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Chômage : conditions d’exercice d’une activité occasionnelle compatible avec le statut de chômeur indemnisé

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 15 octobre 2021, R.G. 2021/AL/107

Mis en ligne le vendredi 8 avril 2022


Cour du travail de Liège (division Liège), 15 octobre 2021, R.G. 2021/AL/107

Terra Laboris

Dans un arrêt du 15 octobre 2021, la Cour du travail de Liège (division Liège), faisant la distinction entre l’activité accessoire et l’activité occasionnelle exercée par un chômeur indemnisé, reprend les obligations de celui-ci en cas d’activité occasionnelle, étant qu’il est tenu d’en mentionner l’exercice à l’encre indélébile sur sa carte de contrôle le jour même : il s’agit de la seule formalité à sa charge.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage (depuis mars 2017) s’inscrit comme indépendant à titre complémentaire en mai 2019. Il exerce l’activité de photographe de presse.

Il est entendu par l’ONEm, à qui il expose qu’il est correspondant sportif pour un journal de la presse écrite et qu’il avait exercé cette profession avant sa mise au chômage et qu’il ignorait l’obligation de déclaration. Celle-ci a alors été mentionnée sur de nouveaux formulaires C1 et C1A au titre d’activité accessoire.

Il est exclu par une décision lui faisant grief de ne pas avoir déclaré son activité depuis le départ, celle-ci étant un travail au sens de l’article 45 de l’arrêté royal. Quant à l’ignorance dans laquelle l’intéressé aurait été, l’ONEm lui oppose qu’il était tenu de s’informer lui-même.

Une deuxième décision intervient, lui supprimant les allocations au motif qu’il n’avait pas exercé cette activité durant une période pendant laquelle il était occupé comme travailleur salarié, et ce durant au moins les trois mois précédant la demande d’allocations. Lui est également reproché de ne pas avoir fait la demande dans les délais réglementaires.

Suite au recours introduit, le Tribunal du travail de Liège (division Huy) a très partiellement accueilli celui-ci, confirmant les décisions de l’ONEm sur l’exclusion et la récupération. La sanction a cependant été réduite, le tribunal la fixant à un simple avertissement.

Position des parties devant la cour

L’appelant demande à titre principal l’annulation des deux décisions et à titre subsidiaire la limitation de l’exclusion des allocations aux jours prestés.

L’ONEm sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne l’exclusion et la récupération et introduit un appel incident sur la sanction.

L’avis du ministère public

M. l’Avocat général a rendu un avis oral, considérant qu’il convenait de déclarer l’appel fondé.

La décision de la cour

Après le rappel de l’article 48 de l’arrêté royal, la cour aborde la distinction entre l’exercice d’une activité accessoire et celui d’une activité occasionnelle et insiste sur les conditions de cette dernière. Elle est possible sans autre formalité qu’une mention à l’encre indélébile sur la carte de contrôle le jour de la prestation. Pour la cour, ceci se déduit de l’article 71, alinéa 1er, 4°, de l’arrêté royal. Aucune définition de ce type d’activité n’existe dans la réglementation chômage, la cour signalant qu’il faut, pour ce, se tourner vers la doctrine et la jurisprudence, ainsi que les instructions administratives ou réponses de l’ONEm. Elle en donne les contours, étant qu’il doit s’agir d’une activité limitée, dont l’ampleur est nécessairement inférieure à celle d’une activité accessoire. Les deux critères généralement pris en compte pour ce qui est du caractère limité sont le nombre d’heures de travail et le montant des revenus.

La cour se livre à un bref examen de la jurisprudence, renvoyant à la contribution de M. SIMON (M. SIMON, « Privation de travail – Activités du chômeur », R.P.D.B. Chômage, Larcier, 2021, p. 133). Ainsi en va-t-il d’une activité d’infographiste limitée à cinq fois par mois entraînant des revenus de l’ordre de 4.000 euros par an, ou de la vente de bijoux sur un marché à hauteur d’environ vingt-cinq prestations par an, ou encore de la réalisation de deux fresques murales sur une période de deux ans avec un bénéfice de 700 euros, ou enfin d’un travail de testeur de magasins effectué trente-deux jours par an pour un revenu annuel d’environ 1.000 euros.

