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C.P.A.S. : prise en compte des revenus des ascendants

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 15 novembre 2017, R.G. 2016/AB/613

Mis en ligne le vendredi 15 juin 2018


Cour du travail de Bruxelles, 15 novembre 2017, R.G. 2016/AB/613

Terra Laboris

Dans un arrêt du 15 novembre 2017, renvoyant à sa jurisprudence antérieure, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, en la matière, la prise en compte des revenus des ascendants, si elle est facultative, n’implique pas que l’obligation soit le principe et qu’il ne puisse y être dérogé que par exception.

Les faits

Un assuré social bénéficie d’allocations de chômage au taux cohabitant, ainsi que d’un complément dans le cadre du revenu d’intégration sociale.

Une régularisation est demandée par le C.P.A.S., les allocations de chômage s’étant avérées plus importantes.

Après avoir constitué une petite société (période qui n’a pas été couverte par des allocations de chômage), l’intéressé se présente au C.P.A.S. en septembre 2015, demandant le revenu d’intégration sociale et une aide urgente. Il est hébergé à ce moment par sa mère, qui bénéficie d’une pension. Il est très endetté.

Le C.P.A.S. refuse, au motif de l’obligation de tenir compte des revenus des ascendants, ceux-ci, ajoutés aux siens, faisant obstacle à l’octroi du revenu d’intégration. Le C.P.A.S. précise qu’il est toujours loisible, en sus, au demandeur, de mettre un terme à son activité dans la société et de faire valoir ses droits aux allocations de chômage, éventualité qu’il refuse. Pour le Centre, l’intéressé a organisé son état de besoin.

Il est admis, quelques semaines plus tard, au bénéfice du règlement collectif de dettes.

Le recours introduit devant le Tribunal du travail du Brabant wallon n’a pas abouti et l’intéressé interjette appel.

La décision de la cour

La cour examine, parmi les conditions d’octroi, celle relative à l’existence de créances alimentaires. Les débiteurs alimentaires sont limitativement énumérés dans le cadre de la loi du 26 mai 2002, étant le conjoint (ou ex-conjoint), les ascendants et descendants du premier degré, ainsi que l’adoptant et l’adopté.

Le renvoi vers les débiteurs d’aliments est une faculté et la cour rappelle les travaux préparatoires de la loi, selon lesquels il doit être fait usage de celle-ci en fonction de la situation concrète.

Il y a dès lors obligation pour le C.P.A.S. de procéder à une enquête sociale approfondie, vu le caractère non systématique de ce renvoi. La cour rappelle la doctrine de H. MORMONT et de J. MARTENS (H. MORMONT et J. MARTENS, « Le caractère résiduaire des régimes », Aide sociale – intégration sociale. Le droit en pratique, La Charte, 2011, p. 355), ainsi que de Ph. VERSAILLES (Ph. VERSAILLES, Le droit à l’intégration sociale, Kluwer, E.D.S., 2014, p. 177). Cette enquête doit, selon ces auteurs, porter non seulement sur l’existence de débiteurs d’aliments, mais également sur leurs capacités contributives et sur les répercussions familiales d’un éventuel renvoi.

Les règles ici sont distinctes de celles en matière de cohabitation, cette seconde situation étant visée à l’article 34, § 2, de l’arrêté royal du 11 juillet 2002. Cette disposition vise la partie des ressources devant être prise en compte pour la détermination du montant du revenu d’intégration sociale dans le chef du demandeur. Il est ici octroyé fictivement au demandeur et à ses ascendants et/ou descendants majeurs du premier degré un montant égal au revenu d’intégration au taux cohabitant.

La question de la prise en compte ou non des revenus des ascendants (qui intervient au moment de l’examen des ressources) n’est pas une compétence discrétionnaire, la cour du travail renvoyant à un arrêt du 8 février 2012 (C. trav. Bruxelles, 8 février 2012, R.G. 2010/AB/952), qui a rappelé qu’aucune disposition légale ne prévoit que la prise en compte serait la règle et la non-prise en compte l’exception.

Il faut dès lors se fonder sur l’enquête sociale à laquelle le C.P.A.S. est tenu de procéder, dans laquelle doivent figurer les éléments relatifs à l’importance des revenus des ascendants, mais également ceux permettant de déterminer les répercussions que la prise en compte de ces revenus pourrait avoir sur la cellule familiale.

En l’espèce, la mère de l’intéressé a une pension faible, même s’il faut tenir compte du fait qu’elle ne doit pas payer de loyer. La cour relève cependant que la cohabitation entre la mère et le fils est source d’incompréhensions, voire de tensions. De ceci, découle la conclusion que les répercussions familiales s’opposent à la prise en compte des revenus de la mère.

Quant à la position du C.P.A.S. sur l’opportunité pour l’intéressé de mettre un terme à son activité et de solliciter le bénéfice des allocations de chômage, la cour relève qu’il n’appartient pas au C.P.A.S. de déclarer d’emblée que l’activité indépendante est vouée à l’échec. Aucune enquête sociale n’a d’ailleurs été menée sur le projet lui-même et la cour fait encore reproche au C.P.A.S. de ne pas avoir fait intervenir son service d’insertion professionnelle.

Le caractère très peu élevé des rémunérations perçues est confirmé et la cour relève encore qu’une demande de dispense de cotisations au statut social a été introduite pour six trimestres.

Elle fait dès lors droit à la demande et réforme ainsi le jugement du tribunal du travail.

Intérêt de la décision

La question de la prise en compte des revenus des ascendants fait débat, la Cour du travail de Bruxelles renvoyant ici à sa jurisprudence selon laquelle aucune disposition légale n’érige la prise en compte de ceux-ci en principe, la non-prise en compte devant être considérée avec prudence, s’agissant d’une exception.

La cour insiste sur les deux règles à respecter, étant d’une part la fixation précise du revenu des ascendants et, d’autre part, la nécessité, dans l’enquête sociale, d’exposer les incidences d’une telle prise en compte sur l’équilibre et la sérénité de la cellule familiale.


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