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Notion d’aménagements raisonnables en matière de discrimination liée au handicap

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 18 mars 2021, R.G. 2020/AN/9

Mis en ligne le jeudi 9 septembre 2021


Cour du travail de Liège (division Namur), 18 mars 2021, R.G. 2020/AN/9

Terra Laboris

Dans un arrêt du 18 mars 2021, la Cour du travail de Liège est revenue sur la notion d’aménagements raisonnables en matière de discrimination liée au handicap.

Elle a rappelé qu’il faut entendre par là les mesures appropriées, prises en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d’accéder, de participer et de progresser dans les domaines pour lesquels la loi est d’application, sauf si ces mesures imposent à l’égard de la personne qui doit les adopter une charge disproportionnée. Cette charge n’a pas ce caractère lorsqu’elle est compensée de façon suffisante par des mesures existantes dans le cadre de la politique publique menée concernant les personnes handicapées (article 4, 12°, de la loi). La cour a renvoyé, sur la notion, à l’arrêt RING de la Cour de justice de l’Union européenne, rappelant que l’aménagement peut être diversifié et doit être adapté à la situation concrète de la personne handicapée.

Un Protocole d’accord a été signé entre l’Etat fédéral et les entités fédérées en faveur des personnes en situation de handicap, protocole relatif au concept d’aménagements raisonnables en vertu de la loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination (publication 20 septembre 2007). Il fixe certains critères d’interprétation du concept et propose des indications permettant d’évaluer le caractère raisonnable de l’aménagement. Il s’agit notamment de l’efficacité, de la participation égale et autonome et de la sécurité de la personne handicapée. La cour ajoute qu’il y a lieu de tenir également compte de la Convention des Nations unies sur le droit des personnes handicapées, qui retient également comme critère le respect de la dignité de la personne handicapée dans le choix de l’aménagement.

Parmi les mesures possibles, la réduction du temps de travail peut constituer un aménagement raisonnable (apport important de l’arrêt RING).

La cour souligne que l’abstention de mettre en place des aménagements raisonnables est constitutive par elle-même de discrimination, pour autant qu’elle puisse être qualifiée de refus. Ceci suppose qu’une demande ait été exprimée, celle-ci n’étant cependant soumise à aucune formalité particulière.

Enfin, sur le handicap lui-même, elle rappelle que la notion n’est pas définie en droit interne mais qu’elle l’a été par la Cour de justice : c’est une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité de traitement avec les autres travailleurs.

Il n’est pas requis que la personne se trouve complétement exclue de la vie professionnelle, une gêne à l’exercice d’une activité professionnelle qui fait obstacle à la pleine et égale participation de la personne était suffisante. Il n’y a pas davantage lieu d’ajouter à la définition ci-dessus un critère d’importance de gravité de la limitation envisagée distinctement. Ce critère est intégré dans la définition, en ce qu’elle requiert l’existence d’un obstacle à la pleine et effective participation de la personne à la vie professionnelle sur la base de l’égalité de traitement avec les autres travailleurs.

La cour reprend également l’arrêt DAOUIDI, selon lequel les atteintes et limitations doivent être durables, ce qui doit être apprécié eu égard à l’existence ou non d’une perspective de rétablissement à court terme.

Enfin, la cause des atteintes et limitations visées est indifférente et ont ainsi été reconnus comme handicap un cancer, une épilepsie, la luxation d’un coude suite à un accident du travail, un état d’obésité, du diabète, etc.

Dans l’espèce jugée, pour laquelle le handicap a été reconnu, il s’agit d’une endométriose. Le refus d’aménagements raisonnables étant constaté (temps partiel avec déplacements limités) la cour a conclu à la discrimination sur la base du handicap, rappelant en outre que le refus d’accorder des aménagements raisonnables et le licenciement d’un travailleur constituent deux actes différents. Le refus d’aménagements raisonnables et le licenciement étant cependant intrinsèquement liés, la cour conclut qu’accorder une double indemnité de six mois représenterait une sanction disproportionnée, ce qu’a voulu éviter la Directive en son article 17.


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