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Personnel statutaire HR RAIL : accident du travail et législation applicable

Commentaire de Cass., 10 décembre 2018, n° S.18.0057.F

Mis en ligne le vendredi 30 août 2019


Cour de cassation, 10 décembre 2018, n° S.18.0057.F

Terra Laboris

Par arrêt du 10 décembre 2018, la Cour de cassation casse un arrêt de la Cour du travail de Liège du 16 novembre 2017, qui avait admis, pour un accident du travail survenu avant le 1er janvier 2014, l’application de la loi du 3 juillet 1967 relative à la réparation de ce risque professionnel dans le secteur public.

Rétroactes

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt rendu par la Cour du travail de Liège le 16 novembre 2017 (R.G. 2016/AL/417).

Dans cette espèce, un agent statutaire de la S.N.C.B., victime d’un accident du travail dans le cadre de ses fonctions de technicien-mécanicien, demandait réparation des lésions encourues. Une des questions posées aux juridictions du travail était celle de la réglementation applicable, vu la réorganisation intervenue au sein de la S.N.C.B. – devenue S.N.C.B. HOLDING en 2005 – et vu le transfert de la gestion du personnel statutaire et non statutaire à la S.A. HR RAIL.

La procédure antérieure

Le jugement du Tribunal du travail de Liège

Par jugement du 17 février 2016, le Tribunal du travail de Liège avait fait application de la loi du 3 juillet 1967, rejetant la position de la société, qui demandait qu’il soit renvoyé à une réglementation spécifique, étant le « Fascicule 572 » (réglementation interne).

La décision de la Cour du travail de Liège

Par arrêt du 16 novembre 2017, la Cour du travail de Liège avait rappelé que la S.N.C.B., créée par la loi du 23 juillet 1926 relative aux chemins de fer, était une société anonyme de droit public au sens de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques et que la modification intervenue en 2005 était uniquement une modification de nom. Il s’agit, pour la cour, qui reprend le champ d’application de la loi du 3 juillet 1967, d’une personne d’une société entrant dans celui-ci, l’arrêté royal du 12 juin 1970 applicable en exécution de la loi soumettant à son champ d’application le personnel des personnes morales de droit public relevant de l’Etat pour autant que leur création soit postérieure au 31 décembre 2004.

Pour la cour du travail, si la S.N.C.B. (HOLDING) ne tombe pas dans le champ d’application de la loi en tant que personne morale de droit public, elle est cependant soumise à celle-ci en tant qu’entreprise publique autonome. Par ailleurs, le « Fascicule 572 » élaboré par la commission paritaire nationale est une décision intervenue dans le cadre des compétences données à cette commission en vue d’examiner toutes les questions relatives aux accidents du travail, la commission étant prévue à la loi du 23 juillet 1926 elle-même. Vu d’une part la hiérarchie des sources dans les relations de travail entre les chemins de fer et son personnel et la circonstance que la loi du 3 juillet 1967 est postérieure et plus spécifique, la cour confirme la position du tribunal.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre cet arrêt, qu’elle va casser.

Elle rappelle le champ d’application de la loi du 3 juillet 1967, dont l’article 1er, alinéa 1er, 2° dispose que le régime institué par la loi pour la réparation des dommages résultant des accidents du travail est, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, rendu applicable par le Roi, aux conditions et dans les limites qu’Il fixe, aux membres du personnel définitif, stagiaire, temporaire, auxiliaire, ou engagés par contrat de travail, qui appartiennent aux entreprises publiques autonomes classées à l’article 1er, § 4, de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques. Il en découle que, pour être applicable, la loi du 3 juillet 1967 exige un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

En l’espèce, il s’agit d’un agent statutaire victime d’un accident du travail le 3 octobre 2013, son employeur étant une entreprise publique autonome classée à l’article 1er, § 4, de la loi du 21 mars 1991. Les membres de son personnel au service de la société le 31 décembre 2013 ont été transférés vers la société anonyme de droit public HR RAIL au 1er janvier 2014, de plein droit et sans que cela n’entraîne une modification de leur statut juridique (article 2, § 1er, de l’arrêté royal du 11 décembre 2013 relatif au personnel des chemins de fer belges). La loi du 25 décembre 2016 portant des dispositions diverses en matière sociale a inséré, avec effet au 1er janvier 2014, un article 1/1 dans la loi du 3 juillet 1967. Celui-ci prévoit que ladite loi n’est pas applicable aux membres du personnel de HR RAIL. Il ne s’en déduit pas que cette loi s’appliquait jusqu’au 31 décembre 2013 aux membres du personnel de la société anonyme de droit public S.N.C.B. HOLDING sans qu’un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres le prévoie. La cour du travail ne pouvait dès lors conclure à l’application de la loi sans rechercher si un tel arrêté royal la rendait applicable aux membres du personnel de la S.N.C.B. HOLDING.

Intérêt de la décision

Si la question de l’application de la loi du 3 juillet 1967 à la société anonyme de droit public HR RAIL est réglée depuis l’insertion, dans la loi elle-même, d’un article 1/1 par la loi du 25 décembre 2016 portant des dispositions diverses en matière sociale est claire, la situation antérieure l’est moins.

L’article 1/1 actuel de la loi prévoit en effet qu’elle n’est pas applicable aux membres du personnel de HR RAIL, mis ou non à disposition de la S.N.C.B. ou d’INFRABEL, qu’ils soient dans un lien statutaire avec HR RAIL ou engagés par contrat de travail.

Comme le relève la Cour de cassation, pour la situation antérieure, il y avait lieu de se référer aux principes généraux de la loi elle-même, étant qu’elle requiert, pour son application, un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, en vue de rendre le régime qu’elle institue applicable. C’est le texte de l’article 1er, alinéa 1er, 2°, de la loi, qui prévoit l’application de celle-ci, à la condition de l’existence d’un tel arrêté délibéré en Conseil des ministres, aux personnes morales de droit public et aux organismes d’intérêt public soumis à l’autorité, au pouvoir de contrôle ou de tutelle de l’Etat, ainsi qu’aux entreprises publiques autonomes classées à l’article 1er, § 4, de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, ainsi encore qu’à d’autres sociétés anonymes de droit public, qu’elle reprend.

Le grief fait par la Cour de cassation à l’arrêt de la Cour du travail de Liège du 16 novembre 2017 est de ne pas avoir respecté l’exigence de l’existence d’un tel arrêté royal. Cet arrêt (précédemment commenté) n’était pas isolé, puisque la cour renvoyait à diverses décisions des Cours du travail de Bruxelles et de Liège ainsi qu’à un jugement du Tribunal du travail de Bruxelles.


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