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Rémunération de base de l’indemnité de protection en cas de crédit-temps C.C.T. n° 103

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 11 décembre 2020, R.G. 2019/AL/131

Mis en ligne le vendredi 30 avril 2021


Cour du travail de Liège (division Liège), 11 décembre 2020, R.G. 2019/AL/131

Terra Laboris

La cour du travail a été saisie, notamment, de la détermination du montant de la rémunération de base du calcul de l’indemnité de rupture, une employée ayant été licenciée alors qu’elle était en crédit-temps pour prendre soin de son enfant de moins de huit ans dans le cadre de la C.C.T. n° 103 du C.N.T. instaurant un système de crédit-temps, de diminution de carrière et d’emplois de fin de carrière, du 27 juin 2012, (qui prévoit que le crédit-temps peut être octroyé sans motif ou avec motifs : s’occuper de son enfant de moins de huit ans, s’occuper d’un membre de sa famille gravement malade, assister une personne en soins palliatifs, s’occuper de son enfant handicapé jusqu’à ses vingt-et-un ans, ainsi que d’un enfant mineur gravement malade, ou encore suivre une formation reconnue). Il s’agissait d’une réduction de prestations à concurrence d’un-cinquième du temps de travail.

La cour du travail reprend la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en matière d’interruption de carrière pour soins palliatifs (C. const., 5 décembre 2013, n° 164/2013), qui a conclu, pour la fixation de la rémunération de base de l’indemnité compensatoire de préavis, à la rémunération fictive à temps plein, ainsi que ses arrêts en matière de crédit-temps (dont C. const., 12 juillet 2012, n° 90/2012) et pour toute autre forme d’interruption de carrière (C. const., 7 novembre 2019, n° 172/2019). Cet arrêt du 7 novembre 2019 a retenu la rémunération à temps partiel, la différence de traitement avec le travailleur en congé parental étant raisonnablement justifiée compte tenu de l’existence d’une protection contre le licenciement au bénéfice des travailleurs en crédit-temps.

Dans la jurisprudence de la Cour de cassation, la cour du travail rappelle l’arrêt du 22 juin 2020 (Cass., 22 juin 2020, n° S.19.0031.F). Dans celui-ci la Cour de cassation a retenu, renvoyant à l’arrêt PRAXAIR MRC de la Cour de Justice (C.J.U.E., 8 mai 2019, Aff. n° C-486/18, RE c/ PRAXAIR MRC SAS, EU:C:2019:379), que l’indemnité compensatoire de préavis constitue de la rémunération au sens de l’article 157, § 1er, du Traité, ainsi qu’à l’arrêt LYRECO BELGIUM (C.J.U.E., 27 février 2014, Aff. n° C-588/12, LYRECO BELGIUM NV c/ ROGIERS, EU:C:2014:99), dans lequel la C.J.U.E. a admis que l’indemnité figure parmi les « droits acquis ou en cours d’acquisition » auxquels le travailleur peut prétendre lorsqu’il entame un congé parental.

La cour aborde ensuite les principes de la loi « Genre », rappelant les définitions de la discrimination directe et indirecte ainsi que les règles de preuve. Dans son article 19, §§ 2 et 3, celle-ci énonce à titre non exhaustif des faits permettant de présumer l’existence d’une discrimination indirecte fondée sur le sexe, faits parmi lesquels figurent des statistiques générales concernant la situation du groupe dont la victime de la discrimination fait partie ou des faits de connaissance générale.

La cour renvoie à une étude de l’ONEm (« Spotlight – Congés thématiques et crédit-temps avec motif : répartition selon le genre »), qui démontre que, bien que la part des hommes croît d’année en année, l’augmentation et le nombre de femmes bénéficiant du système de crédit-temps avec motif pour prendre soin d’autrui sont beaucoup plus importants. En 2018, 29 789 bénéficiaires sont des femmes contre seulement 5 501 hommes. La proportion d’hommes par rapport aux femmes est passée de 5,4% en 2007 à 15,6% en 2018. Même si les chiffres précis de la répartition hommes/femmes ayant pris un crédit-temps pour prendre soin de leur enfant de moins de huit ans ne sont pas annexés, la cour considère que l’on peut estimer à 85-90% le nombre de femmes ayant eu recours à un type de crédit-temps pour prendre soin d’autrui pour l’année 2016.

L’employée rapporte dès lors la preuve de faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination indirecte fondée sur le sexe. La société ne renversant pas celle-ci, la cour conclut qu’en application du mécanisme de « levelling up », il convient de retenir que la rémunération de référence doit être le temps plein.


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