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Transport de choses : précisions apportées par la Cour de cassation sur les conditions de l’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés

Commentaire de Cass., 14 janvier 2019, n° S.18.0041.F

Mis en ligne le jeudi 9 mai 2019


Cour de cassation, 14 janvier 2019, n° S.18.0041.F

Terra Laboris

Par arrêt du 14 janvier 2019, la Cour de cassation reprend la règle de l’extension du champ d’application de la loi O.N.S.S. sous certaines conditions (personnes qui effectuent des transports de choses qui leur sont commandés par une entreprise).

Rétroactes

Le litige oppose l’O.N.S.S. à la S.P.R.L. A.C.T.

L’O.N.S.S. prétend à l’application de l’article 3, 5°, de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs pour les prestations de transport de choses de M. H., qui est aussi associé actif de cette société. Cette disposition étend l’application de la loi du 27 juin 1969, et donc l’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés, aux personnes qui effectuent des transports de choses qui leur sont commandés par une entreprise au moyen de véhicules dont ils ne sont pas propriétaires ou dont l’achat est financé ou le financement garanti par l’exploitant de cette entreprise, ainsi qu’à cet exploitant.

Il était acquis que M. H. effectuait des transports de choses au moyen de véhicules dont il n’était pas propriétaire.

Pour s’opposer à l’assujettissement, la S.P.R.L. A.C.T. soutenait que :

  • Les véhicules qu’utilisait M. H. n’étaient pas financés par elle et qu’elle ne garantissait pas leur financement ; elle prétendait ainsi que la condition relative à l’absence de propriété du ou des véhicules dans le chef du chauffeur et celle relative au financement étaient cumulatives ;
  • Elle ne commandait pas les transports à M. H., qui était associé actif de la société.

L’O.N.S.S. y opposait que :

  • La condition relative au financement n’est pas une condition s’ajoutant à celle de l’absence de propriété du (ou des) véhicule(s) par le chauffeur mais une hypothèse alternative dans laquelle, bien que le chauffeur soit propriétaire du (ou des) véhicule(s), il n’a pas la maitrise économique de son outil de production, puisqu’il dépend de l’entreprise pour le financement ;
  • Les transports pouvaient être commandés à M. H. par la S.P.R.L. A.C.T. même si ce chauffeur était aussi associé actif.

Par un arrêt du 10 mai 2017, la Cour du travail de Liège a débouté l’O.N.S.S. de ses prétentions en accueillant les deux moyens de la société.

Le pourvoi

L’O.N.S.S. a proposé un moyen unique de cassation divisé en deux branches.

La première branche invoque la violation de l’article 3, 5°, de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 et soutient que cette disposition ne prévoit pas quatre conditions à l’assujettissement mais trois. En effet, soit le chauffeur n’est pas propriétaire du (ou des) véhicule(s), soit il en est propriétaire mais dépend de l’entreprise qui lui commande les transports pour le financement de ceux-ci.

La seconde branche critique les motifs de l’arrêt dont celui-ci déduit que l’O.N.S.S. ne rapporte pas la preuve que les transports effectués par M. H. lui étaient commandés par la S.P.R.L. A.C.T. Celle-ci a, en vertu de l’article 2, §§ 1er et 2, du Code des sociétés, une personnalité juridique différente de ses associés. En outre, il ressort des articles 61, 255, 257 et 258 du même code que seul le gérant de la société est un organe de gestion et de représentation de celle-ci. La qualité d’associé actif de M. H. est sans pertinence pour l’application de l’article 3, 5°, de l’arrêté royal du 28 novembre 1969.

La décision de la Cour

La Cour de cassation casse l’arrêt attaqué en accueillant les deux branches du moyen.

Sur la première branche, elle rappelle le contenu de l’article 3, 5°, de l’arrêté royal du 28 novembre 1969, puis décide que, dans la mesure où l’arrêt attaqué admet que M. H. « effectuait du transport de choses en conduisant des camions dont il n’était pas propriétaire », il n’a pu, sans violer cette disposition, rejeter la demande de l’O.N.S.S. au motif que celui-ci ne rapportait « pas la preuve que le ou les véhicules qu’utilisait monsieur H. étaient financés ou que le financement en était garanti par une entreprise qui (lui) commandait ces transports ».

Sur la seconde branche, elle relève que l’arrêt attaqué admet que « les transports effectués par monsieur H. étaient commandés » à la S.P.R.L. A.C.T. par des entreprises qui étaient ses clientes et ne constate pas que M. H. aurait été le gérant de cette société. Il ne justifie donc pas légalement sa décision que l’O.N.S.S. ne rapporte pas « la preuve que les transports effectués par monsieur H. lui étaient commandés par une entreprise ».

Intérêt de la décision

La Cour de cassation a eu à plusieurs reprises l’occasion de se prononcer sur l’extension de l’obligation d’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés des personnes qui effectuent des transports de choses (article 3, 5°, de l’arrêté royal du 28 novembre 1969) ou de personnes (article 3, 5°bis, de cet arrêté), ce qui prouve sans doute que ces dispositions, d’un enjeu important pour les entreprises et les travailleurs, suscitent des interrogations. Plusieurs de ces arrêts ont été commentés par Terra Laboris pour SocialEye (Cass., 16 mars 2015, n° S.13.0055.F. et Cass., 25 janvier 2016, n° S.14.0043.N), ainsi qu’un arrêt de la Cour constitutionnelle du 22 septembre 2016 (n° 118/2016). Signalons encore un dernier arrêt de la Cour de cassation du 5 novembre 2018 (n° S.17.0014.N).

A notre connaissance, il était cependant acquis dans la jurisprudence des juges du fond que la condition relative aux véhicules contenait une alternative principale et une alternative subsidiaire qui ne devait être examinée que si le transporteur était propriétaire du ou des véhicules.


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