Terralaboris asbl

Commission paritaire 218 : classification – cas d’espèce

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 26 juillet 2007, R.G. 5.258/05

Mis en ligne le jeudi 27 mars 2008


Tribunal du travail de Bruxelles, 26 juillet 2007, R.G. n° 5.258/05

TERRA LABORIS ASBL – Pascal Hubain

Dans un jugement du 26 juillet 2007, le tribunal du travail de Bruxelles eut à examiner les critères de la classification professionnelle dans la commission paritaire 218. il a en outre rappelé, en droit judiciaire, ce qu’il y a lieu d’entendre par « répliques ».

Les faits

Une employée d’une agence de douane a assigné son ex-employeur en arriérés de rémunération, étant une régularisation salariale sur la base des barèmes applicables dans la 2e catégorie des conventions collectives conclues au sein de la commission paritaire 218.

L’employeur considérait, quant à lui, que l’intéressée, qui avait été rémunérée en 1re catégorie pendant toute la durée du contrat, devait être déboutée de sa demande.

La position du tribunal

Le tribunal fut d’abord amené à régler une discussion entre les parties, relative à la mise en état de la cause, et ce dans le cadre d’une ordonnance rendue sur la base de l’article 747 § 2 du Code judiciaire.

Il constata que les délais fixés par l’ordonnance avaient été respectés par les parties mais qu’avait surgi une contestation à propos de secondes conclusions additionnelles prises par la société, conclusions qui ne faisaient pas suite à des conclusions additionnelles de l’employée (qui n’avait plus conclu à ce stade), mais constituaient en réalité des conclusions nouvelles consécutives à ses propres conclusions additionnelles. La partie demanderesse considérait que la défenderesse avait agi de manière déloyale, en soulevant dans ses dernières conclusions un nouvel argument de droit auquel elle n’aurait pu répondre, vu le calendrier fixé.

Il y avait dès lors lieu, pour le tribunal, de trancher si les dernières conclusions devaient être retenues ou non.

Le tribunal constata que le Code judiciaire ne réglemente pas le contenu des conclusions (sauf les modifications introduites par la loi du 26 avril 2007, mais qui ne concernaient pas le cas d’espèce). Le tribunal ne suivit pas la partie demanderesse, qui estimait que des termes « réponse » et « réplique » utilisés par l’article 747 § 1er du Code judiciaire, il faudrait déduire que les conclusions ne pourraient avoir d’autre objet que de répondre aux moyens et arguments soulevés précédemment par l’autre partie – à l’exception notable des premières conclusions de la partie défenderesse.

En outre, le droit de conclure additionnellement n’est pas, dans l’économie générale du Code judiciaire, limité à une réponse ou une réplique à ce qui a été développé en conclusions par l’autre partie. Le droit de conclure dans les délais imposés par l’ordonnance de mise en état participe de l’exercice des droits de la défense et – plus largement – du principe du contradictoire. Il ne peut être bridé par une interprétation restrictive qui ne trouve pas de justification dans le texte du Code judiciaire.

Il faut cependant, pour le tribunal, concilier le droit d’une partie de conclure avec les droits de défense de l’autre partie et le juge doit contrôler cet équilibre et garantir le respect du droit à un procès équitable pour chacun. Il rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 14 mars 2002, RW 2002-2003, p. 138) selon laquelle, même déposées dans le respect du calendrier fixé sur la base de l’article 747 § 2 du Code judiciaire, des conclusions additionnelles peuvent être écartées des débats si elles contiennent des moyens nouveaux auxquels l’autre partie ne peut plus répondre. Il s’agit d’une question de loyauté des débats et celle-ci peut être sanctionnée par le juge s’il y a attitude procédurale déloyale. Cette sanction consiste en l’écartement. En l’espèce, le tribunal conclura qu’un nouvel échange de conclusions était encore possible, vu l’accord marqué à cette fin par la société et que la demanderesse n’avait pas saisi cette possibilité. En conséquence, le tribunal n’écarte pas les conclusions, mais – après avoir tranché la question de fond comme vu ci-après – ordonne une réouverture des débats afin qu’il soit répondu au dernier argument de la société.

