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Chômage : qu’entend-on par « études de plein exercice » ?

Mis en ligne le mercredi 25 août 2021


Trib. trav. fr. Bruxelles, 24 novembre 2020, R.G. 16/554/A

Chômage : qu’entend-on par « études de plein exercice » ?

Dans un jugement du 24 novembre 2020, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles examine l’incidence sur le stage d’insertion d’études de bachelier suivies dans le cadre de l’enseignement de promotion sociale.

Les faits

Après ses études, la demanderesse a débuté un stage d’insertion professionnelle auprès d’Actiris. Elle a été inscrite comme demandeur d’emploi pendant un an. Elle a alors sollicité les allocations d’insertion. Dans son document C109, elle a exposé avoir terminé ses études secondaires à la fin de l’année académique 2009-2010 et suivre depuis l’année 2010-2011 un baccalauréat en secrétariat de direction (promotion sociale – cycle de trois ans) auprès de l’Institut supérieur de formation continue d’Etterbeek.

L’ONEm prend alors la décision de ne pas l’admettre au bénéfice des allocations d’insertion, considérant que le programme d’études est un programme de plein exercice. Il motive la décision prise sur pied de l’article 36 de l’arrêté royal organique par le fait que l’intéressée n’a pas mis fin à toutes les activités imposées par le programme d’études, d’apprentissage ou de formation et qu’elle ne peut de ce fait bénéficier des allocations d’insertion.

Via son organisation syndicale, l’intéressée fait valoir qu’elle a terminé son baccalauréat et obtenu le diplôme du niveau d’enseignement supérieur économique de promotion sociale de type court. Elle demande la révision de la décision. La réponse de l’ONEm est qu’un programme de bachelier est considéré comme une reprise d’études de plein exercice et que l’intéressée ne pouvait dès lors pas faire de demande d’allocations d’insertion tant que les études étaient toujours en cours. Les études invalident le stage d’insertion déjà accompli et un nouveau stage doit être refait.

Un nouveau document C109 est introduit, mentionnant comme fin de l’ensemble des études la date à laquelle elle a obtenu son diplôme, sollicitant les allocations d’insertion à partir de celle-ci. L’intéressée demande que les études effectuées (promotion sociale) soient prises en compte et n’invalident pas le stage d’insertion.

Une nouvelle demande de révision a été introduite et a fait l’objet d’une réponse négative, au motif que, selon l’article 36 de l’arrêté royal, la reprise d’un programme d’études, d’apprentissage ou de formation ou de n’importe quel programme d’études de plein exercice fait perdre le bénéfice du stage d’insertion professionnelle déjà accompli. Cette reprise d’études annule donc l’entièreté du stage déjà effectué et empêche de bénéficier des allocations d’insertion.

Un recours est introduit contre cette décision.

La décision du tribunal

Le tribunal reprend in extenso l’article 36, § 1er, alinéa 1er, de l’arrêté royal, qui fixe les conditions permettant d’être admis aux allocations d’insertion.

Il constate que des conditions cumulatives sont posées, étant que le stage d’insertion ne prend cours qu’après la fin des activités imposées notamment par tout programme d’études de plein exercice et que ce stage doit précéder immédiatement la demande d’allocations. Le caractère cumulatif de ces conditions a été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 10 avril 2000 (Cass., 10 avril 2000, n° S.99.0164.F).

La même disposition prévoit en son § 2 les journées qui ne sont pas prises en compte pour l’accomplissement du stage d’insertion professionnelle. Celles-ci connaissent des exceptions, notamment les périodes au cours desquelles le jeune travailleur suit des cours dans le cadre d’études ou d’une formation lorsque certaines conditions sont remplies, conditions également cumulatives. Il s’agit des études ou d’une formation ayant une durée prévue égale ou supérieure à neuf mois et pour lesquelles le nombre d’heures de cours, y compris les éventuels stages, atteint, par cycle, en moyenne et par semaine, au moins vingt et dont dix heures au moins se situent du lundi au vendredi entre huit et dix-huit heures.

Le tribunal note que la notion d’études de plein exercice n’est pas définie dans la réglementation du chômage et qu’elle renvoie par défaut à la réglementation spécifique en matière d’enseignement, où cette notion vise d’abord l’enseignement reconnu comme tel par la Communauté française. Le tribunal renvoie ici à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er décembre 2014 (Cass., 1er décembre 2014, n° S.12.0087.F) à propos de l’article 11, § 2, a), de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale : est un enseignement de plein exercice celui organisé conformément au Décret du 31 mars 2004 pour un étudiant régulier.

