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Accident du travail : recherche de la date de consolidation des lésions et détermination du besoin d’aide de tiers

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 avril 2021, R.G. 2021/AB/3

Mis en ligne le lundi 29 novembre 2021


Cour du travail de Bruxelles, 12 avril 2021, R.G. 2021/AB/3

Terra Laboris

Par arrêt du 12 avril 2021, la Cour du travail de Bruxelles règle les séquelles d’un accident du travail survenu en 1987, la première décision judicaire étant intervenue vingt-quatre ans plus tard, soit en 2011 : la cour du travail conclut que la date de consolidation peut être fixée vingt-trois ans après l’accident, vu la survenance de périodes d’incapacité temporaire totale ou partielle en lien avec celui-ci. Elle rappelle également les règles en matière d’aide de tiers.

Les faits

Un ambulancier fut victime d’un accident du travail en 1987 est tomba aussitôt en incapacité de travail (lombalgies).

Il retomba en incapacité à deux reprises, durant quinze mois et demi en 2004-2005 et plus de quatre ans (2006-2010) ensuite.

Entre-temps, l’assureur Loi avait saisi le Tribunal du travail de Bruxelles par une citation du 23 avril 1997.

Le dossier ne bougea pas jusqu’en 2009 et le tribunal du travail rendit un jugement le 15 novembre 2011, jugement dont l’intéressé interjeta appel.

Après avoir désigné un expert, la cour vide sa saisine dans son arrêt du 12 avril 2021. Entre temps, l’intéressé est décédé en cours de procédure et ses ayants droit sont à la cause.

La décision de la cour

La cour reprend les éléments restés utiles pour trancher le litige, sur la base des éléments du rapport d’expertise, constatant que la très longue période d’inaction des parties a rendu la reconstitution des faits fort difficile.

Elle note cependant que dans l’année qui a suivi l’accident, la victime avait lancé sa propre entreprise et exercé d’autres emplois. Elle avait également eu d’autres accidents et s’était retrouvée en incapacité de travail, notamment pour discopathies, celles-ci étant en lien causal avec l’accident du travail en cause.

Vu les diverses périodes d’incapacité de travail (près de 4 mois après l’accident, ainsi que deux longues périodes, la première survenant dix-sept ans après celui-ci et la dernière encore deux ans plus tard), se pose la question de la fixation de la date de consolidation. La cour en rappelle la définition étant qu’il s’agit du moment où l’existence et le degré d’incapacité de travail prennent un caractère de permanence, c’est-à-dire la date à partir de laquelle les séquelles de l’accident n’évoluent plus ou si faiblement que, selon toute vraisemblance, il n’y a plus d’amélioration ou de détérioration significative à prévoir en ce qui concerne la capacité de la victime sur le marché général du travail.

L’expert ayant retenu plusieurs phases d’aggravation des séquelles de l’accident du 25 juin 1987 à partir de 2004 et une stabilisation le 31 décembre 2010, la cour retient cette date comme étant celle de la consolidation des lésions. Elle précise que la très longue période durant laquelle aucune évolution n’est documentée n’empêche pas de constater au moment où elle statue sur les conséquences de l’accident du travail que les séquelles ont évolué après la fin de la première période d’incapacité, date à laquelle l’expert a proposé de consolider. Elle ne retient pas cette proposition, au motif de la survenance des aggravations ci-dessus.

Elle souligne que le caractère inhabituel - voire anormal - que présente la fixation d’une date de consolidation après une période de stabilité de quinze ans suivie d’une aggravation est la conséquence des choix procéduraux ou des négligences procédurales des parties et qu’il ne se justifie pas qu’elle s’écarte de la notion juridique de consolidation.

Pour ce qui est du taux d’IPP (50%) il est retenu par la cour, s’agissant du taux qui avait été proposé par l’expert. Il en va de même des périodes d’incapacité temporaire, celles-ci étant retenues comme étant en lien de relation causal total ou partiel avec l’accident.

