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Activité accessoire exercée pendant le chômage : revenus à prendre en compte

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Mons), 16 octobre 2017, R.G. 14/208/A et 15/1.886/A

Mis en ligne le vendredi 27 avril 2018


Tribunal du travail du Hainaut, division Mons, 16 octobre 2017, R.G. 14/208/A et 15/1.886/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 16 octobre 2017, le Tribunal du travail du Hainaut (division Mons) rappelle les deux arrêts de principe rendus par la Cour de cassation le 18 janvier 2016, étant que les revenus susceptibles de révéler que l’activité exercée n’a plus le caractère accessoire requis sont ceux produits par l’activité elle-même et non le revenu annuel net imposable, ou encore les revenus après déduction de rémunérations de sous-traitance et d’autres charges fiscalement admises.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage a signalé, lors de sa demande d’allocations, exercer une activité accessoire. La demande remonte au mois de septembre 2009. A l’époque, il déclare à ce titre une activité de vente de produits de nutrition depuis plus d’un an. Cette activité est, d’après ses déclarations, exercée avant 7h00 et après 18h00, en tant qu’indépendant. Il est, quelques jours plus tard, convoqué pour une audition, à laquelle il se rend, et ses obligations sont précisées, dans le cadre de l’exercice de cette activité, qui est admise.

Il n’est cependant pas indemnisé le samedi (de manière générale), non plus que le dimanche (lorsque l’activité est exercée). Deux ans plus tard, il lui est encore confirmé que les revenus de son activité n’ont pas d’incidence sur le montant des allocations, l’ONEm se basant sur l’avertissement-extrait de rôle 2010. Le bénéfice brut est alors de 15.000 euros et le résultat net de l’ordre de 1.820 euros. Ceci est encore confirmé l’année suivante.

En 2013, l’intéressé est convoqué et c’est alors que l’ONEm prend la décision de ne plus l’indemniser à partir du 1er septembre 2013 et de récupérer les allocations indûment perçues depuis le 1er janvier 2011. Une seconde décision interviendra le 30 juin 2015, les deux soulignant que, vu les revenus dégagés par l’activité en cause, celle-ci ne répond pas au caractère accessoire exigé.

Moyens des parties devant le tribunal

Le demandeur considère que l’ONEm ne précise pas le mode de calcul opéré pour conclure au caractère non accessoire de l’activité (absence de motivation conforme) et expose que, sur le plan financier, ni ses revenus nets ni son chiffre d’affaires n’ont augmenté pendant les années concernées.

A titre subsidiaire, il demande la limitation de la récupération aux 150 dernières allocations.

Quant à l’ONEm, il se fonde sur son dossier administratif pour conclure que la décision a été prise à bon droit.

La décision du tribunal

Le tribunal ne suit pas le demandeur en ce qui concerne l’absence de motivation formelle de la décision administrative, la loi du 29 juillet 1991 prévoyant en son article 3 que la motivation exigée consiste en l’indication dans l’acte des considérations de droit et de fait servant de fondement à la décision. Des décisions de jurisprudence ont dressé certains contours de cette obligation, particulièrement sur la notion d’adéquation de la motivation. Celle-ci doit être pertinente, avoir trait à la décision et être sérieuse, étant que les raisons invoquées doivent être suffisantes pour la justifier.

Les obligations contenues, par ailleurs, dans la Charte de l’assuré social à cet égard doivent également être respectées et, même si la Charte ne renvoie pas formellement à la notion de motivation formelle de la loi du 29 juillet 1991, il peut, pour le contenu, être renvoyé à cette loi, vu que les articles 7 et 13 de la Charte ne sont pas très explicites (le tribunal renvoyant à la doctrine de J.-F. NEVEN et S. GILSON, « La motivation des décisions des institutions de sécurité sociale à l’égard des employeurs et des assurés sociaux », Ors., 2009/9, pp. 4-5).

Appliquant l’ensemble des principes en la matière au cas d’espèce, le tribunal conclut que les circonstances de droit et de fait à l’appui de la décision sont clairement exposées. Il rejette dès lors l’argument tiré de l’absence de motivation.

Il procède ensuite à l’examen de la réglementation, étant les articles 44 et suivants de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage. Ces dispositions sont reprises, et particulièrement l’article 48 relatif à l’activité accessoire. Le principe étant que le bénéficiaire d’allocations de chômage doit être disponible sur le marché de l’emploi et ne peut exercer d’activité pour compte propre, le mécanisme de l’article 48 constitue une exception à celui-ci et, pour en bénéficier, l’assuré social doit remplir quatre conditions cumulatives, qui sont expressément visées dans le texte de la disposition. Le tribunal rappelle également, avec la Cour du travail de Mons (C. trav. Mons, 8 juin 2017, R.G. 2016/AM/192), que ces conditions sont de stricte interprétation. Notamment, l’activité ne peut pas prendre une importance telle qu’elle deviendrait principale et perdrait ainsi son caractère accessoire. Le critère est, sur le plan des ressources à prendre en compte, non pas les revenus générés par celle-ci pour le chômeur, mais le revenu brut de l’activité en cause.

