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Conditions d’admission aux allocations de chômage sur la base d’un travail : période de référence et possibilités de prolongation

Commentaire de Cass., 13 novembre 2017, n° S.17.0018.F

Mis en ligne le vendredi 30 mars 2018


Cour de cassation, 13 novembre 2017, n° S.17.0018.F

Terra Laboris

Par arrêt du 13 novembre 2017, la Cour décide que la possibilité de faire appel au nombre de jours de travail et à la période de référence d’une catégorie d’âge supérieure à celle du demandeur d’allocations peut se combiner avec la possibilité de se prévaloir d’une cause de prolongation de cette période de référence.

Faits et antécédents de la cause

Mme V., née en 1981, demande à être admise au bénéfice des allocations de chômage à partir du 25 février 2013, après la fin d’un contrat de travail. Ce droit lui est refusé par l’ONEm par une décision du 12 août 2013.

Un recours recevable est introduit à l’encontre de cette décision.

Il est constant que Mme V. ne prouve pas les 312 journées de travail requises au cours de la période de référence pour son âge, soit 21 mois, ni de la période de référence prolongée du nombre de jours pendant lesquels elle a exercé une activité indépendante, soit la période allant du 11 mars 2010 au 24 février 2013. Elle ne peut donc être admise au bénéfice des allocations de chômage que si elle peut faire appel aux dispositions combinées des alinéas 2 et 3 de l’article 30 de l’AR du 25 novembre 1991, en prenant la période de référence de 42 mois prévue pour les travailleurs de plus de 50 ans (application de l’alinéa 2) et en la prolongeant de la durée de son activité comme indépendante (application de l’alinéa 3). Elle prouve alors 780 jours de travail soit plus que les 624 jours requis pour les travailleurs de plus de 50 ans.

Selon l’ONEm, les règles relatives à la prolongation de la période de référence ne sont applicables que pour la période de référence de la catégorie d’âge du chômeur. L’article 30, alinéa 3 de l’AR renvoie en effet à la période de référence visée à l’alinéa 1er, soit en l’espèce les 21 mois précédant la demande.

Par un jugement du 02.04.2015, le Tribunal du travail de Bruxelles fait droit à la demande.

L’arrêt attaqué

Par son arrêt du 15 décembre 2016 (R.G. 2015/AB/437, disponible sur Terra Laboris), la huitième chambre de la cour du travail confirme ce jugement : « A la lecture de l’article 30, la Cour, comme le Tribunal, ne voit aucune incompatibilité entre la possibilité de prolonger la période de référence et la possibilité d’invoquer un stage fondé sur la catégorie d’âge supérieure ».

Le pourvoi en Cassation

L’ONEm invoque la violation de différentes dispositions de l’AR du 25 novembre 1991 et plus particulièrement de son article 30, alinéa 3. Il reproduit la position défendue devant le tribunal et la cour du travail. La requête soutient également qu’adopter de cette disposition une autre interprétation « serait de nature à créer une discrimination dénuée de justification raisonnable, eu égard à l’objectif du texte réglementaire, entre les travailleurs selon leurs catégories d’âge, inférieures ou supérieures, discrimination prohibée par les articles 10 et 11 de la Constitution. En effet, si les périodes de référence peuvent être prolongées, aussi bien dans le cadre de l’application de l’alinéa 1er (admission sur la base des conditions prévues pour la catégorie d’âge du travailleur) que dans le cadre de l’application de l’alinéa 2 (admission sur la base des conditions prévues pour une catégorie d’âge supérieure), cela revient à dire que les travailleurs des catégories d’âge inférieures ont toujours la possibilité de choisir la condition d’admission qui leur est le plus favorable, au contraire des travailleurs des catégories d’âge supérieures qui n’ont pas cette possibilité ».

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour rejette le pourvoi.

Elle décide qu’il suit des alinéas 1er, 2 et 3 de l’article 30 de l’A.R. « qu’un travailleur visé à l’article 30, alinéa 1er, 1° ou 2° (soit respectivement le travailleur âgé de moins de 36 ans et le travailleur âgé de 36 à 50 ans) peut, pour établir qu’il satisfait, conformément à l’alinéa 2, à la condition prévue pour une catégorie d’âge supérieure, se prévaloir, en vertu de l’alinéa 3, 3°, de la prolongation de la période de référence prévue à l’alinéa 1er pour cette catégorie d’âge ».

Elle écarte également le moyen en ce qu’il invoque la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, au motif que :
« La discrimination redoutée par le moyen entre les travailleurs relevant des différentes catégories d’âge que distingue l’article 30, alinéa 1er, ne résulterait pas de cette interprétation des dispositions applicables mais de la circonstance que les travailleurs des catégories d’âge supérieures ne peuvent se prévaloir des conditions d’admissibilité prévues pour une catégorie d’âge inférieure ».

Intérêt de la décision commentée

L’arrêt de la Cour de cassation est intéressant à un double titre.

Tout d’abord, il admet le cumul de deux possibilités offertes au travailleur qui ne remplit pas la condition du nombre de jours de travail requis dans la période de référence fixée en fonction de son âge, étant de faire appel à une période de référence et au nombre de jours requis pour une catégorie d’âge supérieure et de se prévaloir des causes de prolongation de ladite période. La Cour contredit ainsi la position qui a toujours été défendue par l’ONEm, sans, semble-t-il, susciter une levée de boucliers (voir, dans le même sens que l’ONEm, B. GRAULICH et P. PALSTERMAN, Les droits et obligations du chômeur, Kluwer, Etudes pratiques de droit social, n° 14 p.51).

Ensuite, il illustre le rôle du pouvoir judiciaire lorsqu’est invoquée une éventuelle violation des articles 10 et 11 de la Constitution par une disposition réglementaire. Les juridictions du travail doivent, pour statuer sur les droits subjectifs du chômeur concerné, refuser d’appliquer au litige concret qui leur est soumis une disposition contraire aux principes d’égalité et de non-discrimination que consacrent ces dispositions constitutionnelles, et ce en vertu de l’article 159 de la Constitution. Mais, en l’espèce, l’ONEm n’invitait pas la Cour de cassation à écarter une disposition réglementaire applicable à la catégorie de chômeurs à laquelle appartient Mme V. mais à interpréter l’article 30, alinéa 3 de l’A.R. en un sens qui ne créerait pas une discrimination envers d’autres catégories de chômeurs. Cette éventuelle violation est donc sans incidence sur le contrôle de légalité qu’exerce la Cour sur la décision de l’arrêt attaqué que Mme V. est admissible au bénéfice des allocations de chômage à la date à laquelle elle y prétend.


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