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Charte de l’assuré social : portée de l’article 17, alinéa 3, de la loi du 11 avril 1995

Commentaire de C. trav. Mons, 5 juillet 2017, R.G. 2016/AM/47

Mis en ligne le lundi 8 janvier 2018


Cour du travail de Mons, 5 juillet 2017, R.G. 2016/AM/47

Terra Laboris

Par arrêt du 5 juillet 2017, la Cour du travail de Mons précise la portée de l’article 17, alinéa 3, de la loi du 11 avril 1995 (Charte de l’assuré social), faisant un rapprochement avec l’arrêté royal du 31 mai 1933 auquel le texte se réfère.

Les faits

Un assuré social a été victime d’un accident du travail en 2012. Cet accident étant reconnu, l’organisme assureur A.M.I. ne l’a pas indemnisé. Ayant cependant déménagé et s’étant affilié à une autre mutualité (dépendant cependant de la même fédération), l’intéressé perçoit des indemnités pendant une période de 4 mois, un an et demi après. Il est alors invité à rembourser un indu de l’ordre de 3.000 euros.

L’organisme assureur introduit une procédure devant le tribunal, l’intéressé faisant de même.

Les affaires sont jointes et le tribunal fait droit à la demande de la mutualité. Le débat s’est cristallisé autour de l’article 17, alinéa 3, de la Charte, étant que l’intéressé devait nécessairement savoir qu’il n’avait pas droit aux indemnités litigieuses, vu l’indemnisation en loi, aucune modification de sa situation n’étant intervenue, hors le déménagement.

Appel est interjeté par celui-ci.

Les arrêts de la cour du travail

L’arrêt du 12 janvier 2017

La cour du travail a rendu un premier arrêt le 12 janvier 2017, arrêt par lequel elle a reçu l’appel et a statué sur une demande d’écartement de l’article 174, alinéa 3, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, rejetant cette demande eu égard à l’abrogation intervenue par la loi du 10 avril 2014 suite à un arrêt rendu par la Cour constitutionnelle le 24 mai 2012 (C. const. 24 mai 2012, n° 66/2012).

La question relative à l’article 17 a fait l’objet d’une réouverture des débats.

L’arrêt du 5 juillet 2017

La cour relève que, pour l’appelant, il y a eu erreur dans le chef de sa mutualité, puisqu’elle était informée de l’intervention de l’assureur-loi et que rien n’avait changé dans la situation personnelle de l’assuré social, qui signale avoir appelé celle-ci à deux reprises et expose qu’il lui aurait été confirmé qu’il avait droit à une aide familiale, lui-même pensant, ainsi, qu’il avait droit à des indemnités.

La cour va dès los examiner la portée de l’article 17. Son mécanisme (absence de rétroactivité d’une décision octroyant une prestation inférieure à ce qui avait initialement été décidé) ne vaut pas lorsque l’assuré social savait ou devait savoir, dans le sens de l’arrêté royal du 31 mai 1933 concernant les déclarations à faire en matière de subventions, indemnités et allocations, qu’il n’avait pas ou qu’il n’avait plus droit à l’intégralité d’une prestation. Il s’agit de décisions de révision d’octroi de prestations entachées d’une erreur de droit ou matérielle. Son but est de garantir la sécurité juridique et de respecter les attentes légitimes de l’assuré social.

En l’espèce, il n’y a pas eu d’indemnités d’incapacité versées au départ et ce n’est que suite au déménagement et après le transfert vers un autre organisme assureur que les paiements sont intervenus. Ceux-ci l’étaient à tort, puisqu’ils réparent le même dommage que celui indemnisé en loi.

L’intéressé signale cependant qu’il n’a introduit aucune demande auprès de la mutualité et la cour s’interroge sur les raisons pour lesquelles les indemnités ont commencé à être payées, vu la situation de fait. Aucune explication n’étant donnée, elle conclut à une erreur manifeste. Un paiement – injustifié comme en l’espèce – est un pur fait mais non une décision au sens de l’article 17. Par ailleurs, si l’on devait admettre qu’il y a eu une décision implicite de payer, l’intéressé devait nécessairement savoir qu’il n’y avait pas droit.

Celui-ci invoque le fait qu’il aurait contacté l’organisme assureur à cet égard, mais se borne à produire un simple relevé téléphonique, dont la cour constate qu’il n’a pas de force probante suffisante (absence d’identité de l’interlocuteur, non plus que de teneur des entretiens, dont elle relève qu’ils ont été particulièrement courts).

Elle souligne enfin que la condition de l’article 17, alinéa 3, étant que l’assuré social savait ou devait savoir qu’il n’avait pas droit à la prestation, ne s’identifie pas à l’intention frauduleuse ou au recours à des manœuvres frauduleuses au sens de l’arrêté royal du 31 mai 1933.

La cour déboute dès lors l’intéressé de son appel.

Intérêt de la décision

Le recours en cas d’indu à l’article 17 de la Charte de l’assuré social est fréquent.

La cour estime, dans cet arrêt, qu’il faut donner à celui-ci la portée que lui confère expressément son texte, étant qu’est supposée l’existence d’une décision. Ceci viserait une décision administrative expresse. La cour ne précise pas davantage que cette exigence est substantielle, dans la mesure où elle examine ensuite la situation eu égard à une décision qui aurait été implicite. Le paiement des indemnités est un fait, mais il doit avoir été précédé d’une décision. La cour semble admettre que la décision implicite est dès lors également visée dans l’article 17.

Elle dégage un deuxième principe, étant qu’au sens de cette disposition, les termes « savait ou devait savoir » n’exigent pas que soi(en)t présente(s) une intention frauduleuse ou des manœuvres frauduleuses.

Reste cependant à préciser les contours d’une telle situation : il appartient ici à l’institution de sécurité sociale de démontrer que – même si elle a fait une erreur – l’assuré social aurait dû, à partir de la connaissance qu’il avait ou qu’il pouvait avoir de l’étendue de ses droits, signaler cette erreur ou s’opposer au paiement.

L’on notera encore que, même si l’intéressé établit en l’espèce avoir contacté sa mutualité, rien n’établit qu’il l’a fait pour signaler l’existence des paiements en cause. Un bon réflexe aurait certes été de confirmer la chose dans un écrit.


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