Terralaboris asbl

Accident du travail dans le secteur public : la décision du MEDEX est-elle contraignante ?

Commentaire de C. trav. Mons, 12 février 2019, R.G. 2017/AM/197

Mis en ligne le mercredi 4 mars 2020


C. trav. Mons, 12 février 2019, R.G. 2017/AM/197

Terra Laboris

Accident du travail dans le secteur public : la décision du MEDEX est-elle contraignante ?

Par arrêt du 12 février 2019, la Cour du travail de Mons – statuant avant la modification réglementaire de l’article 8 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970 par celui du 8 mai 2014 – rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation quant au caractère contraignant de la décision du MEDEX, pour ce qui est du taux d’incapacité permanente proposé.

Les faits

Une ergothérapeute prestant dans une institution dépendant du secteur public a eu un accident du travail en juillet 2010, ayant dû retenir une patiente qui s’était soudainement effondrée. Ayant malgré tout poursuivi ses prestations, elle a consulté divers médecins et a interrompu ses activités à partir du 25 août. Suite aux recommandations du conseiller en prévention, elle a pu reprendre à mi-temps, en mars 2011, avec recommandation d’éviter le port de charges lourdes. Une reprise à mi-temps dans un travail administratif et à mi-temps en qualité d’ergothérapeute (avec limitation du port de charges lourdes) a été entreprise en juin 2002.

Depuis le 5 mars 2013, son travail administratif est devenu l’essentiel de sa fonction (l’intéressée étant devenue responsable du service d’ergothérapie du site hospitalier en cause).

Le MEDEX a consolidé les séquelles avec un taux d’I.P.P. de 5%, la date de consolidation étant située un mois avant l’exercice du travail à temps plein en qualité de responsable administrative.

L’appel au sein du MEDEX ayant confirmé le taux en cause, ainsi que la date de consolidation, une procédure en fixation des séquelles a été introduite devant le Tribunal du travail de Charleroi (le médecin-conseil de l’intéressée fixait à 15% le taux d’incapacité permanente). Est également sollicitée la prise en charge d’une intervention subie en novembre 2012.

Après avoir désigné un expert, le tribunal du travail a entériné ses conclusions, qui ont confirmé un taux d’I.P.P. de 5% et ont anticipé la date de consolidation au 5 novembre 2011. Cette date est le lendemain de la fin de la période d’incapacité à temps partiel admise à l’époque (7 mars 2011 – 4 novembre 2011).

Après le dépôt du rapport de l’expert, l’organisme assureur AMI est intervenu à la cause.

Les conclusions de l’expert ont été entérinées par jugement et l’intéressée a interjeté appel de celui-ci.

Position de la partie appelante

La demande en appel est d’entendre désigner un collège d’experts aux fins de déterminer si elle a présenté un syndrome spécifique d’ordre post-traumatique (syndrome du défilé cervico-thoracique ou des scalènes) et de dire, s’il n’est pas possible de répondre à cette question, s’il existe une possibilité de la survenance d’un tel syndrome et, dans la mesure du possible, de donner un avis sur cette probabilité.

Les arrêts de la cour

L’arrêt du 26 juin 2018

Un premier arrêt a été rendu par la cour le 26 juin 2018, demandant aux parties de s’expliquer sur divers éléments de la réparation. Cet arrêt n’a pas abordé la demande en intervention volontaire de l’organisme assureur.

Position des parties suite à l’arrêt de réouverture des débats

La cour ayant notamment demandé aux parties de s’expliquer eu égard au caractère contraignant des conclusions médicales du MEDEX tant à l’égard de l’employeur que du juge, l’institution publique considère que cette décision lie uniquement « l’autorité » au sens des articles 8 et 9 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970. Les juridictions du travail ne sont quant à elles pas liées et, une fois saisies par l’action de la victime, elles ont tous pouvoirs pour trancher les contestations, en ce compris celle relative au pourcentage d’I.P.P.

L’institution procède également à une comparaison entre le secteur public et le secteur privé, demandant qu’une question soit posée à la Cour constitutionnelle sur la différence de traitement relative au recours prévu. Celui-ci (article 9 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970) ne permet en effet pas à l’employeur public de contester dans un sens qui lui est plus favorable la fixation du pourcentage en vue d’obtenir sa diminution, alors que, dans le secteur privé, l’assureur-loi n’est pas lié par les conclusions médicales prises par son médecin-conseil. En cas de recours, il peut contester. Il s’agit, par ailleurs, vu l’époque des faits, de retenir, selon l’institution publique, la version de l’arrêté-royal du 13 juillet 1970 antérieure à sa modification par l’arrêté royal du 8 mai 2014. A l’époque, le MEDEX n’avait pas la compétence de fixer la date de consolidation, le texte prévoyant une « appréciation » du lien de causalité entre l’accident et les lésions.

Pour l’appelante, le caractère contraignant des constatations médicales du MEDEX s’impose au juge, celui-ci ne pouvant que le majorer. Pour ce qui est de la consolidation, l’intéressée fait état d’une amélioration des douleurs depuis juin 2015 et estime que, plus aucune évolution n’étant à escompter à partir de cette date, c’est celle-ci qui doit être retenue.

