Terralaboris asbl

Relations entre l’Office National des Pensions et les organismes financiers en cas de prestations indûment payées

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 février 2007, R.G. 46.372

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 8 février 2007, R.G. n° 46.372

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 8 février 2007, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les contours des obligations de l’organisme financier, qui a payé une pension indue que l’Office avait virée sur un compte ouvert auprès de lui.

Les faits

Par courrier du 30 septembre 1999, l’O.N.P. signifie à un organisme bancaire qu’à l’occasion du traitement d’un dossier concernant un pensionné décédé en 1999, il était apparu que son épouse était elle-même décédée dix ans auparavant. Le premier décès n’ayant jamais été communiqué à l’O.N.P., l’époux survivant avait ainsi perçu une pension de retraite sur la base du taux ménage pendant la période considérée. L’O.N.P. réclamait alors à la banque les montants indûment perçus, au total de l’ordre de 18.000 euros.

La banque bloqua le compte du défunt et transféra à l’O.N.P. le léger actif s’y trouvant, et ce conformément à l’article 3 § 4 de la convention liant les parties, conclue en application de l’arrêté royal du 17 octobre 1991.

L’O.N.P. réclama alors le solde en vertu de la même convention.

La réaction de la banque fut de déclarer n’avoir été avertie du décès que par le courrier de l’O.N.P. Elle renvoya celui-ci, pour la récupération, vers la fille, héritière légale.

L’O.N.P. prit par ailleurs une décision modifiant l’octroi d’une pension de retraite au taux ménage en pension au taux isolé, avec effet rétroactif au décès de l’épouse et réclama l’indu. Un recours fut introduit par l’ayant droit. L’organisme bancaire intervint alors volontairement à la cause, ce qui amena l’O.N.P. à introduire une demande incidente contre lui et, par voie de conséquence, ce dernier à diriger également une demande contre l’Office.

La position du tribunal

Le tribunal de travail de Bruxelles rendit un jugement le 20 janvier 2005.

Il se déclara compétent pour connaître de la demande incidente, fondée sur la convention existant entre l’Office et la banque, demande qui trouvait son fondement dans l’action originaire.

Quant au fond, le tribunal considéra que la demande de l’ayant droit, s’opposant au remboursement d’un indu était sans objet, puisqu’aucune décision n’avait été prise contre elle et que devait être déclarée non fondée la décision de l’O.N.P. relative à la modification de la pension au taux ménage en pension d’isolé, intervenue après le décès.

En ce qui concerne l’organisme bancaire, le tribunal releva que la demande de remboursement ne pouvait trouver d’appui que dans la convention signée entre les deux institutions, dans laquelle il est mentionné qu’il appartient à l’Office d’établir qu’au moment des paiements, la banque avait connaissance du décès du bénéficiaire de la pension ou de son conjoint, preuve qui n’était pas rapportée.

La position des parties devant la Cour

L’Office interjeta appel, demandant à titre principal la condamnation de la banque au paiement de la somme litigieuse et, à titre subsidiaire, la condamnation de l’ayant droit. Il faisait valoir que les dispositions de la convention visée prévoyaient d’une part que tout versement effectué après la date du décès du bénéficiaire ou du conjoint devait être considéré comme paiement indu et que d’autre part l’institution financière s’engageait à reverser à l’O.N.P. les montants qui auraient été payés indûment par elle. Aucune restriction n’était apportée à cette obligation de remboursement, dès que la banque avait connaissance du décès. En l’espèce, il était impensable que la banque n’ait pas été informée de celui-ci, vu les formalités à remplir dans le cadre de la succession. Plus particulièrement, la réglementation prévoyait que le versement d’une pension de ménage ne pouvait intervenir que sur un compte commun aux deux époux, qui ne pouvait être débité que de l’accord de ceux-ci.

La banque demandait, pour sa part, confirmation du jugement. Elle faisait également valoir subsidiairement que si la Cour ne réformait pas celui-ci, elle introduisait un appel incident afin que lui soit donné acte d’une demande en garantie de la part de l’ayant droit, à concurrence des montants qu’elle serait tenue de payer à l’O.N.P. Elle précisait qu’elle avait appris le décès par les courriers de l’Office et n’avait pu en être informée autrement, de telle sorte qu’il n’y avait pas lieu à application des dispositions ci-dessus de la convention entre parties.

Elle soutenait également que l’Office ne devait s’en prendre qu’à lui-même des conséquences de sa négligence, d’autant qu’il n’avait même posé d’acte interruptif de prescription.

L’ayant droit sollicitait la confirmation du jugement et insistait sur le fait qu’aucune condamnation n’avait été prononcée à son égard, la demande en garantie n’ayant par ailleurs aucun fondement légal.

La position de la Cour

C’est essentiellement en ce qu’elle clarifie les obligations des parties dans le cadre de la convention entre institutions que l’arrêt est intéressant, puisque, vis-à-vis de l’ayant droit, il se borna à constater qu’aucune demande n’avait été introduite contre celui-ci personnellement, ce qui empêchait l’application de l’article 807 du Code judiciaire. La Cour déclara par conséquent toute demande de condamnation à son égard irrecevable.

Pour ce qui est de l’organisme bancaire, l’arrêt rappelle les dispositions de l’arrêté royal du 17 octobre 1991 portant le paiement par virement des prestations liquidées par l’Office national des pensions. L’article 1 § 1 alinéa 2 exige que le virement peut être effectué sur un compte à vue personnel ouvert auprès d’un organisme financier (établissement de crédit réglementé ou la Poste), à la condition que celui-ci ait conclu une convention avec l’O.N.P. Le modèle de cette convention est approuvé par le Comité de gestion de l’Office. La Cour est ainsi amenée à examiner la convention réglant les relations entre parties (en réalité deux textes) et relève qu’il y a un devoir d’information de l’institution financière d’avertir l’O.N.P. en cas de décès du bénéficiaire ou de son conjoint. Pour la Cour, cependant, c’est à tort que l’Office peut se borner à considérer qu’il est impensable que la banque n’ait pas été au courant du décès de l’épouse, aucune preuve ne figurant au dossier de la connaissance effective de celui-ci. En outre, ce n’est qu’à partir du 1er juillet 1993 que l’administration communale est obligée de signaler à l’O.N.P. le décès d’un bénéficiaire de pension, de telle sorte que, la connaissance de ce décès n’étant pas établie, il ne peut être fait application de la disposition de la convention qui considère comme étant payés à tort les paiements effectués par l’institution financière après la date du décès du bénéficiaire ou de son conjoint. Il n’y a dès lors pas lieu à remboursement à l’Office.

Intérêt de la décision

Si, dans l’espèce tranchée, il n’y avait pas encore obligation pour l’administration communale d’aviser d’office l’O.N.P. du décès d’un bénéficiaire de pension, l’arrêt rappelle les obligations des organismes financiers auprès de qui un compte bancaire peut être ouvert en vue du paiement d’une pension à charge de l’O.N.P. et, particulièrement, le droit de l’Office de récupérer auprès de celui-ci les paiements qui auraient été faits après la date du décès, et ce même si la banque ne peut pas se rembourser de ce montant sur le boni du compte de l’intéressé. La Cour rappelle qu’en vertu de la convention type, ces remboursements doivent intervenir dans un délai de 10 jours après la prise de connaissance par l’organisme financier à partir du moment où il est informé par l’Office national des pensions du caractère indu du paiement.


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