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A.M.I. : décès de l’assuré social et récupération d’indemnités versées indûment

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 mai 2020, R.G. 2018/AB/1.035

Mis en ligne le mardi 13 octobre 2020


Cour du travail de Bruxelles, 7 mai 2020, R.G. 2018/AB/1.035

Terra Laboris

Dans un arrêt du 7 mai 2020, la Cour du travail de Bruxelles a jugé, en application de l’article 326 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996, que la suspension du délai de récupération de deux ans se justifie chaque fois qu’un indu doit être récupéré lors du décès d’un assuré.

Rétroactes

Une mutualité verse à son assurée des indemnités d’incapacité de travail. Celle-ci décède et les indemnités continuent à être payées pendant deux mois et demi. Il y a renonciation à la succession et une requête est déposée devant le tribunal aux fins de désigner un curateur à succession vacante. Celui-ci informe la mutualité qu’une bonne partie de l’indu est irrécouvrable. Une demande de dispense d’inscription est dès lors introduite auprès de l’I.N.A.M.I., à charge de ces frais d’administration.

La dispense d’inscription est refusée. Le motif en est la tardiveté de celle-ci, eu égard à l’article 327, § 4, de l’arrêté royal du 3 juillet 1996. Pour le service du contrôle administratif, le délai de récupération ne pouvait pas être suspendu, comme le prévoit l’article 326, § 2, h), de cet arrêté royal.

Le Tribunal du travail de Bruxelles, saisi par la mutualité, met la décision administrative à néant.

Appel est interjeté.

Position des parties devant la cour

Pour l’I.N.A.M.I., qui se fonde sur le texte précédent de la disposition en cause (326, § 3, c)), la cause de suspension n’est pas applicable en cas de paiement fait après le décès de l’assurée. La succession était en effet « clichée » à cette date et le paiement intervenu postérieurement est, juridiquement, intervenu soit au profit d’un héritier (à titre personnel), soit au profit d’un tiers (sans titre). La modification du texte ne remet pas en cause la jurisprudence antérieure de la Cour du travail, qui a posé la règle. En outre, s’il a été repris dans le procès-verbal d’une réunion entre organismes assureurs et l’I.N.A.M.I. que c’est le décès de l’assuré qui donne un effet suspensif au délai de récupération, il ne s’agit que de discussions d’un groupe de travail, qui n’a pas de valeur normative ni interprétative.

Pour l’organisme assureur, la modification du texte, intervenue par arrêté royal du 30 septembre 2012, vise toutes les demandes de dispense d’inscription. Le texte a été modifié pour préciser, non plus que le délai est suspendu « à partir de la date de décès du débiteur », mais « à partir du décès de l’assuré ». Il se fonde, pour exposer les motifs de la modification intervenue, sur les discussions dont question ci-dessus, où il avait été convenu que la période de récupération devait être suspendue dans tous les cas de décès de l’assuré.

La décision de la cour

La cour reprend les dispositions de l’arrêté royal exécutant l’article 194, § 1er, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, relatif aux frais d’administration. Il s’agit des articles 322 et suivants de l’arrêté royal du 3 juillet 1996.

Avant la modification intervenue par l’arrêté royal du 30 septembre 2012, le délai était (notamment) suspendu à partir de la date du décès du débiteur. La cour reprend également les hypothèses dans lesquelles l’organisme assureur peut être dispensé par le service du contrôle administratif d’inscrire le montant en frais d’administration.

Depuis la modification du texte, par l’arrêté royal du 30 septembre 2012, il est actuellement prévu que le délai est suspendu pour une période de deux ans à partir de la date du décès de l’assuré, le texte prévoyant également la fin de la durée de la suspension lorsque – comme en l’espèce – la succession est déclarée vacante et qu’un curateur à succession vacante a été désigné. La suspension prend fin dans cette hypothèse lors de la clôture de la succession, et ce que celle-ci intervienne avant la fin du délai de deux ans ou après celui-ci.

Pour la cour, il ressort clairement du procès-verbal de la réunion entre organismes assureurs et l’I.N.A.M.I. que ce dernier a alors donné suite aux revendications des organismes assureurs, étant qu’il se produise avant ou après la constatation de l’indu, qu’il soit ou non la cause de celui-ci, le décès de l’assuré aura un effet suspensif. Il s’est agi de remédier aux difficultés d’application des textes et, pour la cour, le législateur a considéré qu’une suspension du délai de récupération de deux ans se justifiait chaque fois qu’un indu devait être récupéré lors du décès d’un assuré (7e feuillet).

La cour confirme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail attire l’attention sur la modification du texte intervenue par l’arrêté royal du 30 septembre 2012, qui a notamment remplacé le terme « décès du débiteur » par « décès de l’assuré ».

L’on peut rappeler sur la question l’arrêt rendu par la Cour du travail de Bruxelles le 18 mars 2015 (C. trav. Bruxelles, 18 mars 2015, R.G. 2013/AB/773 – précédemment commenté). Celui-ci a également été rendu dans le cas d’une renonciation à la succession de l’assuré social et de désignation par le tribunal de première instance d’un curateur à succession vacante. L’I.N.A.M.I. avait refusé la dispense d’inscription en frais d’administration et la cour du travail a considéré que le paiement était indu dès l’origine, s’agissant d’un paiement fait après le décès. La mutualité ayant fait valoir qu’elle ignorait l’identité de la personne qui avait encaissé cet indu, ce délai n’avait pour elle pas commencé à courir. Pour la cour du travail, le paiement a été indu dès l’origine, peu importe qui avait effectivement encaissé la somme indûment versée. Le point de départ devait dès lors être fixé au moment de la constatation de l’indu, le débiteur de celui-ci étant « le tiers indélicat ». Il ne pouvait dans cette hypothèse y avoir suspension du délai et la cour a conclu à la tardiveté de la demande de dispense.


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