L’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur sont cependant dispensés comme enseignement de plein exercice et comme enseignement de promotion sociale. Le fait que les cours soient dispensés en horaire décalé (en soirée et le samedi matin) ne permet pas d’exclure qu’il s’agit d’études de plein exercice au sens de l’article 36, § 1er, alinéa 1er, 3°, de l’arrêté royal (renvoyant ici à un arrêt du 19 janvier 2015 de la Cour de cassation, n° S.13.0108.F).

L’enseignement de plein exercice ne peut cependant se confondre avec l’enseignement de promotion sociale, le tribunal signalant que la Cour du travail de Mons a jugé en ce sens dans un arrêt du 20 novembre 2013 (C. trav. Mons, 20 novembre 2013, R.G. 2012/AM/249).

Cette différence est par ailleurs admise par l’ONEm, qui, sur RioLex, définit la notion d’études de plein exercice comme propre à la réglementation du chômage, étant qu’elle vise les études secondaires et supérieures (université ou haute école de type court ou de type long). Dans l’enseignement secondaire, il s’agit d’un enseignement à temps plein de quarante semaines et de minimum vingt-huit cours de cinquante minutes dispensés à des élèves réguliers. Dans l’enseignement supérieur, est considéré comme chômeur qui suit des études de plein exercice celui qui est inscrit pour un minimum de vingt-sept crédits ou d’un minimum de vingt heures (stage inclus) en moyenne par semaine (si l’enseignement n’est pas encore exprimé en crédits). Est assimilée à des études de plein exercice la préparation d’une thèse de doctorat, pendant laquelle, en principe, le jeune n’est pas indemnisable.

Ne suit cependant pas un enseignement de plein exercice celui qui suit des études de promotion sociale ou un enseignement de seconde chance, ou encore des études dans l’enseignement supérieur pour moins de vingt heures par semaine en moyenne ou moins de vingt-sept crédits par an.

La thèse défendue par l’ONEm en l’espèce ne peut dès lors être suivie, puisque celui-ci plaide qu’il faut entendre par « études de plein exercice » tous les programmes de cours conduisant au grade de bachelier, master ou master complémentaire, quel que soit le nombre de crédits. Pour le tribunal, il n’y a aucun fondement légal à cette position, non plus qu’à l’affirmation selon laquelle des études qui conduisent à un grade de bachelier ou de master et totalisent au moins vingt-sept crédits par an sont des études de plein exercice au sens de la disposition réglementaire visée. Cette position a été confirmée dans un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 19 septembre 2018 (C. trav. Bruxelles, 19 septembre 2018, R.G. 2017/AB/380).

Se pose dès lors en l’espèce la question de savoir si le baccalauréat en secrétariat de direction suivi à partir de septembre 2010 et non encore terminé le 7 octobre 2015 ne constituait pas des activités imposées par un programme d’études visé à l’article 36, § 1er, 2°, ou par tout programme d’études de plein exercice. Examinant les attestations produites par l’Institut supérieur de formation continue d’Etterbeek, le tribunal conclut que ces études ne répondaient pas aux conditions cumulatives de la réglementation.

Les journées correspondantes doivent dès lors entrer en ligne de compte pour l’accomplissement du stage d’insertion professionnelle. Celui-ci a ainsi effectivement comporté les trois-cent-dix journées requises avant la demande d’allocations.

Le tribunal fait en conséquence droit au recours.

Intérêt de la décision

La question de la compatibilité d’études « de plein exercice » avec le bénéfice d’allocations de chômage a été soumise aux juridictions du travail à diverses reprises.

Dans le jugement commenté, le tribunal a relevé que la notion d’études de plein exercice n’était pas définie dans la réglementation du chômage.

Il semble acquis, actuellement, que l’on ne peut entendre par « études de plein exercice » tous les programmes de cours qui conduisent au grade de bachelier, master ou master complémentaire (et ce quel que soit le nombre de crédits). Le commentaire officiel de l’ONEm (RioLex) définit en effet la notion d’études de plein exercice, et ce dans le contexte de la réglementation du chômage.

Le tribunal renvoie en outre notamment à un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 19 septembre 2018 (C. trav. Bruxelles, 19 septembre 2018, R.G. 2017/AB/380 – précédemment commenté), rendu à propos des articles 68 et 93 de l’arrêté royal organique.

Un arrêt précédent rendu par la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, 14 novembre 2011, R.G. 2008/AL/36.029) avait effectué un rappel important des règles et de la problématique induite par la rédaction du texte de l’article 68.

Dans le jugement du 24 novembre 2020 annoté, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles confirme la conclusion selon laquelle les études de promotion sociale sont distinctes de l’enseignement de plein exercice. Elles ne peuvent dès lors faire obstacle à l’accomplissement du stage d’insertion professionnelle.


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