Terralaboris asbl

Fraude et allocations familiales : délai de prescription de l’action en remboursement

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 23 janvier 2018, R.G. 2017/AN/68

Mis en ligne le mardi 25 septembre 2018


Cour du travail de Liège, division Namur, 23 janvier 2018, R.G. 2017/AN/68

Terra Laboris

Dans un arrêt du 23 janvier 2018, la Cour du travail de Liège (division Namur) rappelle le point de départ du délai de prescription quinquennale en vue de la récupération d’allocations familiales fixé par l’article 120bis, alinéa 3, de la loi générale du 19 décembre 1939 relative aux allocations familiales : il s’agit de la date à laquelle l’institution a connaissance de la fraude, du dol ou des manœuvres frauduleuses.

Les faits

Un couple organise une séparation fictive, avec des domiciles distincts, alors qu’ils continuent à vivre ensemble maritalement avec leurs enfants. Le père bénéficie des allocations familiales et également de suppléments pour famille monoparentale et chômeur de longue durée.

La police locale a dressé à sa charge un procès-verbal du chef d’escroquerie en droit pénal social. Celui-ci fait suite à des perquisitions qui ont démontré le caractère fictif de la séparation.

FAMIFED a été informé de la chose et a transmis à la caisse d’allocations familiales l’information en vue de récupération, les majorations étant en effet indues.

L’intéressé introduit une procédure devant le Tribunal du travail de Dinant en contestation. Par jugement du 24 février 2017, le tribunal a réduit l’indu, tenant compte de la prescription d’une partie de la somme.

La caisse a interjeté appel.

La position des parties devant la cour

Pour la caisse, il y a mauvaise application de la règle de prescription. Vu le caractère frauduleux de la situation, c’est la prescription quinquennale qui est d’application et ce délai devait courir depuis le moment où la caisse a eu connaissance de la fraude, moment qui se situe en mars 2015.

Quant à l’intéressé, il demande que la prescription soit fixée à trois ans et conteste avoir été l’auteur d’une fraude.

La décision de la cour

La cour se penche en premier lieu sur la règle applicable : trois ou cinq ans.

Elle estime que la situation d’inscriptions domiciliaires séparées mise en place est une fraude. Le père, qui a fait des déclarations inexactes, doit se voir appliquer le délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 120bis, alinéa 3, de la loi coordonnée. Par ailleurs, dans sa version applicable depuis le 1er août 2013, la cour rappelle que le délai de prescription fixé à cette disposition prend cours à la date à laquelle l’institution a connaissance de la fraude, du dol ou des manœuvres frauduleuses.

Avant l’entrée en vigueur de cette modification législative, la disposition ne comportait pas de précision quant au point de départ. Il prenait dès lors cours au paiement.

Cependant, il faut tenir compte de la règle de l’application dans le temps de la disposition nouvelle, étant que, sauf volonté contraire du législateur (inexistante en l’espèce), le nouveau délai de prescription est d’application dès l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, même si le droit à l’action est né avant celle-ci, sans cependant pouvoir faire obstacle à la prescription déjà acquise. Le régime de prescription quinquennale s’applique donc, sauf pour les paiements atteints par la prescription à la date d’entrée en vigueur de la disposition nouvelle, qui est le 1er août 2013. Les paiements visés sont donc ceux antérieurs au 1er août 2008.

Vu les éléments de l’espèce, aucun paiement ne tombe dans cette catégorie et le nouveau régime est d’application à tous les paiements litigieux.

En ce qui concerne le moment où la caisse a eu connaissance de la fraude, la cour le situe au courrier de FAMIFED (31 mars 2015).

La caisse a donc un délai de cinq ans à partir de cette date. Elle aurait dès lors jusqu’au 31 mars 2020 pour agir. Dans la mesure où elle a déposé des conclusions, elle est dans le délai.

La cour examine encore deux questions, étant d’abord la date de prise de cours des intérêts, qui peut remonter en amont de la mise en demeure adressée en novembre 2015, s’agissant d’une fraude (application de l’article 21 de la Charte de l’assuré social).

Enfin, sur la faculté de renoncer à la récupération, elle rappelle qu’il ne s’agit pas d’un droit subjectif dans le chef de l’assuré social. Le contrôle judiciaire s’exerce a posteriori et il s’agit d’un contrôle de légalité.

Intérêt de la décision

Le premier point d’intérêt est la reconnaissance par les juridictions du travail d’une fraude. Nombreuses sont les situations où il est constaté que les éléments constitutifs de celle-ci, ou encore de déclarations fausses ou frauduleuses, ne sont pas établis. En l’espèce, l’élément constitutif de la fraude est la mise sur pied d’une situation volontairement inexacte aux fins de pouvoir bénéficier de suppléments de prestations familiales.

La règle de prescription est également développée très clairement : le point de départ était initialement le paiement. Il est, depuis la modification de l’article 120bis par la loi-programme du 28 juin 2013, la date à laquelle l’institution a connaissance de la fraude. Il s’agit de l’institution qui paie les allocations et non FAMIFED.

La cour fait encore l’exercice des effets de l’application dans le temps de la loi nouvelle, dans les hypothèses où le droit à l’action est né avant son entrée en vigueur.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be