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Fonction publique : échelle de traitement applicable au personnel contractuel chargé de la surveillance des bâtiments judiciaires

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Liège), 18 octobre 2021, R.G. 20/1.091/A

Mis en ligne le vendredi 13 mai 2022


Tribunal du travail de Liège (division Liège), 18 octobre 2021, R.G. 20/1.091/A

Terra Laboris

Par jugement du 18 octobre 2021, le Tribunal du travail de Liège (division Liège), constatant l’absence de définition des fonctions fixées à l’arrêté royal du 25 octobre 2013 relatif à la carrière pécuniaire des membres du personnel de la fonction publique fédérale, condamne l’Etat belge à respecter, pour le personnel de surveillance des bâtiments judiciaires, l’échelle de traitement relative aux agents de sécurité.

Les faits

Une vingtaine de membres du personnel de l’Etat belge, affectés à la surveillance de bâtiments judiciaires, a introduit une action contre l’autorité employeur en paiement de rémunérations. Ils ont un statut de contractuels, prestant en qualité de « collaborateurs surveillance et gestion ».

L’objet de leur demande porte sur l’application d’une échelle barémique distincte de celle que l’Etat belge a adoptée. C’est dès lors une différence de traitement qui est demandée, pour les cinq années précédant la citation introductive d’instance. Ils demandent également le paiement de prestations nocturnes, renvoyant ici aux barèmes fixés pour les membres du personnel des services extérieurs de la Direction générale des établissements pénitentiaires par un arrêté ministériel du 24 septembre 1998. La période visée est également celle couvrant les cinq années précédant une mise en demeure, adressée, selon les dossiers, à des dates distinctes.

Ces agents contractuels avaient demandé, en effet, par la voie de leur conseil, la communication des dossiers administratifs préalables à l’adoption de plusieurs arrêtés ministériels (dont celui du 24 septembre 1998 ci-dessus) afin de vérifier l’existence de motifs qui justifieraient une différence de traitement, pour ce qui est des prestations nocturnes, entre eux et les membres des services extérieurs. La réponse donnée par la Direction générale de l’ordre judiciaire est qu’il existe effectivement une différence pour les prestations nocturnes par rapport au montant prévu pour les fonctionnaires extérieurs de la Direction générale. Cette réponse contenait par ailleurs un refus de faire droit à la demande.

Une procédure a dès lors été introduite, dans laquelle les demandeurs sollicitent également une régularisation de leur traitement (demande d’application de l’échelle NDT2 et non de l’échelle NDA1).

La décision du tribunal

Le tribunal examine en premier lieu la réclamation en ce qu’elle porte sur l’application d’une échelle barémique différente.

Les échelles à examiner sont prévues dans un arrêté royal du 27 octobre 2013. Celui-ci s’applique aux membres du personnel de la fonction publique fédérale (hors personnel scientifique des établissements scientifiques et mandataires). La définition de la « fonction publique fédérale » y est donnée, étant qu’il s’agit de l’ensemble des services fédéraux. Par « service fédéral », il faut entendre notamment un service public fédéral, ce qui est le cas du SPF Justice.

Les demandeurs fondent leur demande sur la circonstance qu’ils exercent une mission de sécurité et doivent dès lors se voir appliquer l’échelle dont le bénéfice est réclamé. L’arrêté royal fait en effet la distinction entre le grade de « collaborateur administratif » et celui de « collaborateur de sécurité ». Le contrat de travail ne vise ni un terme ni l’autre, la référence étant faite à des « collaborateurs surveillance et gestion ». En dépit de cette appellation, c’est le grade des collaborateurs administratifs qui a été appliqué.

Le tribunal note que, pour l’Etat belge, l’arrêté royal du 25 octobre 2013 (dont l’application est en cause) est relatif à la carrière pécuniaire des membres du personnel de la fonction publique fédérale et que le statut pécuniaire applicable aux demandeurs est régi par un autre arrêté royal, étant celui du 10 novembre 2006 portant statut, carrière et statut pécuniaire du personnel judiciaire, et ce au motif que les intéressés n’exercent pas une fonction identique à une fonction de sécurité (transfert des détenus et surveillance de ceux-ci dans les palais de justice, agents de sécurité dépendant précédemment du SPF Justice et, actuellement, du SPF Intérieur).