Se pose également la question de l’aide de tiers. La cour en reprend les principes : l’aide prévue à l’article 24 § 4 de la loi sur les accidents du travail consiste en une assistance permettant à la victime d’assumer ses besoins dans la vie quotidienne. Il doit s’agir d’une assistance régulière et non occasionnelle. Pour ce qui concerne les conditions d’évaluation, la loi ne s’oppose pas à ce que dans le respect des deux paramètres admis (le montant de l’allocation étant fonction du degré de nécessité de l’assistance vu l’état de la victime et étant calculé sur le R.M.M.M.G), le juge fixe le montant de l’allocation complémentaire en tenant compte notamment des frais réels ou de la durée de l’assistance nécessaire.

La limitation de l’allocation, qui est plafonnée au montant du R.M.M.M.G. a pour conséquence qu’est fixée une intervention maximale et ce même si elle est insuffisante au vu du besoin d’assistance de la victime. Ceci ne suppose cependant pas que, si le besoin d’assistance n’est pas maximal, la victime n’a droit qu’à une fraction de ce montant (la cour renvoyant à un arrêt de la Cour de cassation du 28 février 1994, n° 9628). Il ne doit dès lors pas être procédé à une réduction proportionnelle du degré de nécessité de l’assistance par rapport à un besoin d’assistance maximal.

En l’espèce, la cour constate que le rapport de l’expert s’est appuyé sur deux grilles (grilles Lucas et Stehman et Balance Elida). Certains résultats sont écartés, étant en général ceux repris comme constituant « des petites difficultés » au motif que le critère légal est que l’assistance doit être indispensable à la victime.

Sur la base des constatations de fait, qui concluent à la capacité pour l’intéressé d’accomplir de manière autonome, même avec une certaine difficulté, presque tous les actes de la vie quotidienne (sauf repassage, nettoyage de l’habitation et courses dans un environnement inconnu), la cour retient que le besoin d’assistance peut être fixé à 3 heures par semaine. Le nombre d’heures est, comme le rappelle la cour, un élément objectif en relation avec les paramètres fixés par la loi.

Sur le montant, l’allocation est fixée conformément au barème déterminé pour un travailleur à temps plein, soit 38 heures par semaine, en vertu de l’article 2 de la loi du 10 août 2001 relative à la conciliation entre l’emploi et la qualité de vie.

Intérêt de la décision

Comme le souligne la cour elle-même, la fixation de la date de consolidation le 31 décembre 2010 alors que l’accident est survenu le 25 juin 1987 peut certes paraître inhabituelle. Elle est cependant le fruit des constatations figurant au dossier, puisque de longues périodes de silence (non documentées) doivent être prises en compte et qu’aucun élément n’est intervenu permettant de renverser la conclusion de l’expert selon laquelle les périodes d’incapacité de travail constatées sont en relation totale ou partielle avec l’accident du travail.

La consolidation étant le moment à partir duquel les séquelles n’ont plus évolué, la cour n’a pu que fixer celle-ci à l’issue de la dernière période d’incapacité retenue comme étant en lien (manifestement) partiel avec l’accident.

L’incapacité permanente partielle de 50% sera dès lors indemnisée à partir de celle-ci jusqu’à la date du décès.

L’on notera également le rappel des principes fait sur l’évaluation du degré de nécessité de l’assistance de tiers, avec l’abondante jurisprudence citée. La cour a écarté dans son appréciation les références à de ‘petites difficultés’, critère qui est relatif à l’évaluation de la perte d’autonomie dans le secteur des prestations (allocation d’intégration) aux personnes handicapées et ne figure pas dans les règles de réparation des séquelles de l’accident du travail.

Notons enfin que la cour a réservé à statuer sur la rémunération de base, dont la détermination requiert de la part de l’assureur-loi la production de toutes les composantes requises.


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