Terralaboris asbl

Le juge a-t-il un pouvoir plus étendu que l’administration : peut-il connaître de demandes qui ne font pas l’objet de la décision contestée ?

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 29 janvier 2007, R.G. 11.713/06

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Tribunal du travail de Bruxelles, 29 janvier 2007, R.G. 11.713/2006

TERRA LABORIS ASBL – Sandra CALA

Le tribunal du travail de Bruxelles répond par l’affirmative, ordonnant une expertise médicale en allocation d’intégration alors que la décision prise concernait une décision de révision d’office portant uniquement sur l’allocation de remplacement de revenus.

Les faits de la cause

La décision litigieuse est prise dans le cadre d’une révision d’office supprimant l’octroi de l’allocation de remplacement de revenus, suppression justifiée par le fait que la personne ne présenterait plus une perte de sa capacité de gain de plus des deux tiers.

La personne conteste cette décision et demande à pouvoir bénéficier des deux allocations : allocation de remplacement de revenus et allocation d’intégration.

L’allocation d’intégration, qui n’est pas visée par la décision contestée, lui avait été refusée par une décision antérieure parce que la réduction d’autonomie n’avait pas été fixée à 7 points minimum.

Décision du tribunal

Pour l’examen de l’octroi des allocations, le tribunal a conclu à la nécessité de désigner au préalable un expert.

Pour ce qui concerne l’allocation de remplacement de revenus, il constate que les revenus n’y font pas obstacle et que la personne dépose des éléments médicaux donnant lieu à une contestation médicale avec l’évaluation de la perte de la capacité de gain faite par l’Etat à moins de deux tiers.

Le tribunal relève que les revenus ne font pas non plus obstacle à l’octroi d’une allocation d’intégration. Il existe également une contestation médicale vu que la perte d’autonomie avait été évaluée par l’Etat à 3 points, ce qui est insuffisant pour prétendre à cette allocation d’intégration et que le médecin traitant de la personne retient 9 points, ce qui correspond à une allocation de catégorie 2.

Le tribunal estime que cette contestation n’est pas exclue par le fait que la décision administrative n’a pris position que sur l’allocation de remplacement de revenus.

Il est rappelé à cet égard que :

  • Depuis la modification de l’article 582, 1° du Code judiciaire par la loi du 19 avril 1999, les juridictions du travail connaissent de manière générale « des contestations relatives aux droits en matière d’allocations aux personnes handicapées » et non plus comme précédemment « des recours contre les décisions du Ministre en matière d’allocation au profit des handicapés ». Cela signifie, pour le tribunal, que le pouvoir du juge, comme dans les autres branches de la sécurité sociale, s’étend sur l’ensemble des composantes du droit subjectif tranché par la décision litigieuse et non plus sur le seul objet de cette dernière.
  • Le lien entre l’instruction administrative et l’instruction judiciaire des demandes d’allocations et des révisions est ainsi rompu, le tribunal citant l’arrêt de la Cour de cassation du 8 septembre 2003, qui a considéré sur cette base que : …les juridictions du travail peuvent connaître des demandes, fondées tant sur des faits qui se sont produits après la décision ministérielle que sur des faits que le ministre n’a pas pris en considération lorsqu’il a pris une décision de révision, telle une modification de l’état de santé du handicapé… ».

Le tribunal précise encore que, pour donner son avis sur la réduction d’autonomie, l’expert tiendra compte du guide constitué par l’arrêté ministériel du 30 juillet 1987 qui ne contient pas seulement une évaluation médicale mais comprend une échelle médico-sociale, étant entendu que la part sociale de l’appréciation ne doit pas être négligée. Le tribunal rappelle également que la jurisprudence considère que la cotation doit se faire par référence à une personne entièrement valide, isolée et vivant dans des conditions normales de dignité.

Intérêt de cette décision

Le tribunal du travail de Bruxelles donne ici une illustration de l’enseignement de la Cour de cassation depuis la modification de l’article 582, 1° du Code judiciaire. Dans un premier arrêt du 30 octobre 2000, la Cour suprême avait retenu que le lien entre l’examen administratif et l’examen judicaire des demandes d’allocations est rompu en raison de cette modification, considérant ainsi que le juge peut tenir compte d’une aggravation de l’état de santé survenue postérieurement à la décision.

Dans l’arrêt du 8 septembre 2003, cité par le tribunal, elle développe le principe, en retenant que le juge a le pouvoir de connaître des demandes fondées tant sur des faits survenus après la décision que sur ceux qui n’ont pas été pris en considération dans le cadre d’une décision de révision.

Ainsi, le juge n’est pas limité par ce qui a fait l’objet de l’examen administratif. Disposant du pouvoir de pleine juridiction, il peut connaître de nouvelles demandes qui ne sont pas visées par la décision contestée.

Retenons également les précisions données par le tribunal quant à la méthode d’évaluation de la réduction d’autonomie, puisqu’il demande que l’expert tienne compte de l’arrêté ministériel du 30 juillet 1987 « fixant les catégories et le guide pour l’évaluation du degré d’autonomie en vue de l’examen du droit à l’allocation d’intégration ». Le tribunal rappelle que :

  • Il s’agit d’une évaluation médico-sociale. Le guide précise que ce ne sont pas les lésions elles-mêmes qui sont mesurées mais leurs répercussions sur les fonctions considérées.
  • L’évaluation doit se faire par référence à une personne entièrement valide, isolée et vivant dans des conditions normales de dignité. Le guide précise que l’on doit se référer à une personne moyenne de même catégorie d’âge. Pour procéder à cette évaluation, il est fait abstraction de l’aide apportée par des tiers ou de l’équipement permettant à la personne handicapée de faire face à certaines situations.

Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be