. Ces éléments restent flous, l’heure des appels, l’existence d’un message vocal ou encore un rappel n’étant pas établis. Ceci ne peut établir la réalité non plus que le contenu de la convocation et, en conséquence, ne peut fonder une sanction.

Le tribunal retient en outre que l’intéressée n’a pas été convoquée par voie recommandée à la visio-consultation et que, sur la base des termes de la Circulaire ainsi que de l’exemple ci-dessus, la sanction de la suppression des indemnités ne pouvait dès lors lui être appliquée.

L’organisme assureur rétorquant qu’aucune disposition n’impose la formalité du recommandé, le tribunal conclut cependant que, pour être appliquée, la sanction suppose, aux termes de la Circulaire elle-même, un tel envoi.

La première sanction est dès lors annulée.

En ce qui concerne la seconde, qui porte sur une fin d’incapacité de travail ultérieure, il y a contestation et, la demanderesse déposant un rapport médical, le tribunal retient que celle-ci est sérieuse et ordonne une expertise.

Intérêt de la décision

C’est certes par le rappel de la procédure administrative que ce jugement est intéressant.

La Circulaire de l’I.N.A.M.I. précise concrètement le déroulement de la procédure de convocation et les conséquences de l’absence de justification de l’assuré social quant à une non-présentation à l’examen médical ou à un refus de s’y soumettre.

En l’espèce, il est conclu par le tribunal que l’obligation de convoquer par voie recommandée s’applique – bien sûr – également à une visio-consultation et que, à défaut pour l’organisme assureur d’avoir procédé de la sorte, il ne peut sanctionner l’assuré social.

L’on peut également rappeler que, dans un jugement du 3 décembre 2021 (Trib. trav. Hainaut div. La Louvière, 3 décembre 2021, R.G. 16/558/A), le Tribunal du travail du Hainaut (division La Louvière) a rappelé cette procédure, qui peut aboutir à la suppression des indemnités. Il a ainsi considéré que l’article 15 du règlement des indemnités du 16 avril 1997 instaure à charge de l’assuré social reconnu en incapacité de travail l’obligation de répondre à toute convocation du médecin-conseil. Si l’assuré ne se présente pas (ou refuse de se soumettre) sans justification valable à l’examen médical auquel il a été convoqué, cette situation déclenche l’application de l’article 134, § 2, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, qui conduit à la possibilité pour le médecin-conseil de décider de mettre fin à la reconnaissance de l’incapacité de travail. Le seul fait de justifier son absence à la convocation du médecin-conseil ne suffit pas pour considérer que le bénéficiaire répond aux obligations de contrôle. Il faut, en outre, que la justification ne repose pas sur de faux motifs et qu’elle ait été de nature à empêcher réellement celui-ci de se rendre à cette convocation. Un certificat de complaisance dont le contenu n’est pas le reflet de la situation médicale de l’assuré social ne peut, évidemment, pas justifier valablement son absence à ladite convocation.


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