Le tribunal constate que l’arrêté royal ne contient pas de définition des fonctions et recherche dès lors le contenu de celles attribuées aux demandeurs. Il s’agit de la surveillance du palais de justice, de rondes (à l’intérieur et à l’extérieur), de la vérification du fonctionnement de l’installation de sécurité (caméras), d’intervention en cas de situation d’alarme et de l’ouverture et de la fermeture des bâtiments. Le contrat prévoit qu’il peut cependant être fait appel à eux afin de maîtriser une situation conflictuelle mais sans utiliser de contraintes physiques.

Pour ce qui est de leurs interventions en cas de nécessité de maîtriser une situation conflictuelle, le tribunal retient qu’il doit s’agir des incidents d’audience ou de conflits dans le palais, rappelant qu’existe dans chaque salle d’audience un bouton d’alarme qui peut être actionné.

De même, ils peuvent être amenés à intervenir dans le parking, sur les rampes d’accès ou à l’extérieur immédiat du palais, où divers incidents peuvent se produire (personnes agressives).

S’ils ne s’occupent dès lors pas des transferts des détenus, les demandeurs exercent bel et bien, à l’estime du tribunal, une fonction de sécurité et l’échelle de traitement qui leur est appliquée, étant celle de collaborateurs administratifs, est inadéquate.

Une réouverture des débats est prononcée, afin de permettre à l’Etat belge, qui se voit d’ores et déjà condamné à payer la différence de traitement, d’effectuer les calculs pour chacun des intéressés.

Dans leur demande, figure également un volet pour prestations nocturnes, se fondant celui-ci sur un autre arrêté royal, qui est celui du 24 septembre 1998 ci-dessus. Un supplément leur est alloué, de 1 euro, porté à 2, 5, voire 3 euros par heure. L’allocation a cependant été restreinte à une partie du personnel par un arrêté royal du 11 février 2013 (les demandeurs étant exclus désormais de cet octroi). N’a plus été allouée qu’une allocation pour prestations en dehors des heures ordinaires de travail, situation qu’ils considèrent comme discriminatoire.

Le tribunal constate que, sur cette question, une concertation est cependant en cours, un protocole d’accord ayant été signé en mars 2019 et étant actuellement à l’examen au sein du SPF. Les négociations se poursuivant, le tribunal sursoit à statuer sur ce chef de demande, privilégiant une issue claire de ces discussions.

D’ores et déjà, l’instruction de la cause doit cependant se poursuivre sur le premier poste, la réouverture des débats ordonnée étant fixée au 21 février 2022.

Intérêt de la décision

L’arrêté royal du 25 octobre 2013 relatif à la carrière pécuniaire des membres du personnel de la fonction publique fédérale vise, dans son champ d’application, tous les membres du personnel de la fonction publique fédérale (hors personnel scientifique des établissements scientifiques et mandataires). Sont expressément couverts les membres du personnel contractuel, à savoir tout membre du personnel engagé au sein d’un service fédéral par un contrat de travail. L’arrêté royal contient, dans le grand détail, les échelles applicables à divers grades dans chaque type de fonction (collaborateur, assistant, expert), outre les échelles de traitement relatives aux classes (réparties entre A1 et A5).

A l’intérieur de chaque titre ainsi désigné, diverses échelles sont prévues. Ainsi, dans le cas d’espèce tranché par le tribunal du travail, pour ce qui est du collaborateur, sont identifiées des fonctions de collaborateur administratif, pénitentiaire, judiciaire, financier, technique, de sécurité, opérationnel, restaurant/nettoyage, ou encore celles de brigadier opérationnel.

Ainsi que l’a relevé le tribunal – ce qui n’est pas contesté par l’Etat belge dans cette affaire –, les fonctions ne sont pas autrement définies. Cette carence est pour le moins malheureuse, puisqu’il incombe en conséquence à la juridiction de rechercher, via les fonctions telles que reprises dans le contrat de travail et celles effectivement exercées, l’application du grade correspondant. C’est donc sur la base d’un critère de réalité (exécution du contrat) et de fidélité de cette exécution aux clauses contractuelles que le tribunal a pu fixer le droit à la rémunération légalement due.

Les mêmes difficultés se retrouvent pour ce qui est de la définition des assistants et des experts. Les litiges éventuels concernant l’application d’un grade ne correspondant pas aux fonctions réelles y sont cependant moindres que dans l’hypothèse des collaborateurs.


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