Est rappelée ici la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a rendu deux arrêts le 18 janvier 2016 (Cass., 18 janvier 2016, n° S.14.0083.F et Cass., 18 janvier 2016, n° S.14.0087.F). Ces deux décisions ont confirmé la règle, étant que les revenus susceptibles de révéler que l’activité n’a plus le caractère accessoire exigé sont les revenus produits par celle-ci et non les revenus nets, étant ceux qui subsistent après déduction de rémunérations de sous-traitance et de charges fiscalement acceptables, ou encore le revenu annuel net imposable.

Si une activité perd son caractère accessoire, la décision venant le constater sortira ses effets, en vertu de l’article 48, § 3, de l’arrêté royal, soit à partir du jour où l’activité ne présente plus ce caractère (s’il n’existait pas encore de carte d’allocations valable accordant le droit aux allocations pour la période prenant cours à partir de la déclaration ou, en cas d’absence de déclaration ou encore de déclaration inexacte ou incomplète), soit à partir du lundi qui suit la remise à la poste du pli notifiant la décision au chômeur (dans les autres cas). La décision ne peut donc, pour le tribunal, avoir d’effet rétroactif : ses effets prennent cours au plus tôt le jour où l’activité ne présente plus de caractère accessoire, en cas d’absence de déclaration ou en cas de déclaration incomplète ou inexacte et, dans les autres cas, il faut attendre la notification au chômeur.

Le tribunal en vient ainsi à l’examen des chiffres, étant admis que les quatre conditions cumulatives de l’article 48 sont remplies. Entre 2009 et 2013, les chiffres d’affaires déclarés, ou bénéfices bruts, n’ont pas fortement évolué, passant de 15.000 euros à 16.670 euros (environ). Pour le tribunal, il s’agit de chiffres constants. L’ONEm ayant donné diverses explications quant à sa position (puisqu’il avait admis la situation dans un premier temps et a modifié son appréciation par la suite), le tribunal considère qu’il a fait naître une attente légitime dans le chef du chômeur, étant que, avec un chiffre d’affaires constant, la décision serait identique. Or, il n’est pas établi qu’il aurait presté davantage ou que la nature de l’activité serait différente. A supposer qu’il y ait eu une erreur d’appréciation de départ, il faudrait conclure à une erreur dans l’appréciation souveraine du caractère accessoire de l’activité, qui a amené le chômeur à considérer qu’elle conservait bien ce caractère accessoire pour toute la période. La décision par laquelle ce caractère accessoire n’est plus admis ne peut dès lors rétroagir mais prendre effet le lundi suivant sa notification, vu que les autres hypothèses (absence de déclaration ou déclaration inexacte) ne sont pas rencontrées.

Intérêt de la décision

Ce jugement du Tribunal du travail du Hainaut intervient à propos d’une question récurrente dans la situation visée. A partir du constat opéré quant à l’obligation pour le chômeur qui souhaite poursuivre l’exercice d’une activité accessoire de faire la déclaration requise et d’exercer cette activité dans les conditions admises à l’article 48 de l’arrêté royal, la procédure administrative ne prévoit pas de balise claire quant au caractère accessoire ou non de l’activité en cause.

Il a fallu deux arrêts de la Cour de cassation – rendus le même jour – pour que soit bien confirmé le fait que les revenus à prendre en compte pour déterminer si l’activité conserve son caractère accessoire ou non sont les revenus produits par celle-ci et non ce qui « reste » au chômeur après avoir effectué le paiement de diverses charges.

Le jugement en cause rappelle que l’appréciation du caractère accessoire sera en réalité souveraine, dans le chef de l’administration, et qu’une erreur d’appréciation ne peut entraîner l’obligation pour le chômeur de rembourser.

Le jugement ne contient cependant pas de précisions quant aux critères qui avaient été admis au départ et à ceux qui ont présidé à la notification de l’indu, sauf une brève référence aux revenus nets, ceux-ci ayant été de l’ordre de 1.820 euros la première année et de 1.112 euros la deuxième. La plus grande prudence est dès lors recommandée dans l’hypothèse où une telle activité est poursuivie, puisque ce critère n’est pas pertinent, eu égard à la règle dégagée par la Cour de cassation dans ses deux arrêts du 18 janvier 2016.


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