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Conditions de réduction de la cotisation de solidarité

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 1er février 2022, R.G. 2020/AN/144

Mis en ligne le mardi 16 août 2022


Cour du travail de Liège (division Namur), 1er février 2022, R.G. 2020/AN/144

Terra Laboris

Dans un arrêt du 1er février 2022, la Cour du travail de Liège (division Namur) rappelle le mécanisme gouvernant la débition de la cotisation de solidarité, en cas d’absence de Dimona, rappelant que celle-ci peut être réduite dès lors que l’employeur apporte la preuve que le travailleur était dans une impossibilité matérielle d’effectuer les prestations à temps plein.

Les faits

L’O.N.S.S. a notifié à une société vinicole belge une décision lui réclamant, au titre de cotisation de solidarité pour l’occupation de douze travailleurs, une somme de l’ordre de 33.000 euros. L’O.N.Em et le Contrôle des lois sociales de l’I.N.A.S.T.I. avaient précédemment procédé à un contrôle des travailleurs occupés par cette société et il avait pu être constaté que douze travailleurs roumains travaillaient à l’entretien du vignoble après les vendanges. Aucune déclaration Dimona n’avait été faite.

La société a contesté en justice, demandant au Tribunal du travail de Liège (division Namur) l’annulation de la décision. L’O.N.S.S. a introduit devant la juridiction une demande reconventionnelle en paiement d’un montant atteignant finalement 40.500 euros.

La demande originaire a été jugée non fondée par jugement du 10 septembre 2020, le tribunal accueillant la demande reconventionnelle de l’O.N.S.S.

Appel est interjeté devant la cour.

La décision de la cour

La cour résume la position de la société comme étant fondée sur l’impossibilité matérielle de travail à temps plein des travailleurs concernés, circonstance justifiant selon elle la réduction de la cotisation. La cour note que, pour la société, l’occupation a été de courte durée (dont notamment le jour du contrôle), les pièces déposées (plannings des vendanges, attestations des travailleurs, données de géolocalisation, etc.) démontrant selon elle les explications données. Elle demande, en conséquence, la réduction de la cotisation à un montant de l’ordre de 2.170 euros.

La cour reprend également la position de l’O.N.S.S., qui rappelle que, dans le secteur d’activité du travail saisonnier, les déclarations Dimona doivent être effectuées journellement. L’Office conteste par ailleurs l’impossibilité de travailler à temps plein, mais admet qu’il s’agit d’un travail limité dans le temps.

Sur le fondement de l’appel, la cour du travail renvoie à l’article 22quater de la loi du 27 juin 1969, qui permet à l’O.N.S.S., lorsqu’il est constaté que l’employeur a omis d’effectuer la déclaration immédiate de l’emploi, de procéder à une rectification, le montant de la cotisation de solidarité due étant calculé sur une base forfaitaire égale au triple des cotisations de base sur le revenu minimum mensuel moyen garanti, le montant minimum ne pouvant être inférieur à 2.500 euros (montant indexé). Le texte permet cependant à l’employeur qui peut invoquer une impossibilité matérielle d’effectuer des prestations à temps plein de bénéficier d’une réduction à due proportion, à la condition cependant de fournir tous les éléments permettant d’établir la réalité de sa thèse.

La cour reprend ensuite la jurisprudence de la Cour constitutionnelle (C. const., 1er mars 2012, n° 28/2012) ainsi que de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, div. Liège, 31 octobre 2016, R.G. 2015/AL/72 et C. trav. Liège, div. Liège, 9 mai 2016, R.G. 2015/AL/290) sur la nature de la cotisation. Celle-ci n’a pas une fonction répressive mais est destinée à réparer un dommage, qui est évalué forfaitairement.

L’employeur qui veut bénéficier de la réduction doit établir les prestations à temps partiel, la cour précisant cependant que ceci ne trouve pas à s’appliquer si les prestations n’ont eu lieu qu’une partie de trimestre. En effet, la cotisation se rapporte à la période de prestations qui découle du contrôle dont l’O.N.S.S. a été informé et non à un trimestre entier ou à un forfait trimestriel. Les montants n’ont dès lors pas à être réduits à raison de la durée de ces prestations comparée à celle d’un trimestre.

La cour renvoie aux travaux préparatoires de la loi, tout en soulignant qu’ils sont « tout sauf clairs » sur la possibilité d’une telle réduction à raison de la durée de ces prestations, mais que le texte l’est sur la question.

En l’espèce, l’absence de Dimona n’étant pas contestée, la cour conclut qu’est non fondée dans son principe la position de la société selon laquelle la réduction du forfait de 2.500 euros intervient en proportion de la durée des prestations par rapport à celle d’un trimestre.

La cour va conclure au non-fondement de l’appel, après avoir encore constaté que la cotisation est établie sur la base du minimum forfaitaire, que les cotisations déclarées en ont été déduites et que le temps partiel n’est pas établi, et ce sans qu’il soit nécessaire que la preuve soit apportée d’une période inférieure à un trimestre.

Intérêt de la décision

La cour a procédé au rappel de la nature de la cotisation de solidarité telle qu’elle a été reprise dans l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 1er mars 2012 (n° 28/2012). La Cour devait vérifier si le principe non bis in idem pouvait s’appliquer à la mesure en cause. Elle a dès lors entrepris de vérifier si la cotisation était une mesure à caractère pénal ou à caractère civil.

Retenant que la cotisation est déterminée selon un mode de calcul qui tend à compenser forfaitairement les cotisations de sécurité sociale, de même que les frais administratifs liés au constat de l’infraction de non-paiement de celles-ci pour des prestations de travail non déclarées auprès de l’O.N.S.S., elle a conclu que celle-ci n’a pas une fonction répressive, s’expliquant par le souci du législateur de réparer un dommage évalué forfaitairement.

La Cour a également rappelé les mesures prises en ce qui concerne le calcul de cette cotisation de solidarité. La base de calcul est le revenu minimum mensuel moyen garanti et elle ne peut être inférieure à 2.500 euros. Ce montant peut cependant être diminué à concurrence des cotisations dues pour les prestations effectivement déclarées pour le travailleur. En outre, si l’employeur déclare le travailleur pour une période correspondant à l’entièreté du trimestre avec une rémunération faisant que les cotisations dues seront supérieures au montant de la cotisation de solidarité, celle-ci n’est pas due. Sera cependant applicable la sanction prévue à l’article 1erbis, § 1er, 5°, C), de la loi du 30 juin 1971 (amende de 1.875 euros à 6.250 euros).

Par ailleurs, si l’employeur apporte la preuve que le travailleur se trouvait dans l’impossibilité matérielle d’effectuer des prestations de travail à temps plein, le montant de la cotisation sera réduit à due proportion.


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