L’arrêt de la cour du 12 février 2019

La cour retient que quatre questions restent litigieuses : la nature des lésions en lien causal, le taux d’I.P.P., la date de consolidation et la prise en charge de deux interventions chirurgicales. Elle fait un rappel en droit en ce qui concerne le mécanisme de réparation prévu à l’arrêté royal du 13 juillet 1970 (qui concerne le personnel local). Avant sa modification par l’arrêté royal du 8 mai 2014, le service médical avait pour mission d’apprécier s’il existe une relation de cause à effet entre l’accident et les lésions et de fixer le pourcentage de l’incapacité permanente (sa décision devant être motivée). Ces conclusions devaient être communiquées à l’autorité.

Depuis la modification réglementaire intervenue, sa mission est triple, étant (i) de vérifier le lien de causalité entre l’accident et les lésions, (ii) d’établir le lien de causalité entre l’accident et les périodes d’incapacité de travail et (iii) de fixer la date de consolidation, le pourcentage d’I.P.P. et le pourcentage de l’aide de tiers. Le nouveau texte prévoit que, dans le lien de causalité entre l’accident et les périodes d’incapacité, ne figure pas le contrôle de l’absence.

L’autorité, à qui la décision aura été notifiée (dans les 30 jours), doit vérifier si les conditions d’octroi des indemnités sont réunies. Si oui, elle examine les éléments du dommage subi et apprécie s’il y a lieu d’augmenter le pourcentage d’I.P.P. Lorsqu’il y a incapacité permanente, elle propose à l’accord de la victime (ou des ayants droit) le paiement d’une rente, notification qui doit être opérée par voie recommandée. La proposition doit mentionner la rémunération de base, la nature de la lésion, la réduction de capacité et la date de consolidation.

En l’espèce, la cour constate qu’après la notification de la décision du service médical, l’institution n’a pas procédé, conformément à l’article 9 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970, à la notification d’une proposition d’indemnisation à la victime.

Pour ce qui est du caractère contraignant de la décision du service médical, elle rappelle que celle-ci lie l’autorité dans la mesure où ce service reconnaît une invalidité permanente et que l’autorité ne peut qu’augmenter le pourcentage fixé (renvoyant à l’arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 1994, n° S.94.0002.N). La juridiction du travail qui statue sur une contestation relative à ce pourcentage ne peut accorder, quant à elle, un pourcentage d’invalidité permanente inférieur (étant l’enseignement de la Cour de cassation dans un arrêt du 7 février 2000, n° S.99.0122.N). Le même arrêt a posé également la règle selon laquelle la faculté donnée au Roi par l’article 4, § 1er, dernier alinéa, de la loi du 3 juillet 1967 d’élaborer une réglementation relative au pourcentage d’invalidité permanente du membre du personnel (dont les modalités ont été arrêtées par l’arrêté royal du 13 juillet 1970) ne déroge pas à la compétence des juridictions du travail pour trancher les contestations relatives au pourcentage d’invalidité permanente, même si celles-ci sont tenues de respecter la réglementation relative à la reconnaissance de l’invalidité.

Pour la cour du travail, il peut être déduit de l’arrêt de la Cour de cassation du 7 février 2000 que l’administration peut saisir le tribunal des contestations relatives au taux d’incapacité permanente de travail, étant qu’il n’y a dès lors pas de restriction procédurale, mais le tribunal est tenu d’avoir égard au régime prévu par l’arrêté royal, qui contient une restriction matérielle. Le droit pour l’administration d’accès à un tribunal est garanti et l’article 6.1 de la C.E.D.H. n’est pas violé.

Pour ce qui est par ailleurs de la comparaison avec l’assureur-loi, la cour rappelle les particularités du statut des travailleurs du secteur public, qui justifie l’admission de règles propres. Elle rejette dès lors la demande faite de poser une question à la Cour constitutionnelle.

Enfin, sur la modification du texte de l’article 8 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970, la cour ne se prononce pas sur la question de savoir si le législateur a entendu clarifier une situation qu’il estimait existante ou, au contraire, modifier les règles. Cependant, vu le caractère contraignant de la décision du MEDEX, elle estime qu’il y a lieu de se référer à la description des lésions figurant dans les conclusions de ce service.

La cour va encore trancher la question de la date de consolidation (qu’elle fixe au 15 février 2013, vu les remises progressives au travail et les frais médicaux).

Pour ce qui est du taux, elle maintient celui retenu par l’expert.

Intérêt de la décision

Par cet arrêt, la cour répond à une question posée par une institution du secteur public (institution hospitalière en l’occurrence), qui conteste l’impossibilité pour elle de faire valoir devant le juge une diminution du taux d’incapacité permanente retenu par le service médical. Il est fait référence, dans l’arrêt, à l’article 6.1 de la C.E.D.H., ce qui a amené la cour à se livrer à des développements sur le droit au procès équitable, dans l’hypothèse visée.

Deux arrêts ont été rendus par la Cour de cassation, qui ont balisé les pouvoirs du juge et de l’autorité. Ces deux arrêts (cités ci-dessus) ont tous deux conclu à l’interdiction de réduire le taux proposé, que ce soit au niveau de l’autorité employeur ou dans le cadre de la procédure judiciaire. L’arrêté royal du 13 juillet 1970 n’a dès lors pas été écarté par la cour sur ce point et la question proposée a l’intention de la Cour constitutionnelle a été rejetée.

L’on retiendra encore la modification intervenue par l’arrêté royal du 8 mai 2014, qui a modifié le texte de l’article 8 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970, pour préciser le rôle du MEDEX dans la procédure administrative.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be