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Reprise d’une activité non autorisée par le médecin-conseil de l’organisme assureur A.M.I.

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Tournai), 4 juin 2019, R.G. 16/960/A – 16/1.432/A – 17/79/A

Mis en ligne le lundi 13 janvier 2020


Tribunal du travail du Hainaut (division Tournai), 4 juin 2019, R.G. 16/960/A – 16/1.432/A – 17/79/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 4 juin 2019, le Tribunal du travail du Hainaut (division Tournai) rappelle que l’exercice d’une activité non autorisée par le médecin-conseil de la mutuelle emporte obligation de restituer l’indu. Par ailleurs, la sanction de l’I.N.A.M.I., prise sur pied de l’article 168quinquies de la loi du 14 juillet 1994, peut être réappréciée par le juge dans son quantum.

Les faits

Un chauffeur ayant presté dans le secteur du transport est mis en incapacité de travail en 2001. Il devient invalide en 2002. Il est à ce moment âgé de 50 ans. En 2012, il demande à reprendre une activité de chauffeur à temps partiel, pour laquelle il sollicite l’autorisation du médecin-conseil de sa mutuelle. Il s’agit d’une reprise à raison de 11 heures par semaine.

N’ayant pas répondu immédiatement (vu les formalités à faire vis-à-vis de son organisme assureur), l’intéressé n’a pas le poste, celui-ci ayant été attribué à un tiers. Ayant, selon ses explications, revu le médecin-conseil, il explique que son autorisation lui a été annoncée comme étant « dormante » si un nouvel emploi similaire se proposait à l’avenir. Il remplit, dans les mois qui suivent, deux déclarations sur l’honneur de non-activité.

Il sera cependant engagé ultérieurement, en mars 2014, par la même société, qui recrutait encore.

L’intéressé déclare avoir averti son organisme assureur, ce qui est contesté. Les informations qu’il donne sur un formulaire 225 (situation familiale) ne permettent pas de vérifier qu’il y a reprise d’une activité.

Selon ses déclarations, il aurait toutefois appris, lors d’une visite auprès de son organisme assureur, qu’il était en infraction et il a dès lors immédiatement introduit une demande d’autorisation de reprise. Celle-ci a été acceptée par le successeur du médecin-conseil qui avait vu l’intéressé précédemment. La décision ne vaut, cependant, que pour l’avenir.

L’organisme assureur lui réclame, par conséquent, le remboursement des allocations pendant une période de 7 mois environ. En outre, l’I.N.A.M.I. a infligé une sanction d’exclusion à concurrence de 63 jours.

Un recours est introduit devant le tribunal.

La position des parties devant le tribunal

Le demandeur fait état de sa bonne foi, ainsi que des démarches qu’il a accomplies, souhaitant reprendre une activité dans le respect de la réglementation. Il fait grief à l’organisme assureur d’avoir méconnu les obligations de la Charte de l’assuré social, de sorte que sa responsabilité serait engagée.

Quant à la mutualité, elle demande remboursement des indemnités perçues pour la période litigieuse.

L’I.N.A.M.I., pour sa part, se fonde sur l’article 168quinquies, § 2, 3°, a), b) et c) et § 3, alinéa 1er, 3°, de la loi coordonnée, considérant que l’exclusion de 63 indemnités journalières est justifiée.

La décision du tribunal

Renvoyant à la jurisprudence de la Cour du travail de Mons (C. trav. Mons, 11 décembre 2014, R.G. 2013/AM/432 – inédit), le tribunal rappelle que la cessation de toute activité est la première condition de la reconnaissance de l’incapacité de travail et que l’activité ne doit pas être confondue avec les termes « travail » et « activité professionnelle ».

Toute occupation orientée vers la production de biens ou de services est visée, dans la mesure où elle permet de retirer (directement ou non) un profit économique pour soi-même ou pour autrui. Il en découle que son caractère occasionnel ou exceptionnel n’intervient pas, non plus que le fait qu’elle soit de minime importance ou faiblement rémunérée. Sont également indifférents des éléments tels que l’intention de rendre service à un ami.

Pour ce qui est de la reprise d’une activité, s’il s’agit d’une activité différente ou plus large que celle qui avait été autorisée, ceci s’assimile à l’exercice d’une activité non autorisée. Cette reprise interrompt également l’incapacité de travail.

Le tribunal se réfère encore à un arrêt de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, section Namur, 20 mars 2008, R.G. 8.063/2006), qui a insisté sur le fait qu’il faut suivre les conditions qui ont été fixées. S’en écarter revient à exercer une activité sans autorisation.

La sanction décidée par l’I.N.A.M.I. est quant à elle fondée sur l’article 168quinquies de la loi, qui dispose en son § 3 que la durée de l’exclusion prévue (3 indemnités journalières au minimum et 400 au maximum) est fixée en fonction de la durée de l’infraction. Peut être exclu du bénéfice des indemnités pour une période entre 37 et 102 jours l’assuré qui a exercé une activité non autorisée pendant 31 jours au moins jusqu’à 140 jours au plus.

En l’espèce, la reprise n’était pas autorisée et elle s’est effectuée dans des conditions qui n’étaient pas celles de l’autorisation précédente (la durée de travail hebdomadaire étant légèrement supérieure, ainsi que le salaire, et les modalités d’occupation étant différentes).

Divers reproches sont faits au demandeur par le tribunal, au niveau des déclarations qui ont été faites (et celles qui ne l’ont pas été), de telle sorte que la récupération d’indu est confirmée.

Pour ce qui est de la mise en cause de l’organisme assureur à propos d’un manquement à ses obligations d’information et de conseil, le tribunal estime qu’aucune preuve ne permet de retenir celle-ci. Il précise que l’on ne peut exiger qu’une mutuelle anticipe les projets de reprise d’activité professionnelle dans le chef de ses affiliés.

Enfin, si la sanction prise par l’I.N.A.M.I. est maintenue, celle-ci est revue à la baisse, à la lumière des circonstances de la cause. Le tribunal retient notamment qu’une autorisation avait été donnée auparavant et qu’elle n’avait pu être suivie d’effet, l’absence de fraude pour ce qui serait de la perception d’avantages de la sécurité sociale (la hauteur du salaire n’ayant pas d’incidence sur le montant des indemnités d’invalidité), ainsi que les démarches entreprises d’office par l’intéressé lorsqu’il a été dûment informé du fait que sa situation ne serait pas régulière. Le tribunal réduit dès lors cette sanction au minimum légal, qui est de 37 indemnités journalières.

Intérêt de la décision

Ce bref jugement reprend un point important dans cette matière, où il n’est pas rare de voir des litiges naître à propos d’une tentative de reprise du travail qui n’aurait pas respecté les conditions légales.

Le tribunal rappelle deux points importants, étant que :

  • l’autorisation donnée par le médecin-conseil ne vaut que pour l’avenir (laissant ainsi sans solution le sort d’une reprise intervenue antérieurement sans autorisation – reprise qui va dès lors faire l’objet d’un remboursement d’indu) ;
  • l’autorisation est donnée avec des conditions extrêmement précises quant à l’importance du travail en cause, ainsi que sur le plan d’autres conditions de travail, l’exercice d’une activité en-dehors des conditions strictement mises par le médecin-conseil s’assimilant à une activité non autorisée.

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