Renvoyant toujours à la doctrine de M. SIMON, la cour souligne que, lorsque le débat porte sur le caractère occasionnel (dans la thèse du chômeur) ou accessoire (dans celle de l’ONEm), la charge de la preuve repose sur l’ONEm, dans la mesure où, dans le formulaire C1, le chômeur a déclaré qu’il n’exerce pas d’activité accessoire, ce qui entraîne une présomption en ce sens. Cette doctrine souligne qu’en cas de doute, le tribunal devra donner raison au chômeur.

Dès lors que l’activité est exercée mais que la carte de contrôle n’est pas biffée, le bénéficiaire d’allocations est exclu du droit à celles-ci pour les journées de prestation (la cour renvoyant à des décisions des trois cours du travail francophones : C. trav. Liège, div. Liège, 25 juin 2020, R.G. 2019/AL/677 ; C. trav. Mons, 6 juillet 2016, R.G. 2016/AM/33 ; C. trav. Bruxelles, 18 février 2016, R.G. 2014/AB/793).

Le chômeur ayant perçu indûment des allocations vu qu’il n’a pas respecté les obligations figurant à l’article 71, alinéa 1er, 3° ou 4°, ou 71ter, 2°, ou encore 71, alinéa 1er, 5° (si, au moment de la réquisition, il effectue une activité visée à l’article 45), il y a exclusion, celle-ci pouvant être de quatre à vingt-six semaines. La cour rappelle encore le pouvoir du directeur de l’ONEm de commuer la sanction en un avertissement.

En l’espèce, le dossier révèle que l’intéressé preste au maximum trente dimanches par an, s’agissant de suivre les rencontres de football amateur dans une petite région des Ardennes. Il perçoit 25 euros par reportage.

Aucune autre prestation n’étant établie, la cour conclut qu’il s’agit d’une activité occasionnelle, malgré son caractère relativement récurrent et prévisible.

Elle souligne enfin que la circonstance que l’activité ait été effectuée sous un statut officiel d’indépendant ne lui fait pas perdre son caractère occasionnel au sens de la réglementation du chômage.

Les décisions sont dès lors annulées, l’intéressé devant être exclu pour les journées travaillées, conformément à l’article 169, alinéa 3, de l’arrêté royal.

L’avertissement est confirmé.

Intérêt de la décision

L’activité accessoire est encadrée par l’article 48 de l’arrêté royal organique, qui exige le respect de plusieurs conditions pour qu’elle soit autorisée. Ces conditions sont, en gros, que la déclaration doit en être faite lors de la demande d’allocations, que cette activité ait déjà été exercée au moins trois mois précédant la demande (avec exercice effectif) et qu’elle ne s’oppose pas à la disponibilité sur le marché de l’emploi, étant qu’elle doit s’exercer entre dix-huit heures et sept heures du matin principalement, cette limitation ne s’appliquant pas aux samedis et dimanches. Enfin, certains secteurs sont interdits (dont l’Horeca ou ceux dont l’activité normale se situe précisément pendant ces plages horaires). Dès lors que le chômeur n’établit pas se conformer à ces obligations, il n’y a pas activité accessoire mais activité incompatible avec les allocations de chômage.

Un autre type d’activité est cependant admis, comme le confirme cet arrêt de la Cour du travail de Liège, étant une activité de peu d’ampleur, exercée occasionnellement. Les critères qui en ont été mis en évidence par la cour sont que l’ampleur de l’activité doit être inférieure à celle d’une activité accessoire, et ce eu égard au nombre d’heures de travail et au montant des revenus perçus. Si cette règle reste floue en tant que telle, des exemples ont été donnés par l’arrêt (exemples repris ci-dessus).

Comme souligné par la cour, la seule formalité à respecter dans le cadre de la réglementation chômage est de biffer la carte de contrôle le jour où l’activité est prestée. A défaut, il y a lieu de rembourser les allocations perçues, et ce en totalité pour les jours concernés.

Si ce système vient assouplir les exigences mises par l’article 48 pour l’exercice d’une activité accessoire, il faut néanmoins relever que, dans le cadre de celle-ci, les revenus peuvent être cumulés avec le bénéfice des allocations de chômage, dans les limites prévues par l’article 130 de l’arrêté royal, ce qui n’est pas le cas pour l’activité occasionnelle, puisque, du fait de la biffure de la carte de contrôle, le chômeur annonce qu’il renonce à l’allocation de chômage pour le jour concerné.


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