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Conditions de la prime de compensation du Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la Santé

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 20 mars 2018, R.G. 2016/AN/189

Mis en ligne le mardi 20 novembre 2018


Cour du travail de Liège (div. Namur), 20 mars 2018, R.G. 2016/AN/189

Terra Laboris

Par arrêt du 20 mars 2018, la Cour du travail de Liège (division Namur) rejette la position de l’AViQ selon laquelle la prime de compensation prévue par le Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la Santé ne serait pas due en cas de prise en charge du coût salarial de la personne handicapée par la Communauté française.

Les faits

Une institutrice maternelle souffrant d’une maladie rhumatismale grave a d’importantes difficultés de mobilité. Cette situation amène l’école où elle est occupée à demander une prime de compensation à l’AViQ. Il s’agit de compenser le surcoût salarial des mesures prises pour lui permettre d’assumer ses fonctions. Les mesures en cause consistent en l’engagement d’une collaboratrice supplémentaire à mi-temps pour la décharger de certaines tâches difficiles ou impossibles. Cet engagement est intervenu sur fonds propres de l’école.

En 2009, la prime de compensation a été accordée à raison de 50% du coût salarial de la travailleuse handicapée pour une période d’un an et la décision a été confirmée jusqu’au 30 juin 2015.

L’AViQ a alors refusé l’octroi de la prime pour l’avenir et a ramené son intervention à 45% à partir du 1er janvier.

L’Agence considère que la prime ne doit pas être versée au motif que le coût salarial de la personne handicapée est pris en charge par la Communauté française dans le cadre de subventions-traitements. La prime est une intervention dans le coût salarial de la personne handicapée et non dans celui de la personne qui l’aide (ou la remplace).

L’Agence fait également valoir que les primes sont accordées dans les limites des crédits disponibles et que les choix budgétaires du législateur et de l’exécutif ne relèvent pas du contrôle du pouvoir judiciaire. Une modification réglementaire est intervenue à partir du 1er janvier 2015 (arrêté du Gouvernement wallon du 30 avril 2015) et celle-ci n’est pas en contradiction avec l’effet de standstill (de l’article 23 de la Constitution).

Pour l’école cependant, la prime de compensation a vocation à financer le coût de la personne engagée pour assister la personne handicapée et non l’inverse. Pour l’école, la position de l’AViQ serait discriminatoire, dans la mesure où elle instaure une différence de traitement non proportionnée à l’objectif d’intégration sociale de la personne handicapée. La prise en charge de la rémunération de cette dernière dans le cadre de subventions-traitements était par ailleurs connue dès le départ.

La décision de la cour

La cour fait un examen des principes, rappelant les dispositions pertinentes du Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la Santé (codification – arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2013).

Il s’agit de compenser le coût supplémentaire éventuel de mesures qu’une entreprise doit prendre pour permettre au travailleur handicapé d’assumer ses fonctions si ce coût supplémentaire est lié au handicap. Le pourcentage ne peut excéder 45% du coût salarial.

Pour la cour, l’intervention n’a pas pour finalité de diminuer le coût salarial de l’occupation d’un travailleur handicapé mais bien de prendre en charge au moins partiellement l’ajustement des conditions de travail de celui-ci. La cour renvoie ici au site internet de l’AViQ ainsi qu’aux conclusions de l’Agence, qui exposent que la finalité de la prime est de couvrir une partie du salaire de la personne handicapée permettant ainsi à l’employeur d’économiser cette partie et de l’affecter à la mesure prise pour aider celle-ci. Les aménagements peuvent être des aménagements matériels ou en embauche de personnel. La référence au coût salarial vise donc essentiellement à fixer la limite de l’intervention dans le coût de l’adaptation des conditions de travail, et ce pour éviter des adaptations financièrement disproportionnées.

La cour relève que n’est pas exigé que le coût salarial soit supporté par l’employeur, ce qui aurait pour effet de supprimer toute possibilité d’octroi de la prime en cas d’occupation d’un travailleur qui bénéficie d’une subvention-traitement.

Pour la cour, l’interprétation de l’AViQ revient à considérer que le coût salarial d’un travailleur handicapé bénéficiant d’une subvention-traitement serait nul alors que tel n’est pas le cas, le coût étant en l’occurrence pris en charge par la Communauté française. La circonstance que celui-ci soit à charge de cette dernière ou de l’employeur est sans incidence sur le coût de l’aménagement des conditions de travail de la personne handicapée, celle-ci étant à charge de l’employeur. Ce qui est en cause est le coût de l’adaptation des conditions de travail de la personne handicapée.

Pour la cour, tous les employeurs sont placés dans une situation comparable et même parfaitement identique du point de vue des dépenses à consentir pour l’adaptation du poste d’un travailleur handicapé. La position de l’AViQ induirait des différences de traitement non autorisées entre travailleurs handicapés, et ce selon que leur rémunération est subventionnée ou non, seuls ceux dont le coût salarial serait à charge de l’employeur pouvant bénéficier de la prime de compensation, alors qu’ils sont placés dans une situation identique ou similaire pour ce qui est de l’adaptation de leurs conditions de travail.

La cour conclut que l’AViQ a fait une interprétation inexacte des dispositions en cause.

Par ailleurs, pour ce qui est de la réduction de 50% à 45% avec effet rétroactif, la cour renvoie à l’article 2 du Code civil, rappelant que la non-rétroactivité constitue un principe général du droit. Elle ordonne la réouverture des débats sur ce point, dans la mesure où les parties ne se sont pas expliquées sur la conformité de la modification de la réglementation avec ce principe.

Intérêt de la décision

Dans cette affaire, la Cour du travail de Liège tranche une question de principe, étant liée aux conditions d’octroi de la prime de compensation.

A notre connaissance, cette matière n’a pas fait l’objet d’autres décisions judiciaires et l’on ne peut que suivre la cour du travail dans son examen de la cause.

Elle souligne à diverses reprises que la finalité de la prime est d’assurer l’aménagement des conditions de travail de la personne handicapée aux fins de permettre et de faciliter son intégration. Cette question est bien évidemment indépendante de la prise en charge de la rémunération de la personne handicapée elle-même, la condition que le paiement de celle-ci soit effectué par l’employeur ne figurant pas dans la réglementation.

La cour a judicieusement rappelé que la position de l’Agence ne pourrait qu’induire des différences de traitement entre personnes handicapées selon les conditions de paiement de leur rémunération.


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