Sur le fond, le jugement rappelle les critères définissant la 1re catégorie de la classification professionnelle, étant l’exercice de fonctions caractérisées par l’assimilation de connaissances correspondant au programme de l’enseignement primaire et suffisantes pour exercer les fonctions du niveau le moins élevé parmi celles reconnues par la loi ou la jurisprudence comme étant d’ordre intellectuel, ainsi que l’exécution correcte d’un travail simple d’ordre secondaire. La caractéristique des fonctions reprises sous cette catégorie est qu’il ne s’agit pas de fonctions faisant appel à l’initiative personnelle mais devant être exercées conformément à des règles fixées préalablement (huissier, employé au courrier affecté à l’ouverture des plis, à un tri élémentaire, à la mise sous pli, employé aux machines à photocopier, employé aux écritures exécutant en ordre principal des travaux simples d’écriture, de chiffrage, d’enregistrement et de relevé, établissement d’états ou autres travaux élémentaires du même niveau mais sans aucune interprétation des données, employé chargé du classement de documents, etc.).

Par contre, ressortissent de la 2e catégorie, les employés dont la fonction est caractérisée par l’assimilation (soit par l’enseignement, soit par la pratique) de connaissances équivalant à celles supposées acquises après les trois premières années du degré moyen, ainsi que l’exécution correcte de travaux simples, peu diversifiés et dont la responsabilité est limitée par un contrôle direct et - enfin - un temps limité d’assimilation permettant d’acquérir de la dextérité dans un travail déterminé. Les exemples donnés par la convention collective, pour ces fonctions, sont celles, notamment, d’archiviste-classeur devant faire preuve de jugement et de discernement, d’employé chargé de travaux simples de rédaction, de calcul, d’enregistrement de relevés, d’établissement d’états ou autres travaux secondaires d’un même niveau comportant l’exercice d’un certain jugement et effectués sous contrôle direct, d’employé aux salaires (sous contrôle), d’employé de comptabilité chargé d’enregistrer des éléments comptables mais sans détermination d’imputation, d’employé facturiste chargé d’établir des factures courantes et des statistiques, d’employé établissant des documents d’expédition mais sans recherche des droits fiscaux ou de douane applicables, etc.

Le tribunal retient que la notion d’études accomplies n’intervient que de manière limitée, étant un élément d’appréciation au début de la carrière et en l’absence d’autres facteurs. En outre, le fait pour l’intéressé de posséder les capacités requises pour exercer une fonction supérieure ne peut suffire pour qu’il soit rangé dans celle-ci. Encore faut-il que cette fonction soit effectivement exercée.

En l’espèce, s’agissant d’une agence en douane qui comptait deux associés et deux employés, il faut ranger dans la 2e catégorie les fonctions exercées, à savoir le fait de :

  • compléter des formulaires sur la base d’un dossier ou de documents à demander aux clients ;
  • intervenir auprès des différentes administrations pour introduire les dossiers ;
  • adresser le dossier complété par un fonctionnaire auprès d’un autre fonctionnaire pour la formalité suivante ;
  • adresser le courrier aux services des douanes ;
  • effectuer différentes courses.

Pour le tribunal, il s’agit de tâches présentant une certaine diversité et non de tâches répétitives. Elles demandent en outre un minimum de compréhension et d’assimilation du métier, nécessaire pour identifier de quel document il s’agit, etc. Ces tâches requièrent en outre une certaine initiative, même sous contrôle direct.

Compte tenu, pour le tribunal, d’un degré – même faible mais non inexistant – de diversité, d’assimilation de connaissances et d’initiative, ces fonctions sont à ranger dans la 2e catégorie.

Le tribunal retient, dès lors, cette classification et renvoie à un examen ultérieur le dernier argument soulevé par la société, relatif à l’illégalité du barème sectoriel.

Intérêt de la décision

L’intérêt est double, puisque le tribunal a tranché deux questions fréquentes, l’une de droit judiciaire, relatif à la mise en état des causes, abordant cette problématique sous l’angle essentiel du principe de la loyauté des débats et de l’exercice des droits de défense, ainsi que pour la question d’interprétation et d’application des catégories professionnelles de la commission paritaire 218. Vu le large champ d’application de cette commission paritaire, les questions soulevées à cet égard sont en effet fréquentes.


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