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Décision du Conseil pour le paiement des prestations du SPF Pensions : contrôle judiciaire de la motivation

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 10 janvier 2018, R.G. 2015/AB/626

Mis en ligne le vendredi 28 septembre 2018


Cour du travail de Bruxelles, 10 janvier 2018, R.G. 2015/AB/626

Terra Laboris

Par arrêt du 10 janvier 2018, la Cour du travail de Bruxelles procède à l’examen de légalité d’une décision du Conseil pour le paiement des pensions, examen portant en l’occurrence sur l’exigence de motivation.

Les faits

Une salariée est admise à la pension en mars 2011 et signale avoir cessé toute activité professionnelle. Elle perçoit une pension de retraite dans ce régime. Elle est parallèlement informée des montants limites à ne pas dépasser en cas d’activité professionnelle.

Elle signale ultérieurement, en janvier 2013, qu’elle a repris une telle activité. Un complément d’informations lui est donné en ce qui concerne les montants. Le SPF (alors ONP) considère qu’il y a un indu pour les six premiers mois de l’année 2013 et réclame un montant de près de 5.800 euros. Le montant réclamé est celui obtenu après déduction de la cotisation AMI.

L’intéressée ayant rapidement mis un terme à sa nouvelle activité, son dossier est réexaminé. Elle obtiendra, à partir de 2014, une pension de retraite légèrement majorée.

Rétroactes procéduraux

Un recours fut introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles en mars 2014, demandant notamment la renonciation à la récupération de ce montant.

Le Conseil pour le paiement des prestations avait pris une décision négative et la dette a été retenue sur les pensions mensuelles à concurrence de 10%.

Par un jugement du 26 mai 2015, le tribunal du travail a annulé la décision du Conseil et l’a invité à en prendre une autre dans le délai trois mois. Sur l’indu, il n’a pu que confirmer (en très grande partie) la position de l’Office. Celui-ci s’est par ailleurs vu interdire de continuer à procéder aux retenues, et ce à partir de la notification du jugement.

Suite à l’appel du SPF Pensions, la cour du travail a été saisie et a rendu un premier arrêt le 22 mars 2017. Cet arrêt a en gros confirmé le jugement du tribunal, sauf en ce que ce dernier avait considéré que le précompte professionnel ne faisait pas partie de l’indu, position que n’a pas partagée la cour.

Elle y précisait également, sur la question de la motivation, que l’on ne peut comprendre quels éléments concrets ont été pris en considération pour refuser la renonciation à la récupération. Elle a également dénoncé l’analyse trop sommaire de la situation financière de l’intéressée.

Une nouvelle décision a dès lors été prise par le Conseil le 29 juin 2017, maintenant sa position, en ce compris sur la poursuite de la retenue mensuelle. Quant à la motivation, elle fait référence à un « examen approfondi » du dossier, notamment, en fonction de la propriété d’un bien immobilier et du fait que les revenus de l’intéressée sont supérieurs au seuil de pauvreté.

L’arrêt du 10 janvier 2018

La cour restant saisie de l’appel de l’assurée sociale, elle statue sur la nouvelle décision du Conseil du 29 juin 2017.

Elle reprend en premier lieu les principes de la Charte de l’assuré social tels que figurant en son article 22 relatif à la renonciation à la récupération de l’indu. Elle renvoie également à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, dont l’arrêt du 28 mai 2009 (C. const., 28 mai 2009, n° 88/2009), où elle a admis que les recours en matière de renonciation à la récupération de l’indu et le contrôle des décisions administratives en cette matière sont de la compétence de l’ordre judiciaire, étant des juridictions du travail, en application des articles 580, 2° et 8°, du Code judiciaire. Il s’agit d’un contrôle de légalité, qui ne peut donner lieu qu’à une annulation sans pouvoir de substitution. La cour constitutionnelle a également rappelé que la demande de renonciation ne peut être formée immédiatement devant le tribunal mais doit être faite devant l’institution concernée.

La cour du travail poursuit en reprenant les exigences de la motivation au sens de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation des actes administratifs et souligne particulièrement l’obligation pour la motivation d’être adéquate, étant qu’elle doit être pertinente, avoir trait à la décision et être sérieuse en ce que les raisons invoquées doivent être suffisantes pour la justifier.

Elle énonce également que cette obligation est d’autant plus rigoureuse que la compétence est discrétionnaire.

En l’espèce, la cour ne verra dans la décision nouvelle que des considérations stéréotypées, sans référence à des éléments concrets et identifiés. Elle rappelle l’exigence au sens de la Charte de procéder à une mise en balance du montant de la dette avec les capacités de remboursement de l’assurée sociale, exercice dans lequel il faut procéder à une analyse des revenus et des charges de manière à préciser quel montant est disponible pour le remboursement. L’ensemble de ces éléments n’est pas évalué et la référence au seuil de pauvreté ainsi qu’au fait que l’intéressée est propriétaire de son logement ne suffit pas.

Elle fait encore grief au Conseil de ne pas avoir tenu compte des éléments invoqués par l’intéressée et pose également la question de savoir pourquoi une renonciation partielle n’a pas été envisagée.

Cette deuxième décision du Conseil est par conséquent annulée.

Le Conseil est invité à en prendre une autre dans un nouveau délai de trois mois, en se conformant notamment à la loi du 29 juillet 1991.

Intérêt de la décision

Le contrôle de légalité de la décision administrative concerne, dans ce cas d’espèce, une décision du SPF Pensions. La jurisprudence est de plus en plus fréquente, qui procède à l’annulation de décisions de diverses institutions pour le même motif : non-respect de l’obligation de motivation de l’acte administratif. L’examen se fait à l’aune des règles de l’article 22 de la Charte de l’assuré social et de la loi du 29 juillet 1991.

Relevons que les décisions les plus fréquentes sont rendues en matière de décision de la Commission des dispenses des cotisations au statut social pour travailleurs indépendants. L’on peut encore relever que la jurisprudence est identique pour des décisions prises par l’I.N.A.S.T.I., par exemple (voir en ce sens Trib. trav. Brabant Wallon, div. Nivelles, 4 juin 2018, R.G. 17/932/A).


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